Diantre, que cette série d’articles sur le mixage est longue… Eh oui mon bon monsieur, mais Rome ne s’est pas faite en un jour ! L’apprentissage sérieux d’une discipline, quelle qu’elle soit, demande toujours un investissement considérable en temps. C’est comme ça, je n’y peux rien. Si vous avez la moindre réclamation à ce sujet, merci d’en référer au grand barbu responsable de toute chose, à l’exception peut-être de sa propre création.
Bref, pour en revenir à notre sujet, je sais bien que c’est long — si, si je vous assure ! J’en veux pour preuve le temps que je passe scotché à mon clavier pour pondre toutes ces lignes. Et je sais également que certains d’entre vous trouvent le rythme de publication un tantinet mollasson. Cependant, il faut toujours regarder le bon côté des choses. Cette fréquence de mise en ligne vous laisse suffisamment de marge pour digérer au mieux l’information. Car mine de rien, il y a énormément de choses à assimiler. D’autre part, j’espère que vous mettez bien à profit le laps de temps séparant chaque article pour vous exercer. En effet, c’est bien beau de lire et d’apprendre la théorie par cœur, mais sans pratique, point de salut ! Pensez-vous qu’il suffit de connaître les règles ainsi que les techniques du tennis pour être un joueur hors pair ? Bien sûr que non, il faut s’entraîner avec acharnement, encore et toujours. Par contre, il ne faut pas non plus tomber dans l’excès inverse et travailler comme une bourrique sans jamais réellement réfléchir à ce que l’on fait. C’est pourquoi aujourd’hui, je vous propose de faire un bilan provisoire afin de mettre en perspective le travail accompli jusqu’ici et d’ainsi vous préparer au mieux à la finalisation de votre mixage.
Work in progress…
Alors, où en sommes-nous exactement ? Si vous jetez un œil à la feuille de route dressée au début de cette série, vous verrez que nous avons enfin atteint la sortie de notre boucle. Nous sommes donc devant ce que l’on nomme un mix statique. Toutes mes félicitations, 85 % du travail est derrière vous !
Je vois déjà la mâchoire des plus assidus d’entre vous frôler le sol face à ce pourcentage… « Comment ? Seulement 85 % à l’épisode 102 alors que nous en étions déjà à 75 % à la partie 54… What the fudge !? ». Pourtant, ce n’est pas si étonnant que ça lorsqu’on y réfléchit bien. Comme disent nos amis anglophones, « Devil is in the details », ce qui est valable en mix comme partout ailleurs. Par exemple, un sculpteur transformera certainement un bloc de marbre en silhouette humaine en moins de temps qu’il ne lui en faudra pour insuffler une sensation de vie dans l’expression de cette dernière. En gros, si l’on schématisait la progression par une courbe dans un repère orthonormé avec le temps passé en abscisse et le gain « qualitatif » en ordonnée, nous obtiendrions une représentation logarithmique, comprenne qui pourra !
Que faut-il retenir de cet insipide laïus ? Essentiellement deux choses. La première, c’est que plus vous vous rapprochez de la finalisation du mix, plus il vous faudra trimer et moins les améliorations seront clairement significatives. Cependant, c’est justement le souci du détail qui différencie un mixage amateur d’un mixage de qualité professionnelle, le jeu en vaut donc la chandelle.
Deuxièmement, à ce stade du mix statique, vous êtes suffisamment proche de la version finale pour pouvoir juger de façon objective la pertinence du travail accompli jusqu’ici. Ainsi, je vous invite à reprendre vos notes concernant la vision de votre mix que vous avez réalisé au tout début de cette aventure. Relisez attentivement ces dernières et essayez autant que faire se peut de vous remettre dans le même état d’esprit que vous aviez lors de leur rédaction. Une fois cela fait, installez-vous confortablement dans votre fauteuil et écoutez religieusement votre morceau dans son intégralité à l’état actuel. Faites ensuite de même avec les différents rendus effectués lors des étapes intermédiaires. Maintenant, posez-vous sincèrement les questions suivantes :
- Ai-je respecté ma vision du mix ?
- Les compromis faits sont-ils acceptables en regard du rendu global ?
- Les partis pris artistiques sont-ils opportuns ?
- Prenez-vous du plaisir à écouter ce mix en tant que simple auditeur ?
- Au final, le travail effectué jusqu’ici sert-il le morceau ?
Si vous répondez par la négative ne serait-ce qu’à une seule de ces questions, je suis désolé de vous dire qu’il est totalement vain d’espérer rattraper le coche par la suite. Il ne vous reste alors qu’une seule solution : revenir en début de boucle. C’est peut-être dur à avaler, mais la froideur de cette vérité n’a d’égal que l’immense satisfaction que vous aurez à coup sûr lorsque votre mix statique sera réellement en place.
En revanche, si l’état actuel de votre production comble toutes vos attentes, la prochaine étape du mixage devrait réellement être jubilatoire ! Du coup, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour le début du chapitre consacré à l’art de l’automation.
P.-S. J’imagine que beaucoup d’entre vous trouveront cet article inutile. Aucun truc ou astuce à mettre concrètement en œuvre, c’est quelque part frustrant. Pourtant, je vous assure que la démarche décrite ici est absolument nécessaire et n’a rien d’évident. Elle demande une bonne part d’humilité, car il faut accepter de confronter son ego à la réalité des faits. C’est à mon sens l’apanage des plus grands ingénieurs du son.