Après le succès du Typhon, le Nymphes promet le son analogique polyphonique à tarif modéré. Avec une interface ultra minimaliste, voyons si les arbitrages opérés permettent d’allier le plaisir des doigts à celui des oreilles…
L’année dernière, Dreadbox présentait le Typhon, un synthé analogique monodique à mémoires, testé récemment dans nos colonnes. Nous avions particulièrement apprécié le caractère sonore analogique, les effets numériques et la prise en main ultra rapide de ce petit module, tout cela à un prix très abordable pour une qualité de construction sérieuse. Une version polyphonique du Typhon n’aurait pas été de refus, mais c’est une alternative que la société athénienne a choisie, apparemment contrainte par la disponibilité des composants, en particulier les écrans OLED. Avec le Nymphes, elle présente un synthé analogique polyphonique programmable au tarif tout aussi abordable, mais équipé d’un moteur sonore différent, dans un module ultracompact doté de curseurs et dépourvu d’afficheur, ce qui rend perplexe de premier abord. Alors, le son et l’ergonomie sont-ils au rendez-vous ?
Ergonomie frustrante
Identité sonore
Le but d’un synthé étant de créer ses propres sons, nous avons retroussé nos manches ; des jurons ont été émis pendant ce test, après avoir modifié la forme d’onde pensant régler la modulation de PMW par le LFO2, ou après avoir inopinément chargé un nouveau programme pensant sélectionner la vélocité pour moduler le son en cours. Nous avons toutefois réussi à créer des nappes intéressantes à base de PWM, des cuivres de bonne facture modulés par la vélocité et la pression assignées au filtre et aux segments d’enveloppe, des textures évolutives par variation de l’onde du VCO, des basses énormes en empilant plusieurs voix avec un zest de Sub-VCO et un soupçon de Detune, un kit complet de percussions analogiques et des effets spéciaux bien barrés. Avec un seul VCO et aucun effet d’ensemble, difficile de créer des strings envoûtants sans traitement externe. Il est certain qu’une fois passé dans un chorus et une réverbe stéréo, le Nymphes prend une autre dimension. Enfin, nous avons noté des parasites quand on module la forme d’onde des VCO en direct et de l’aliasing quand on fait varier rapidement certaines modulations.
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/492579.png)
- Nymphes_1audio 01 Good Bass01:18
- Nymphes_1audio 02 Poly Synth00:45
- Nymphes_1audio 03 Juicy Stabs00:18
- Nymphes_1audio 04 Sub Phatty00:33
- Nymphes_1audio 05 Vibro Pad00:58
- Nymphes_1audio 06 Q Factor01:00
- Nymphes_1audio 07 Q Selfie01:07
- Nymphes_1audio 08 Super U00:26
- Nymphes_1audio 09 Auto Chords00:54
- Nymphes_1audio 10 Dirty VCO00:25
Pack de six
La résultante passe alors dans un VCF de type passe-bas 4 pôles résonant capable d’auto-osciller, produit par un circuit intégré SSI2144 (différent de celui du Take 5, qui est un SSI2140). Ce filtre offre une belle coloration, sans compensation de la résonance qui mange un peu le signal non filtré quand on la pousse. La fréquence de coupure se règle de 33 Hz à 17 kHz, avec un curseur parfaitement lisse, même en auto-oscillation. Elle peut être directement modulée par une enveloppe (modulation hélas unipolaire), le LFO1 et le suivi de clavier (0 à 100%). Le signal filtré passe ensuite dans un VCA directement modulé par une seconde enveloppe exclusive (donc indisponible pour moduler autre chose). Les voix peuvent être jouées suivant différents modes : polyphonique 6 voix, unisson 6 voix, unisson 4 voix, 3 × 2 voix, 2 × 3 voix et mono (compris legato accessible via le menu), avec désaccordage dosable pour les modes polyphoniques. Un réglage séparé permet de générer 7 accords programmables. On trouve aussi un portamento polyphonique à taux constant.
Modulations multiples
Pour moduler le son, on trouve 2 LFO, 2 enveloppes et 3 contrôleurs physiques. Le LFO1 est polyphonique ; il peut uniquement agir sur le pitch et le filtre. Le LFO2 est global (commun aux 6 voix) et peut être assigné à 24 paramètres de synthèse (tous sauf ceux du LFO1) ; cela concerne aussi bien la position d’onde du VCO, la largeur d’impulsion, les niveaux des sources sonores, le désaccordage des voix, le VCF, le HPF, les enveloppes, tout cela avec des quantités de modulation séparées, mais hélas unipolaires. Les formes d’onde disponibles sont classiques : triangle, dent de scie, rampe, carré, aléatoire. La fréquence des LFO fonctionne suivant différents modes : lent, rapide (modulations audio, cool), synchronisé au tempo ou lié au suivi de clavier (hélas non réglable). Le cycle peut être libre ou redéclenché à chaque note. Mode et cycle sont édités via le menu, après quelques acrobaties supplémentaires… On peut aussi régler le délai et le fondu de sortie, cette fois directement en façade. Avec le délai à zéro et le fondu au maximum, le LFO joue sur un seul cycle, comme une enveloppe basique, bien vu !
Impression mitigée
Le Nymphes est un synthé analogique polyphonique centré sur l’essentiel, pour un tarif abordable. Mais à vouloir être trop minimaliste pour contenir les coûts dans un contexte aggravé de pénurie de composants, on en a oublié l’un des fondamentaux en synthèse analogique : l’ergonomie. C’est vraiment pénible d’utiliser les curseurs multifonctions, surtout sans retour sur les valeurs. Passer par un contrôleur ou une STAN ne conviendra pas à ceux qui recherchent un synthé directement exploitable. C’est d’autant plus dommage que la partie synthèse est intéressante (en dépit de l’unique VCO qui restreint la panoplie sonore) et que le son est là (un peu gâché par le souffle dans les aigus et la réverbe). Cela nous laisse un goût amer après le très bon Typhon. Du coup, le Nymphes est plutôt réservé à ceux qui visent une utilisation de type boite noire dans une configuration déjà suffisamment fournie, pour ajouter du son analogique polyphonique à prix attractif…