Cette semaine, je vous propose un épisode débordant légèrement du cadre de l'enregistrement de la batterie stricto sensu. En effet, nous allons aujourd'hui aborder un sujet qui concerne peut-être un peu plus l'étape du mixage mais qui me semble cependant utile d'évoquer ici : la panoramique. Autrement dit, faut-il envisager la répartition stéréo de la batterie du point de vue du spectateur ou de celui du batteur ?
Il était une fois…
La première fois que je me suis posé cette question, c’était au début du siècle. Je venais alors à peine de prendre la décision de me consacrer entièrement à la musique. À cette époque, mon cursus universitaire était encore bien frais dans mon esprit. Quel est le rapport avec le schmilblick ? Eh bien il se trouve que j’aurai dû être professeur de mathématiques. Comme après moult recherches sur la toile et presque autant d’analyses de mix je ne trouvais toujours pas de réponse claire et définitive au regard du panoramique de la batterie, j’ai donc tout naturellement décidé de mettre à profit mes notions en statistique afin de mener ma propre étude sur le sujet au travers d’un sondage. Bien sûr, je ne me doutais pas le moins du monde à ce moment-là que ce petit exercice me servirait de support pour un article sur Audiofanzine près de quinze années plus tard… Comme quoi, le hasard fait parfois bien les choses !
Voici donc les résultats de ce sondage ainsi que les conditions dans lesquelles il fut réalisé.
Méthodologie
Afin d’effectuer cette étude, je me suis adressé à un panel de 200 personnes réparties comme suit :
- 50% de personnes « ordinaires », à savoir sans aucune expérience musicale significative ;
- 50% de musiciens ou techniciens du son – professionnels ou amateurs avertis ;
- Parmi ces derniers, 20% étaient batteurs.
Chaque personne de ce panel avait pour consigne d’écouter dans ses conditions habituelles de « consommation musicale » trois versions d’un même morceau. Les deux premières déclinaisons se limitaient à un unique changement : un mixage avec la batterie du point de vue du public et un autre du point de vue du batteur. La troisième version était une sorte de « piège » puisqu’elle était exactement identique à l’une des précédentes déclinaisons. Bien entendu, le sondé ne savait absolument pas à l’avance l’objet de cette étude. Une fois les écoutes effectuées, il y avait logiquement un questionnaire à remplir. En voici un résumé :
- Avez-vous remarqué des changements entre les différentes versions ?
- Si oui, lesquelles ?
- Avez-vous préféré l’une des versions ? Si oui, laquelle et pour quelle(s) raison(s) ?
- Dans quelles conditions avez-vous écouté ces morceaux ?
- Comment qualifieriez-vous votre consommation musicale ? Indiquez, si possible, la fréquence et la quantité, même de façon approximative.
- Jouez-vous d’un instrument ? Si oui, lequel et à quel niveau (pro ou semi-pro, amateur averti, dilettante) ?
- Avez-vous une quelconque pratique technique et / ou des connaissances théoriques en matière de son (ingénieur du son pro ou semi-pro, musique assistée par ordinateur, études dans le domaine de la physique, etc.) ? Si oui, merci de préciser dans quelle mesure.
À la fin du questionnaire, un encart plutôt « original » était réservé aux renseignements d’ordre personnel comme l’âge, le sexe, le lieu de naissance, la profession, le niveau d’étude, la taille, la couleur des yeux, la longueur des cheveux, etc. Le but de la manoeuvre était ici de noyer le poisson afin d’arriver au véritable point qui m’intéressait, à savoir si la personne était gauchère ou droitière. En effet, je pensais que cette question de la latéralité pouvait avoir son importance mais je ne souhaitais aucunement orienter le ou la sondé(e) quant à l’objet de cette consultation.
Bien, le décor étant planté, jetons un oeil aux résultats…
Pour, contre, sans opinion
Commençons par les résultats des batteurs. Tous ont correctement identifié chacune des versions. 80% d’entre eux préféraient ce que l’on appelle communément « le point de vue du batteur » mais… sur ces 80%, il n’y avait qu’un seul gaucher ! Dans les 20% préférant « le point de vue du public », il n’y avait en revanche qu’un seul droitier. Les autres étant gauchers, ce fameux « point de vue du public » correspond en fait pour eux à leur point de vue de batteur gaucher. Moralité, 90% des batteurs ont plébiscité leur point de vue de musicien. Intéressant, non ?
Jetons à présent un oeil aux résultats de la frange « musicienne » de ce panel. 96% ont correctement identifié chacune des versions, les 4% restant se sont trompé au moins une fois et leur éventuelle préférence fut donc comptabilisée comme nulle et non avenue. 33% ont préféré le point de vue du public, 60% celui du batteur droitier, 3% n’ont exprimé aucune préférence. Si l’on retranche à cette frange la portion de batteur, nous obtenons 36,25% côté public, 55% côté batteur, 3,75% sans opinion.
Aucune influence significative de la latéralisation n’a été remarquée chez cette population « musicienne » hors batteurs. En revanche, l’instrument pratiqué pourrait éventuellement avoir son importance car près de trois quarts des personnes préférant le point de vue du batteur étaient guitaristes ou bassistes.
Passons maintenant aux résultats des personnes totalement extérieures au monde de la musique. 90% d’entre eux ont correctement identifié chacune des versions. Comme précédemment, les 10% restant se sont trompé au moins une fois et leur éventuelle préférence fût donc comptabilisée comme nulle et non avenue. 37% ont exprimé une préférence pour le point de vue du spectateur contre 19% pour celui du batteur. 34% ont indiqué n’avoir aucune préférence. Une fois de plus, la latéralisation ne semble pas avoir d’influence significative sur cet échantillon. En revanche, un détail curieux est apparu : 85% des personnes ayant plébiscité le point de vue du public ont écouté les titres dans leur voiture.
Pour finir, considérons les résultats de façon globale. Sur les 200 personnes interrogées, nous avons :
- 7% n’ayant pas su identifier correctement les versions ;
- 18,5% n’ayant pas de préférence ;
- 35% préférant le côté public ;
- 39,5% privilégiant le point de vue du batteur droitier.
Voilà, je vous laisse méditer sur ces résultats et vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode dans lequel je vous livrerai mes propres conclusions.