Un an après le lancement de l’Oasys, Korg a présenté le Radias au NAMM 2006. Héritant du savoir-faire de la marque en termes de moteurs de synthèse et de vocodeurs, le Radias se veut une alternative beaucoup plus abordable aux synthés modulaires.

(Test initialement paru en juin 2006)
En 2005, l’Oasys a révolutionné le monde des synthés workstations en offrant une solution tout intégrée synthé / séquenceur / station audio très haut de gamme. L’OS de la machine n’a cessé de s’améliorer, non seulement pour corriger quelques bugs, mais également pour améliorer le moteur sonore. La dernière mise à jour comprend d’ailleurs ni plus ni moins qu’un nouveau moteur de synthèse. On pouvait penser que le constructeur nippon concentrerait l’essentiel de ses moyens de recherche et développement sur cette très belle machine et qu’il faudrait attendre des lustres avant de voir naître un nouveau synthétiseur. Mais c’était sans compter sur la volonté de la firme d’occuper le haut du pavé, avec une offre tout à fait originale. Originale tant sur la forme (une combinaison clavier + module multi positions) que sur le fond (un synthé vocodeur capable de cumuler plusieurs types de génération sonore). Au moment où il est disponible pour notre test, le Radias est déjà en magasins, parfaitement opérationnel et dispose d’un mode d’emploi en français très bien conçu. C’est suffisamment rare et appréciable pour être souligné…
Physique original
La construction est solide, on est au niveau de la série II des Electribe : carcasse alu brossé du plus bel effet, 63 boutons translucides blancs avec rétro éclairage rouge, 39 rotatifs de taille moyenne cerclés d’un éclairage orange (sympa pour la visibilité dans les salles obscures), une bonne soixantaine de diodes rouges et une grosse molette d’édition jouxtant un LCD rétro éclairé 128 × 64 pixels. Lorsqu’on lance des séquences, le Radias clignote comme un sapin de Noël. Pour parfaire le tout, la prise casque est placée à l’avant, merci. La face arrière offre une connectique classique de nos jours : 2 paires de sorties audio, une paire d’entrées, une entrée micro mini jack avec sélecteur de sensibilité (pouvant accueillir le micro casque à condensateur livré avec le Radias), 2 entrées pédales, une prise USB vers PC, un trio Midi et une broche pour alimentation externe 9 volts (dommage sur ce coup là). Seule particularité, on trouve un connecteur pour relier le Radias Rack au clavier dédié, ce qui permet de laisser libre le trio Midi.
Prise en main
Au-delà de cela, l’OS du Radias a été pensé intelligemment, avec plein d’astuces et de raccourcis : la navigation dans les menus est plutôt simple, les pages peuvent s’enchaîner ou être appelées à l’aide de la rangée inférieure de 16 boutons sérigraphiés. Lorsqu’une page ne peut être affichée dans son intégralité, un ascenseur apparaît. De même, en mode de jeu ou d’édition, on peut sélectionner un canal dans un programme avec 4 touches prévues à cet effet. Mais il faut une combinaison de touches pour couper une partie et il impossible de créer un solo d’une pression de touche. Autre astuce, la rangée de 16 rotatifs permet d’enregistrer en temps réel des mouvements de paramètres (séquenceur à pas, voir ci-après). Une ergonomie au global plutôt bonne, mais perfectible sur certains aspects.
Banque sons
Mogalog Bass est émulation très réussie d’une basse Moog avec attaque de filtre courte, belle résonance et redéclenchement conditionnel de l’enveloppe. Toujours dans les basses, DynoBass est une basse avec attaque FM très caractéristique, assez agressive lorsqu’on frappe fort sur le clavier. En fait, elle est générée par distorsion de phase (VPM, voir ci-après). On trouve aussi quelques pianos électriques et orgues du niveau d’un module d’entrée de gamme, sans plus. Il y a quelques programmes de séquences vocodées montrant le potentiel de la machine (Motion Formant), mais difficile à exploiter directement. La bonne nouvelle est qu’on pourra se fabriquer ses propres séquences de formants, nous en reparlerons. Enfin, le Radias dispose d’une panoplie de kits de percussions dans les styles Pop / Electro. Les sons de percussions à base de PCM ne sont pas très convaincants, mais les kits utilisant des sons de synthèse sont excellents.
