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Le chant des sirènes
6/10
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Après le succès du Typhon, le Nymphes promet le son analogique polyphonique à tarif modéré. Avec une interface ultra minimaliste, voyons si les arbitrages opérés permettent d’allier le plaisir des doigts à celui des oreilles…

L’an­née dernière, Dread­box présen­tait le Typhon, un synthé analo­gique mono­dique à mémoires, testé récem­ment dans nos colonnes. Nous avions parti­cu­liè­re­ment appré­cié le carac­tère sonore analo­gique, les effets numé­riques et la prise en main ultra rapide de ce petit module, tout cela à un prix très abor­dable pour une qualité de construc­tion sérieuse. Une version poly­pho­nique du Typhon n’au­rait pas été de refus, mais c’est une alter­na­tive que la société athé­nienne a choi­sie, appa­rem­ment contrainte par la dispo­ni­bi­lité des compo­sants, en parti­cu­lier les écrans OLED. Avec le Nymphes, elle présente un synthé analo­gique poly­pho­nique program­mable au tarif tout aussi abor­dable, mais équipé d’un moteur sonore diffé­rent, dans un module ultra­com­pact doté de curseurs et dépourvu d’af­fi­cheur, ce qui rend perplexe de premier abord. Alors, le son et l’er­go­no­mie sont-ils au rendez-vous ?

 

Ergo­no­mie frus­trante

Nymphes_2tof 01.JPGAutant le Typhon avait été conçu pour aller vite sans se prendre la tête, autant il semble­rait que les Dieux ne se soient pas penchés sur le berceau du Nymphes dans ce domaine. En effet, le synthé se mani­pule via des curseurs linéaires multi­fonc­tions, pouvant au choix agir en mode saut ou seuil. On a 2 fonc­tions de base par curseur (modes Normal et Shift) ; comme les curseurs servent aussi à régler des quan­ti­tés de modu­la­tion et des para­mètres addi­tion­nels en mode Menu (réverbe, LFO, global), on se retrouve la plupart du temps avec 4 ou 5 fonc­tions par curseur. Vu qu’il n’y a pas d’écran, on s’égare rapi­de­ment, d’au­tant que certains para­mètres liés sont acces­sibles en alter­nant les modes Normal et Shift ; c’est par exemple le cas pour régler l’en­ve­loppe de VCO/VCF (mode normal), puis son action sur le pitch du VCO (mode Shift) et sur le VCF (mode normal) ; pour régler la quan­tité de LFO1 sur le pitch du VCO, c’est le mode normal, alors que pour faire la même chose sur le VCF, c’est le mode Shift. Heureu­se­ment que les commandes trans­mettent et recon­naissent les CC Midi ; ceci dit, on achète un synthé analo­gique pour le son ET l’er­go­no­mie, pas pour le coupler à une STAN ou un contrô­leur Midi !

Nymphes_2tof 09.JPGOn ne s’éten­dra pas sur le proces­sus de char­ge­ment et sauve­garde des sons, qui néces­site un jonglage avec Shift pour alter­ner entre char­ge­ment et sauve­garde, puis entre banques et programmes, avant de termi­ner par un main­tien court ou long selon qu’on veut appel­ler un son utili­sa­teur ou une présé­lec­tion. De même, certaines fonc­tions ne sont pas séri­gra­phiées sur le synthé, mais sur une feuille carton­née, aïe ! On se conso­lera un peu avec la qualité de construc­tion, à savoir un solide boitier métal­lique très compact (24 × 12 × 4 cm pour 750 g) doté d’un poten­tio­mètre de volume et d’un sélec­teur à 7 posi­tions bien ancrés, ainsi que de 14 curseurs de 30 mm assez agréables. La connec­tique, située à l’ar­rière, est ultra mini­ma­liste. Elle se limite à une sortie audio mono (jack 6,35), une sortie casque mini-jack, une entrée Midi mini-jack (câble de conver­sion DIN fourni) et une prise USB type B. Cette dernière fait à la fois office d’ali­men­ta­tion (un cordon USB est fourni mais pas de bloc secteur) et d’in­ter­face Midi (notes en récep­tion et CC de tous les para­mètres en émis­sion/récep­tion, unique­ment sur les canaux 1 à 7). Depuis la V2 de l’OS, on a la récep­tion de la pres­sion poly­pho­nique / MPE et la trans­mis­sion des programmes en Sysex, merci. Il n’y a pas d’in­ter­rup­teur secteur, on branche l’USB et c’est parti !

