Dans cet épisode, nous allons nous intéresser à l’enregistrement de la contrebasse, et plus particulièrement lorsque celle-ci est jouée à l’archet (arco). Ne vous en faites pas, nous verrons le cas du jeu au doigt (pizzicato) lors du prochain article.
Spécificités
La contrebasse appartient à la famille des instruments à cordes. Profondément ancré dans le registre grave, l’instrument descend généralement jusqu’au E1 (environ 41 Hz), mais cela peut aller jusqu’au B0 (environ 31 Hz) pour les versions équipées de 5 cordes. Par conséquent, il conviendra de choisir un micro capable de retranscrire ce registre sans trop de bavures.
Concernant l’émission du son, sachez qu’il provient essentiellement de la table d’harmonie qui sert d’amplificateur à la vibration des cordes. Autre point important, c’est le chevalet qui est principalement responsable de la transmission des vibrations des cordes à la table d’harmonie. Connaître ces détails va nous permettre de travailler correctement nos placements de micro.
Avant de passer à la partie pratique, deux remarques qui sont loin d’être anodines. Premièrement, l’instrument repose au sol via le piquet. Ce dernier peut malheureusement véhiculer les vibrations… Or, s’il s’agit par exemple d’un parquet en bois, cela peut faire caisse de résonance et venir passablement polluer vos prises. Gardez donc ce détail en tête et essayez autant que possible d’isoler le piquet en utilisant une moquette bien épaisse ou une mini-estrade de fortune reposant sur du caoutchouc le cas échéant.
La deuxième remarque ne se limite pas au seul cas de la contrebasse et concerne la majorité des instruments acoustiques. Ces derniers sont par nature imparfaits et possèdent certaines résonances disgracieuses plus ou moins marquées. Les « meilleurs » instruments sont également concernés, même si le degré d’imperfection sera moindre. N’hésitez pas à demander au musicien, car ce dernier connaît généralement bien son instrument et sera donc à même de vous apporter de précieuses indications en regard de celui-ci. Le but étant alors de trouver le meilleur micro et/ou placement apte à minimiser l’impact de ce problème. Par exemple, la contrebasse enregistrée pour cet article a une fâcheuse tendance à réagir de façon excessive aux Ré selon son propriétaire. Du coup, j’ai particulièrement fait attention aux Ré lors de la captation, et j’y serai également attentif lors de la phase de mixage.
En piste
Pour commencer, comme la contrebasse utilisée aujourd’hui est équipée d’une cellule, voyons ce que le jeu à l’archet peut donner enregistré ainsi :
Comme vous pouvez le constater, ce n’est vraiment pas terrible. Dans le prochain article, nous verrons qu’en pizzicato la captation via la cellule n’est pas trop mal, mais à l’archet, ce n’est clairement pas adapté.
Passons donc à l’enregistrement avec un micro. Niveau placement, toutes les prises utiliseront sensiblement le même, à savoir une distance de 15 à 40 cm du côté de la corde la plus aiguë, le micro légèrement en dessous du chevalet et pointant vers le corps de l’instrument (voir photos). Notez que j’évite soigneusement de pointer vers le chevalet dans ce cas précis, car cela à tendance à rendre la prise agressive, ce qui n’est pas du plus bel effet pour ce type de jeu. Pour vous aider dans le placement, vous pouvez utiliser un repère visuel simple : le bas du « f » de l’ouïe.
L’extrait qui suit provient d’une prise réalisée avec un statique C414 en mode omnidirectionnel, sans pad ni coupe bas :
Le rendu est certes plus intéressant qu’avec la capsule, mais cela manque tout de même d’un peu de « corps », sans parler de l’empreinte inévitable de la pièce avec cette directivité. Au passage, remarquez la fameuse résonance du Ré (3e note) qui est bel et bien présente comme prévu.
Le prochain extrait illustre l’utilisation du C414 en mode cardioïde :
Le résultat me semble plus cohérent avec moins de pollution provenant de la pièce et plus de « corps ». L’effet de proximité propre à la directivité cardioïde peut ici être un atout. Attention cependant, s’il devient trop envahissant, reculez donc votre micro.
Essayons maintenant un micro à ruban, le Sigma de Sontronics.
Là encore, la directivité (figure en 8) capte un peu trop la pièce à mon goût, mais le résultat peut être intéressant malgré tout. En effet, la « douceur » de ce type de micro atténue le « crincrin » de l’archet, ce qui peut être utile suivant le type de son recherché pour votre production.
Pour finir, voici un exemple utilisant un statique à petite membrane, un Oktava MC012 :
Si le rendu se situe à l’opposé du Sigma, il n’en reste pas moins intéressant, car le gain dans le haut médium peut permettre de facilement faire ressortir l’instrument dans un mix de musique « moderne ».
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Comme toujours, je vous invite à considérer ces méthodes comme des pistes à explorer afin d’obtenir le son que vous désirez pour vos propres œuvres. D’ailleurs, si votre lieu d’enregistrement le permet, essayer de jouer sur la distance séparant le micro de l’instrument. Dans le cas de la contrebasse enregistrée avec un cardioïde, c’est particulièrement intéressant dans la recherche d’un équilibre entre les graves et les médiums pour un rendu plus « naturel ». Attention cependant, « naturel » n’est pas forcément synonyme de « facile à mixer » ! N’oubliez donc pas la fameuse règle d’or N°1 de l’enregistrement.
Remerciements
Un grand merci à mon ami Colin qui a bien voulu m’épauler pour cet article ainsi que le suivant. Ma gratitude est d’autant plus forte à l’occasion de ce premier opus, car il a accepté de sortir de sa zone de confort pour la bonne cause, le jeu à l’archet n’étant pas vraiment son violon d’Ingres. Colin est contrebassiste pour les Chozpareï, un groupe incontournable de la scène montpelliéraine, ainsi que pour Tana & the Pocket Philharmonic, une formation envoûtante dont vous devriez bientôt entendre parler près de chez vous tant leur musique a pour vocation le voyage de scène en scène.