Dix ans après le K2000 et cinq après le K2500, Kurzweil sort la troisième mouture de sa station de travail haut de gamme bourrée de DSP. Intégrant toutes les améliorations de ses aînées dans un habitacle plus simple d’accès, la série K2600 place très haut la barre. Combien d’étoiles allons-nous attribuer à ce véritable palace ?
Mise au point au tout début des années 90, la synthèse VAST motorise les synthétiseurs Kurzweil depuis près de dix ans. Le concept est basé sur l’organisation d’une pléthore de processeurs audio en algorithmes sophistiqués, combinant des modules de traitement du signal très variés dans une même chaîne. A l’image de leur architecture modulaire, les machines Kurzweil sont poussées à l’extrême dans leurs différents aspects, jour après jour : sons échantillonnés en Rom indémodables, qualité audio remarquable, menus très souples, modulations matricielles en tout genre, gestion disque par arborescences, séquenceur surpuissant, échantillonnage top niveau, processeur d’effets KDFX haut de gamme… la liste est longue. Les machines Kurzweil sont aujourd’hui réputées pour leur qualité sonore et leur profondeur… leur complexité aussi, surtout dès qu’il s’agit d’ouvrir la bête pour y mettre une extension. Dans notre revue complète sur le K2500 KDFX il y a un an, nous avions insisté sur la complexité des modifications hardware. Le K2600 vient palier ce dernier rempart à la suprématie de Kurzweil : à part la carte sampling, toutes les options s’installent en un tournemain via une grande trappe située sous la machine. Comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, la somptueuse Rom Piano et l’inénarrable KDFX sont intégrés. Attention, ça va faire très mal !
Façade BCBG
Mise à part la couleur et la sérigraphie, la série K2600 est extérieurement presque identique à la série K2500. L’indigo a fait place au noir rigoureux, certains apprécieront. En regardant de près le panneau arrière du rack (nous avons testé un K2600RS full option), on perçoit toutefois quelques adaptations : le trio Midi existe toujours en un seul exemplaire (In / Out / Out – Thru commutable), les dix sorties audio sont bien alignées en partie supérieure mais elles passent en symétrique +4 dB (on perd donc les possibilités d’inserts du K2500). Les deux prises SCSI 25 broches sont dorénavant sur la même carte et elles disposent d’un sélecteur de terminaison automatique externe. Enfin, si les options pour interfaces AES/EBU XLR et optiques existent toujours, l’option KDS dispose désormais d’une entrée en plus de la sortie (voir ci-dessous*). Elle est cependant en option alors que le KDFX qui permet de l’utiliser pleinement est en série, curieux.
Sur la façade avant, un seul petit détail a changé : un petit potentiomètre pour le réglage direct du contraste du LCD. Ce dernier, doté de 240 × 64 pixels, dispose toujours d’un éclairage au néon bleu fluo hyper brillant, Kurzweil n’ayant pas encore opté pour un LCD plus grand et détachable comme chez certains concurrents japonais. Il est bordé à gauche par des touches permettant le défilement des canaux Midi ou des zones de Keymap. Par ailleurs, il surplombe 6 touches logicielles, 2 touches Edit / Exit et 8 touches de modes de jeu. Au centre, on retrouve les flèches de navigation, la molette crantée d’entrée de données, le lecteur de disquettes et le potentiomètre de volume. A droite, le pavé numérique est de la partie, situé juste avant les entrées sampling optionnelles (deux entrées XLR basse impédance, une entrée jack TRS haute impédance et une entrée optique numérique). Comme nous le voyons, le K2600RS et le K2500RS se ressemblent comme deux gouttes de Chanel n°5.
*Rivière de diamants
De loin le plus sophistiqué du marché, l’OS du K2600 nous propose de nombreux modes secondaires eux aussi très performants. Le mode disque permet une souplesse presque équivalente aux gestionnaires de fichiers des ordinateurs. Sa compatibilité MS-DOS avec arborescences est déjà un bon point de départ. S’y ajoutent les chargements et sauvegardes multiples avec marquage à la volée, backup, copies, macros, lecture des formats Roland / Akaï / Ensoniq, lecture et écriture Wave ou Aiff, SMDI et compatibilité ISO 9660. Remarquons au passage que Kurzweil refuse toujours la compatibilité E-mu, la réciproque étant vraie, comme nous le signalons à chaque fois. Les deux ports SCSI 25 broches rendent le K2600 tout à fait à l’aise au beau milieu d’un réseau. Le K2600 est capable d’ouvrir tous les fichiers maison pour n’en charger que certains éléments et de retrouver automatiquement les liens entre programmes et échantillons, ce qui évite les prises de tête sans fin. Bravo !