Iden­tité sonore

Nymphes_2tof 03.JPGLe Nymphes offre une mémoire rela­ti­ve­ment limi­tée de 49 présé­lec­tions et 49 programmes utili­sa­teur. On a déjà évoqué les acro­ba­ties néces­saires au char­ge­ment et à la sauve­garde, passons à la qualité sonore. La banque four­nie n’est pas des plus exploi­tables, mais elle est heureu­se­ment réins­crip­tible depuis la V2. Elle permet toute­fois d’ap­pré­cier les quali­tés intrin­sèques du synthé : niveau de sortie élevé, VCO à ondes conti­nuel­le­ment variables, PWM assi­gnable, filtre auto-oscil­lant de carac­tère, enve­loppes claquantes, modu­la­tion géné­reu­ses… et aussi ses défauts : souffle marqué dans les aigus (comme sur le Typhon, qu’on peut un peu masquer avec le LPF – cf. extrait sonore n°10), limites liées à l’unique VCO par voix et réverbe métal­lique vrai­ment médiocre (réser­vée à la limite aux percus­sions indus­trielles et effets spéciaux).

Le but d’un synthé étant de créer ses propres sons, nous avons retroussé nos manches ; des jurons ont été émis pendant ce test, après avoir modi­fié la forme d’onde pensant régler la modu­la­tion de PMW par le LFO2, ou après avoir inopi­né­ment chargé un nouveau programme pensant sélec­tion­ner la vélo­cité pour modu­ler le son en cours. Nous avons toute­fois réussi à créer des nappes inté­res­santes à base de PWM, des cuivres de bonne facture modu­lés par la vélo­cité et la pres­sion assi­gnées au filtre et aux segments d’en­ve­loppe, des textures évolu­tives par varia­tion de l’onde du VCO, des basses énormes en empi­lant plusieurs voix avec un zest de Sub-VCO et un soupçon de Detune, un kit complet de percus­sions analo­giques et des effets spéciaux bien barrés. Avec un seul VCO et aucun effet d’en­semble, diffi­cile de créer des strings envoû­tants sans trai­te­ment externe. Il est certain qu’une fois passé dans un chorus et une réverbe stéréo, le Nymphes prend une autre dimen­sion. Enfin, nous avons noté des para­sites quand on module la forme d’onde des VCO en direct et de l’alia­sing quand on fait varier rapi­de­ment certaines modu­la­tions.

Nymphes_1audio 01 Good Bass
00:0001:18
  • Nymphes_1audio 01 Good Bass01:18
  • Nymphes_1audio 02 Poly Synth00:45
  • Nymphes_1audio 03 Juicy Stabs00:18
  • Nymphes_1audio 04 Sub Phatty00:33
  • Nymphes_1audio 05 Vibro Pad00:58
  • Nymphes_1audio 06 Q Factor01:00
  • Nymphes_1audio 07 Q Selfie01:07
  • Nymphes_1audio 08 Super U00:26
  • Nymphes_1audio 09 Auto Chords00:54
  • Nymphes_1audio 10 Dirty VCO00:25

 

