Pour ce premier passage à l'acte, nous commencerons par l'enregistrement du type de piano certainement le plus répandu en situation de home studio, à savoir le piano droit.
Attaquons par le cas le plus « simple », la captation par en dessus qui ne nécessite aucune manipulation particulièrement compliquée de l’instrument en soi. Il suffit simplement d’ouvrir le couvercle de façon à ce que celui-ci ne vienne pas s’interposer entre le son produit par l’instrument et le dispositif de captation.
Disclaimer
Ne disposant malheureusement pas d’un quelconque piano à demeure, sachez que les exemples sonores présentés à l’occasion de ce chapitre ont été réalisés grâce à l’excellent instrument virtuel Pianoteq de Modartt. En sus de nombreuses modélisations de piano, ce dernier propose plusieurs émulations de micros qu’il est possible de placer librement autour de l’instrument, ce qui permet d’obtenir des captations diablement réalistes. Cerise sur le gâteau, l’utilisation de Pianoteq est la garantie que votre appréciation des différents extraits ne sera aucunement influencée par d’éventuelles variations de qualité de jeu puisque les fichiers sources MIDI sont strictement les mêmes d’un exemple à l’autre.
Notez également que j’ai volontairement harmonisé le niveau des extraits afin que vous ne soyez pas influencé par des différences de sensation de volume perçu. Gardez toutefois bien à l’esprit qu’il est évident qu’un micro placé près de l’instrument donnera un rendu plus fort et nécessitera donc moins de gain au niveau de la préamplification qu’un micro éloigné.
Mono
Rentrons à présent dans le vif du sujet avec l’enregistrement mono. Il ne s’agit pas là de la technique qui vous permettra d’obtenir un rendu ultra-réaliste de votre instrument. Cependant, une captation mono est souvent suffisante pour des productions à la sauce Pop où le piano n’a pas un rôle primordial, ou bien encore pour des productions flirtant avec une esthétique « vintage ». L’avantage de cette technique, c’est qu’elle est extrêmement facile à mettre en oeuvre et qu’elle n’engendre logiquement pas de problèmes relatifs à la gestion de la phase.
Quelle est donc la procédure à suivre ? Positionnez tout simplement votre micro au-dessus du piano en orientant la capsule vers le point d’impact entre les marteaux et les cordes. Partant de là, vous pouvez jouer sur la hauteur et le positionnement latéral du micro, comme indiqué sur le maladroit dessin suivant :
Pour illustrer mon propos, voici quelques exemples sonores réalisés avec une modélisation du micro AKG C414 en mode cardioïde positionné au-dessus du piano droit U4 dans Pianoteq. Commençons avec une bête montée chromatique qui n’a rien de musical, mais qui permet de mettre en évidence l’impact du placement sur le spectre du rendu :
- 01_Chrom_Mono_Cardio_C_H-500:50
- 02_Chrom_Mono_Cardio_C_H2000:50
- 03_Chrom_Mono_Cardio_C_H7000:50
- 04_Chrom_Mono_Cardio_L_H-500:50
- 05_Chrom_Mono_Cardio_L_H2000:50
- 06_Chrom_Mono_Cardio_L_H7000:50
- 07_Chrom_Mono_Cardio_R_H-500:50
- 08_Chrom_Mono_Cardio_R_H2000:50
- 09_Chrom_Mono_Cardio_R_H7000:50
Afin de comprendre ce qu’il se passe, voici la nomenclature que j’ai utilisée pour nommer les différents extraits :
- « C » correspond à un placement latéral centré ;
- « L » indique que le micro se situe au milieu du tiers gauche de l’instrument ;
- « R » signale un micro placé au milieu du tiers droit du piano ;
- La lettre « H » suivie d’un nombre indique la distance en centimètres en prenant comme point de départ le haut de l’instrument. Ainsi, « -5 » correspond à un micro placé légèrement à l’intérieur du cadre, « 20 » correspond au micro situé à 20 centimètres au-dessus, etc.