Une fonction géniale de base de données peut fonctionner de pair. Elle permet de visualiser, déplacer, effacer, trier, dupliquer tous les objets contenus dans la machine : échantillons bruts, paramètres échantillons, keymaps, programmes, studios effets, effets simples, setups, séquences… heureusement, car le K2600 peut en contenir 1000 de chaque ! Pour en finir avec le mode disque, signalons que l’OS 2.0 permet maintenant au K2600 de découper les disques SCSI en 4 partitions de 2 Go, merci beaucoup !
Un petit mot sur l’implémentation Midi on ne peut plus complète, avec réglages multiples sur chaque canal et utilitaire d’analyse de données. Ce dernier permet de visualiser en temps réel tout message Midi émis ou reçu, afin de vérifier les connexions ou de s’assurer le bon paramétrage des petits copains. Pour terminer sur nos remarques en vrac, signalons que le K2600 est livré avec des disquettes contenant plusieurs milliers de programmes et une cassette vidéo d’apprentissage : la classe ! Par ailleurs, le site Internet Kurzweil est l’un des sites constructeurs les plus complets du marché, avec téléchargements gratuits d’OS, de programmes, d’échantillons et concours d’utilisateurs. Pour parfaire cet esprit de communauté élitiste, un Web Ring regroupe les sites dédiés à la marque avec des forums de discussion de très haut niveau, des échanges de sons personnels et des experts hors pair en ligne. Une exclusivité de la marque !
Lignée prestigieuse
Comme son illustre prédécesseur, le K2600 est une station de travail polyphonique 48 voix (192 oscillateurs numériques simultanés sont possibles), multitimbrale 16 canaux Midi et disponible en 3 versions : clavier semi-lesté 76 touches, clavier lourd 88 touches et rack 19 pouces 3U. Beaucoup d’utilisateurs de K2500 s’attendaient à une augmentation de la polyphonie, mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Nous pensions que cela était dû au vieux processeur Motorola 68025 (25 MHz !) qui motorise la machine. Après avoir contacté le R&D Kurzweil aux USA, il apparaît que le processeur incriminé ne sert qu’à gérer les tâches secondaires, telles que l’affichage, l’échange de données entre carte audio et carte son, les commandes, le Midi et la gestion disque. Pour l’essentiel, c’est-à-dire la production audio, ce sont les VLSI maison qui battent la mesure. La technologie a maintenant dix ans et Kurzweil nous en propose une version encore plus puissante, mais il semble que les ingénieurs soient allés au bout en ce qui concerne la polyphonie. Tant pis !
En revanche, la limite des canaux Drum n’existe plus. Auparavant, elle limitait l’utilisation de programmes comprenant plus de 3 couches à 8 canaux Midi sur le K2500 et 3 sur les K2000 sans P-Ram. Sur le K2600, on peut empiler 32 couches sonores indépendantes dans chaque programme et les utiliser simultanément sur tous les canaux Midi. Cette avancée est responsable de l’excellente expressivité des programmes d’usine : des basses électriques à vélocité / trigger multiples étagées sur 6 couches, des pianos Fender à réponse en vélocité très réaliste, des guitares très bien rendues. A partir des mêmes échantillons en Rom que les K2000 / K2500, les résultats sont encore meilleurs. Autres nouveautés, les sons synthétiques qui tirent parti de la résonance supplémentaire poussée de 24 à 48 dB, bonjour les sifflements et les clics de filtre. Je reprendrai volontiers une louche de caviar !
Bijoux sonores
Issue de la grande lignée des lecteurs d’échantillons, le K2600 dispose d’une Rom d’ondes compressées s’élevant à 12 Mo, constituée des mêmes samples que le K2500 et de la Rom piano stéréo. Ridicule penseront certains, mais ils se trompent ! Pourquoi changer la qualité et la fidélité exceptionnelles qui ont fait la réputation de la marque ? Le grand Piano Stéréo de 4 Mo est à notre sens toujours ce qui se fait de mieux dans une Rom. Même les concurrents, à grands coups de dizaines de mégaoctets, ont du mal à y arriver. D’ailleurs, pourquoi avoir conservé l’ancien grand piano ? En souvenir du célèbre K250 dont il provient ?