Synthèses multiples
Chaque timbre peut fonctionner en mode polyphonique, monophonique ou unisson (2 à 6 voix, avec désaccord et espacement stéréo). Les sons sont générés par 2 oscillateurs et un générateur de bruit blanc. Le premier oscillateur est le plus complexe, puisqu’il fait appel à différents types de synthèse : modélisation analogique (4 formes d’ondes : dent de scie, impulsion, triangle et sinus), synthèse à formants (voir paragraphe Synthèse à Formants), générateur de bruit et synthèse PCM (voir paragraphe Synthèse PCM). On peut également choisir une source externe comme générateur sonore, afin de la faire passer par les filtres et les effets. Lorsqu’on utilise l’une des 4 ondes à modélisation analogique, il est possible de travailler sur le contenu harmonique du signal : Wave Modulation (ce que Korg avait inauguré sur le 01/W, avec modulations d’ondes exotiques ou classiques, telles que la largeur d’impulsion), Cross Modulation (interaction de 2 oscillateurs façon JP-8 Roland), unisson (paramètre différent de l’unisson de timbre, puisqu’il s’agit de la génération de 5 oscillateurs décalés en hauteur et en phase, le tout sans consommer de polyphonie, dans la pure lignée du Supersaw du JP-8000 Roland ou de l’Hypersaw du Virus TI), VPM (distorsion de phase, une synthèse portée au plan commercial sur la série CZ / VZ Casio en réponse à la synthèse FM Yamaha à la fin des années 80). Le second oscillateur ne dispose que des 4 formes d’ondes à modélisation analogique. Pour donner un peu de chaleur au son, on peut faire fluctuer l’accord des oscillateurs. Quelle que soit la synthèse choisie pour le premier oscillateur, il est possible de faire interagir les 2 oscillateurs : synchronisation et modulation en anneau (simultanées, si besoin est). A ces 2 oscillateurs s’ajoutent un générateur de bruit blanc. Oscillateurs et générateur de bruit disposent de leur propre potentiomètre de mixage sur la face avant. Une section remarquable !
Synthèse à formants
Pour transposer les choses dans le domaine acoustique, lorsqu’on modifie la hauteur de sa voix, la fondamentale varie avec certaines harmoniques, alors que d’autres fréquences caractéristiques constituant le timbre ne bougent presque pas : ce sont les formants, responsables d’une certaine constance dans le timbre, quelle que soit la hauteur de tonalité. Mais ce qui est vrai ici pour la voix s’applique aux instruments acoustiques, qui possèdent tous leur propre jeu de formants caractérisant leur timbre. C’est bien pour cela qu’il faut éviter de transposer un échantillon loin de sa fréquence d’origine lorsqu’on veut reproduire un instrument acoustique, car on transpose toutes les fréquences, y compris les formants – alors qu’ils restent quasiment à la même fréquence dans la réalité…
Synthèse PCM
Cette section n’a pas vocation de remplacer les sections PCM des grosses workstations, c’est clair. Les ondes sont bouclées court et les échantillons peu nombreux sur la tessiture. On s’en servira de base pour mélanger des textures sonores avec les autres synthèses, c’est d’ailleurs le but affiché. On trouve aussi une importante panoplie de formes d’ondes numériques DWGS, tout droit descendues de la série DW6000 / 8000. Là encore, le mélange est intéressant, notamment avec les formes d’ondes générées par modélisation analogique.
Filtres doubles
Les filtres peuvent entrer en auto oscillation : lorsqu’on pousse la résonance, il y a création d’une onde proche de la sinusoïde. Contrairement à certains synthés à modélisation qui sifflent de façon stridente à résonance élevée, le Radias maîtrise parfaitement les aigus : pas d’aliasing, ni a contrario de rabotage des hautes fréquences souvent utilisé pour éviter ce phénomène. Les aigus sont bien là, tirant pleinement partie de la fréquence de travail à 48 kHz. En sortie, on retrouve une section ampli avec étage de saturation et Wave Shaping (11 types de traitement), permettant de salir le son, là encore un héritage du Korg 01/W. Un paramètre « Punch Level » booste les premières millisecondes du signal, histoire de lui ajouter la pêche comme sur un analogique et de faire claquer le son, une idée originellement développée sur le K2500 Kurzweil. Bref sur le Radias, le signal est bien traité, de part en part.
Modulations en tous genres
Terminons cet impressionnant arsenal par une matrice de modulations à 6 cordons, capable de relier 15 sources à 15 destinations, le tout avec une intensité de modulation bipolaire. Parmi les sources, on trouve les 3 générateurs d’enveloppes, les 2 LFO, la vitesse de frappe, le Pitchbend, la molette de modulation, le tracking clavier, le suivi d’enveloppe généré par le capteur d’enveloppe (analyseur d’enveloppe d’un signal audio entrant, voir ci après) ainsi que 5 contrôleurs Midi externes programmables. Parmi les destinations, citons la hauteur du son, le niveau des générateurs sonores, les fréquences de coupure des 2 filtres, la résonance du premier filtre, le volume, le panoramique ou encore les fréquences des 2 LFO. C’est assez complet !