Pack de six

Nymphes_2tof 07.JPGLe Nymphes est un synthé analo­gique poly­pho­nique 6 voix, doté pour chaque voix d’un VCO, un Sub-VCO, un géné­ra­teur de bruit, un VCF et un VCA. S’y ajoute un filtre passe-haut final global. Cela ressemble un peu à la struc­ture des Juno-60/106, nous verrons que les modu­la­tions vont plus loin. Le VCO est généré par un circuit inté­gré SSI2130 (comme dans le Take 5 de Sequen­tial). Le pitch est modu­lable par l’en­ve­loppe de filtre (modu­la­tion hélas unipo­laire). On peut régler conti­nuel­le­ment la forme d’onde du VCO entre triangle, carré et dent de scie. La largeur d’im­pul­sion de l’onde carrée est réglée sépa­ré­ment, lorsque celle-ci est utili­sée. Elle peut être modu­lée par le LFO1. Qui dit un seul VCO par voix dit absence d’in­ter­ac­tion (synchro, modu­la­tion en anneau, FM), donc pano­plie sonore réduite. On passe au mixeur, dans lequel on dose les niveaux du VCO, du Sub-VCO (onde carrée à l’oc­tave infé­rieure) et du bruit blanc.

La résul­tante passe alors dans un VCF de type passe-bas 4 pôles réso­nant capable d’auto-oscil­ler, produit par un circuit inté­gré SSI2144 (diffé­rent de celui du Take 5, qui est un SSI2140). Ce filtre offre une belle colo­ra­tion, sans compen­sa­tion de la réso­nance qui mange un peu le signal non filtré quand on la pousse. La fréquence de coupure se règle de 33 Hz à 17 kHz, avec un curseur parfai­te­ment lisse, même en auto-oscil­la­tion. Elle peut être direc­te­ment modu­lée par une enve­loppe (modu­la­tion hélas unipo­laire), le LFO1 et le suivi de clavier (0 à 100%). Le signal filtré passe ensuite dans un VCA direc­te­ment modulé par une seconde enve­loppe exclu­sive (donc indis­po­nible pour modu­ler autre chose). Les voix peuvent être jouées suivant diffé­rents modes : poly­pho­nique 6 voix, unis­son 6 voix, unis­son 4 voix, 3 × 2 voix, 2 × 3 voix et mono (compris legato acces­sible via le menu), avec désac­cor­dage dosable pour les modes poly­pho­niques. Un réglage séparé permet de géné­rer 7 accords program­mables. On trouve aussi un porta­mento poly­pho­nique à taux constant.

Nymphes_2tof 04.JPGUne fois les voix sommées, le signal passe dans un filtre passe-haut 1 pôle (simple coupure modu­lable), utile pour allé­ger les basses sur certains sons poly­pho­niques ou créer un mode passe-bande (para­pho­nique). Enfin, une partie du signal peut être envoyée vers une boucle de réverbe numé­rique. On peut en régler la taille, le déclin, le filtrage des hautes fréquences et la balance des signaux sec/traité. On l’a déjà dit, cette réverbe n’est fran­che­ment pas terrible du tout, avec une couleur métal­lique très marquée. Une décep­tion quand on la compare à la réverbe stéréo du Typhon ! On pourra faci­le­ment s’en passer et conser­ver un signal analo­gique pur à trai­ter en externe, sauf recherche abso­lue d’ef­fets spéciaux indus­triels.

Modu­la­tions multiples

Pour modu­ler le son, on trouve 2 LFO, 2 enve­loppes et 3 contrô­leurs physiques. Le LFO1 est poly­pho­nique ; il peut unique­ment agir sur le pitch et le filtre. Le LFO2 est global (commun aux 6 voix) et peut être assi­gné à 24 para­mètres de synthèse (tous sauf ceux du LFO1) ; cela concerne aussi bien la posi­tion d’onde du VCO, la largeur d’im­pul­sion, les niveaux des sources sonores, le désac­cor­dage des voix, le VCF, le HPF, les enve­loppes, tout cela avec des quan­ti­tés de modu­la­tion sépa­rées, mais hélas unipo­laires. Les formes d’onde dispo­nibles sont clas­siques : triangle, dent de scie, rampe, carré, aléa­toire. La fréquence des LFO fonc­tionne suivant diffé­rents modes : lent, rapide (modu­la­tions audio, cool), synchro­nisé au tempo ou lié au suivi de clavier (hélas non réglable). Le cycle peut être libre ou redé­clen­ché à chaque note. Mode et cycle sont édités via le menu, après quelques acro­ba­ties supplé­men­tai­res… On peut aussi régler le délai et le fondu de sortie, cette fois direc­te­ment en façade. Avec le délai à zéro et le fondu au maxi­mum, le LFO joue sur un seul cycle, comme une enve­loppe basique, bien vu !