Voici maintenant une de mes compositions qui permettra de mettre en avant les différences de rendu au niveau de la dynamique ainsi que les variations spectrales induites par le placement en fonction de l’étendue du registre de ce morceau :
- 10_Music_Mono_Cardio_C_H-501:23
- 11_Music_Mono_Cardio_C_H2001:23
- 12_Music_Mono_Cardio_C_H7001:23
- 13_Music_Mono_Cardio_L_H-501:23
- 14_Music_Mono_Cardio_L_H2001:23
- 15_Music_Mono_Cardio_L_H7001:23
- 16_Music_Mono_Cardio_R_H-501:23
- 17_Music_Mono_Cardio_R_H2001:23
- 18_Music_Mono_Cardio_R_H7001:23
Bien que vous puissiez écouter ces extraits directement sur notre site au travers du lecteur intégré, je vous invite fortement à télécharger ces derniers (au format FLAC en fin d’article). Vous pourrez alors les analyser plus facilement au sein de vote STAN de prédilection en basculant de l’un à l’autre en un tournemain dans l’ordre que vous souhaitez.
Que peut-on déduire de cette première session d’écoute ? Tout d’abord, concernant la hauteur, plus le micro est proche du point d’impact marteaux / cordes et plus l’équilibre entre transitoire et sustain bascule logiquement en faveur du premier. En outre, prendre de la hauteur diminue l’effet « gros plan » sur telle ou telle zone du clavier pour un résultat un peu plus naturel. L’inconvénient, c’est que cela augmente l’impact du son de la pièce sur le rendu final, ce qui peut être problématique si l’acoustique du lieu n’est pas maîtrisée.
Bien évidemment, le positionnement latéral influence quant à lui la balance spectrale du rendu en mettant l’accent sur la zone du clavier la plus proche de la capsule. Pour éviter que cela ne soit source d’ennuis, il convient de placer latéralement votre micro selon deux critères : d’une part, l’étendue du registre de votre morceau, et d’autre part, la balance fréquentielle que vous souhaitez obtenir.
De façon plus concrète, pour le morceau utilisé en guise d’exemple, un résultat final équilibré à mon sens s’obtient en plaçant le micro à 20 centimètres au-dessus du piano et en le positionnant à une petite poignée de centimètres à gauche du centre. Ainsi, le son me paraît présenter une bonne balance transitoire / sustain tout en arborant une belle homogénéité fréquentielle :
Pour finir cet épisode, voici quelques exemples supplémentaires qui me semblent dignes d’intérêt :
- 20_Music_Mono_Omni_Notes_H2001:23
- 21_Music_Mono_Omni_Closed_Notes_H2001:23
- 22_Music_Mono_Omni_MK2_Notes_H2001:23
- 23_Music_Mono_Omni_U87_Notes_H2001:23
Le premier reprend exactement le même positionnement de micro, sauf que cette fois-ci, le C414 est en mode omnidirectionnel. Vous remarquerez certainement que le son gagne en « naturel » à défaut d’autre terme. Si vous cherchez à comprendre le pourquoi du comment, je vous invite à relire l’épisode de la semaine dernière !
Pour le deuxième extrait, je me suis amusé à « fermer le couvercle virtuel » de Pianoteq. Le résultat n’est bien entendu pas totalement inintéressant et une pâte sonore telle que celle-ci pourra très certainement être avantageusement utilisée sur des productions typées. Avouez toutefois que ce n’est pas foncièrement le rendu que le quidam espère lorsqu’il parle du son d’un piano.
Sur les deux derniers exemples, j’ai mis à profit les possibilités de modélisations du piano virtuel employé afin de vous proposer d’écouter des captations réalisées avec du matériel (virtuel) de milieu et haut de gamme : un préampli Schoeps CMC 6 avec une capsule omnidirectionnelle MK2 et un Neumann U87 en mode omnidirectionnel. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais personnellement, je trouve que le son est beaucoup plus « vivant », notamment avec une belle sensation 3D provenant certainement d’une meilleure retranscription des « mouvements » de la dynamique. Alors oui je sais, ce ne sont pas de véritables prises, juste un banal simulacre digital. Ceci étant, je vous assure que c’est absolument conforme à ce que nous aurions obtenu « IRL ».
Sur ce, rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle méthode d’enregistrement du piano droit.