A chaque timbre ses séquences
Il est même possible d’enregistrer l’évolution d’un paramètre en temps réel en actionnant directement le rotatif auquel il est assigné (Motion), ce qui crée 16 pas éditables avec les 16 rotatifs. On peut recommencer l’ensemble de ces opérations avec 2 autres paramètres de synthèse. Lorsque le son est maintenu, la séquence tourne (avec ou sans synchronisation Midi) et la rangée inférieure de 16 boutons clignote de tous les côtés. Il est alors possible de modifier la position de chaque pas en temps réel pendant des heures… les amoureux de modulaires apprécieront !
Arpèges et séquences globales
Enfin, chaque programme dispose d’un step séquenceur 2 pistes / 32 pas, que l’on peut assigner à 2 timbres ou combiner sur un canal pour atteindre 64 pas. Ceci permet de créer des motifs rythmiques simples sur un ou deux canaux, tout en pilotant les autres parties du programme. En plus de la note, les autres paramètres mémorisables sont identiques à ceux de l’arpégiateur. On peut entrer des accords jusqu’à 8 notes. Il va de soi qu’avec l’ensemble des possibilités de modulation du Radias (matrice, arpèges, séquences), les sons ne sont pas statiques. Il faut toutefois veiller à doser tout ce beau monde pour ne pas tomber dans la perte de contrôle complète.
Mode Drum
Les kits peuvent être affectés par les 2 séquenceurs à pas et l’arpégiateur afin de créer des motifs qui bougent. Avec cela, le Radias se transforme en mini Groove Station. En mode programme, on peut affecter un kit de batterie à l’un des 4 canaux.
9 multieffets simultanés
Dans la liste d’effets, citons une série de compresseurs / limiteurs / Gate stéréo, un filtre stéréo, un wah-wah stéréo, des EQ 2 ou 4 bandes stéréo, des saturations (distorsion, simulateur d’ampli, préampli à lampe), un décimateur stéréo (réducteur de fréquence d’échantillonnage et de résolution), des réverbérations, des délais stéréo, des effets de modulation mono ou stéréo (Chorus / Ensemble / Flanger / Phaser / Ring Mod), un Pitch Shifter, un effet haut-parleur tournant et un simulateur de voyelles. Le nombre de paramètres disponibles par algorithme est impressionnant, souvent proche de la vingtaine. Certains paramètres d’effets peuvent être assignés aux commandes de la face avant et l’un d’entre eux peut être modulé en temps réel par des sources internes ou Midi. Enfin, les timbres sont envoyés aux sorties physiques ou aux bus internes avec leurs effets d’insertion. Le multieffets maître, quant à lui, est global et ne s’applique qu’aux sorties principales. Une excellente section.
Un puissant vocodeur
Tous les niveaux audio, ainsi que la sensibilité de la détection (enveloppe de suivi) sont réglables avec précision, ce qui est la clé pour vocoder un signal de voix avec intelligibilité. On peut décaler les fréquences des filtres d’analyse et de synthèse. On peut même régler le volume des consonnes (signaux sans harmoniques, donc non vocodés). Les fréquences de coupure sont modulables par les 15 sources de la matrice de modulation. Leur résonance est également réglable (mais pas modulable). Le vocodeur du Radias donne aussi accès aux niveaux des 16 filtres de synthèse. Les réglages se font avec la rangée de 16 rotatifs (décidément beaucoup utilisée) comme sur un vocodeur EMS3000. De même, la position stéréo de chaque bande est réglable, en utilisant les 16 rotatifs (toujours eux !) ou les pages de menu. Mai là où le Radias enfonce le clou, c’est dans sa capacité à enregistrer des séquences parlées ou chantées (fonction Formant Motion) pour moduler des signaux de synthèse. Au total, on peut capturer 7,5 secondes de signaux audio, à répartir dans 16 séquences. La mémoire est permanente, merci !
Editeur dédié
Idem pour les segments d’enveloppes, y compris la courbe de réponse. Les LFO ont droit à leur fenêtre graphique affichant la forme d’onde, y compris sa variation Wave Shape) et sa fréquence. En revanche, on n’a pas droit au moindre graphique représentant le profil de filtrage, ce qui aurait été bien venu compte tenu de la sophistication des filtres. Le vocodeur dispose de sa propre page d’édition, avec affichage graphique des niveaux et des panoramiques des 16 bandes. Lorsqu’on enregistre une phrase (Formant Motion) en mode Global, l’éditeur affiche graphiquement sa transformée de Fourier, classe… A quand la retouche graphique directement à la souris ? Pour terminer, signalons la présence d’un analyseur d’évènements Midi, toujours utile pour vérifier son installation.