Nymphes_2tof 06.JPGPassons rapi­de­ment aux deux enve­loppes ADSR. L’une est assi­gnée au VCO et au VCF, l’autre au VCA, avec quan­ti­tés de modu­la­tion unipo­laires, un point c’est tout. Elles peuvent bien claquer si on le souhaite. Enfin, les trois contrô­leurs physiques (vélo­cité, pres­sion, molette) sont indé­pen­dam­ment assi­gnables aux 28 para­mètres de synthèse, avec des quan­ti­tés (encore hélas) unipo­laires sépa­rées. On peut par exemple assi­gner la molette de modu­la­tion à la PWM du VCO, au type d’ac­cord, au suivi de clavier du VCF et à la forme d’onde des LFO (sélec­tion simple sans morphing), sympa ! Beau­coup moins sympa, l’im­pos­si­bi­lité de visua­li­ser ce qu’on a fait dans tout ça, ce qui fait 108 valeurs de modu­la­tion à rete­nir avec celles du LFO2…

Impres­sion miti­gée

Le Nymphes est un synthé analo­gique poly­pho­nique centré sur l’es­sen­tiel, pour un tarif abor­dable. Mais à vouloir être trop mini­ma­liste pour conte­nir les coûts dans un contexte aggravé de pénu­rie de compo­sants, on en a oublié l’un des fonda­men­taux en synthèse analo­gique : l’er­go­no­mie. C’est vrai­ment pénible d’uti­li­ser les curseurs multi­fonc­tions, surtout sans retour sur les valeurs. Passer par un contrô­leur ou une STAN ne convien­dra pas à ceux qui recherchent un synthé direc­te­ment exploi­table. C’est d’au­tant plus dommage que la partie synthèse est inté­res­sante (en dépit de l’unique VCO qui restreint la pano­plie sonore) et que le son est là (un peu gâché par le souffle dans les aigus et la réverbe). Cela nous laisse un goût amer après le très bon Typhon. Du coup, le Nymphes est plutôt réservé à ceux qui visent une utili­sa­tion de type boite noire dans une confi­gu­ra­tion déjà suffi­sam­ment four­nie, pour ajou­ter du son analo­gique poly­pho­nique à prix attrac­tif…

6/10
Points forts
  • Bon son analogique polyphonique
  • Enorme dans le mode unisson
  • VCO à ondes variables
  • VCF de caractère
  • Nombreuses destinations de modulations
  • Emission/réception de CC Midi
  • Compact, léger et bien construit
  • Tarif serré
Points faibles
  • Ergonomie capillotractée
  • Aucun repère des valeurs
  • Un seul VCO par voix, donc pas d’interactions de VCO
  • Réverbe très médiocre
  • Souffle audible dans les aigus
  • Connectique minimaliste
  • Bloc d’alimentation non fourni
Auteur de l'article synthwalker Passionné de synthés, concepteur produits et rédacteur presse

J'aime tous les synthés, avec une préférence pour les poly vintage à mémoires, qui m'accompagnent depuis le début des 80's. J'écris depuis 25 ans sur les synthés et j'ai contribué au développement de certains d'entre eux. Plusieurs centaines de mes articles ont été publiés sur Audiofanzine et auparavant dans les magazines PlayRecord, Recording, Keyboards, Musicsound et Musiciens.


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J'aime tous les synthés, avec une préférence pour les poly vintage à mémoires, qui m'accompagnent depuis le début des 80's. J'écris depuis 25 ans sur les synthés et j'ai contribué au développement de certains d'entre eux. Plusieurs centaines de mes articles ont été publiés sur Audiofanzine et auparavant dans les magazines PlayRecord, Recording, Keyboards, Musicsound et Musiciens.