Comme ses prédécesseurs, la Rom du K2600 peut être étendue par ajout de cartes Rom. On retrouve les Rom 1 et 2 (orchestrale et contemporaine). De qualité exceptionnelle, ces petits bijoux démontrent une fois de plus l’excellence de Kurzweil sur le plan de l’échantillonnage : sur le Rom 1, tous les instruments solo sont bons, même les cordes, ce qui est plutôt rare. Le hautbois, le basson et la clarinette sont exceptionnels. Ils s’ajoutent à merveille aux célèbres Strings de la Rom de base, pour des ensembles classiques spectaculaires. Aucun double emploi, aucune perte de Rom, tout est optimisé. Sur la Rom 2, on retrouve des percussions en tout genre (dont certaines tirées de célèbres boîtes à rythmes électroniques japonaises), des textures synthétiques très riches, des basses profondes, un magnifique son de flûte de pan et un sax alto baveux à souhait. Là aussi, les sons s’intègrent à merveille à la Rom de base, sans dépareiller. Mais le K2600 va plus loin, puisque nous attendons avec impatience deux nouvelles Rom de 8 Mo chacune, ce qui permettra de pousser la Rom à 44 Mo. Le mieux, c’est que l’installation se fait sans la moindre difficulté, grâce à une trappe située sous la machine. Cette trappe permet à l’utilisateur d’installer lui-même toutes les options (voir ci-dessous**), sauf la carte sampling qui nécessite un peu d’expertise. Merci Kurzweil d’avoir rationalisé la machine car le K2500, c’était Fauchon un jour de soldes !
**Patrimoine étendu
La liste d’extensions du K2600 est longue. A commencer par la Ram échantillons extensible à 128 Mo par ajout de barrettes Simm standard 72 broches. Ainsi, on peut bénéficier de l’excellente compatibilité du K2600 avec les autres échantillonneurs du marché ou de l’importante collection de CD-Rom au format natif Kurzweil comme point de départ (ou d’arrivée). Pour ceux qui aiment échantillonner, la carte sampling transforme le K2600 en puissant échantillonneur et en processeur d’effets temps réel à partir de signaux externes (Live Mode). Elle présente une connectique complète, avec entrées analogiques asymétriques (jack stéréo) et symétriques (XLR), entrées et sorties numériques optiques et AES/EBU symétriques. L’échantillonnage s’opère en 16 bits linéaire à des fréquences de 29 / 32 / 44 / 48 kHz en analogique et de 32 à 48 kHz en numérique. Un vu-mètre stéréo et un circuit de monitoring permettent des réglages millimétrés. Une fois un échantillon capturé (mode seuil, Midi ou manuel), il ne reste plus qu’à l’affecter comme un vulgaire échantillon interne, Rom ou Ram. Bien évidemment, il est possible d’échantillonner un signal externe ou de rééchantillonner un signal interne à travers le KDFX.
Autres extensions, les 4 cartes Rom permettent d’étendre le périmètre sonore de la machine et de disposer de centaines de sons directement à l’allumage. Puis c’est au tour de la P-Ram, permettant d’étendre la mémoire de tous les paramètres sauvegardés (donc tous les paramètres sauf les données d’échantillons Ram) à 1,5 Mo. Pas donnée, elle est toutefois nécessaire pour ceux qui comptent utiliser le séquenceur ou le KDFX à fond, très consommateurs de mémoire programme. Ensuite, il est possible d’ajouter une entrée et une sortie KDS, afin de traiter 8 entrées et 8 sorties entièrement en numérique à l’intérieur de la machine, par l’intermédiaire de l’interface DMTi permettant de convertir des signaux au format propriétaire Kurzweil en signaux AES/EBU, ADAT ou TDIF. Enfin, signalons l’existence d’un kit pour disque dur interne 3,5 pouces SCSI. De quoi revendre son argenterie !
Trois carats
Beaucoup plus poussées que des lecteurs d’échantillon, les K2K disposent d’une architecture de synthèse à géométrie variable. En fait, une couche de traitement du signal est constituée d’une source qui passe dans des DSP organisés en algorithmes. A l’origine, 31 algorithmes permettent d’ordonner jusqu’à trois DSP parmi une liste de 70 : filtres multimodes résonants (17 types très complexes), shapers, distorsions, modulateurs en anneau, synchronisations, oscillateurs numériques additionnels, modulation d’amplitude, modulation de largeur d’impulsion… la liste est impressionnante. D’autant que chaque DSP possède plusieurs points d’entrée pour les 128 sources de la matrice de modulation. Bien évidemment, le K2600 dispose d’une pléthore d’outils de modulation, avec par voix : 3 enveloppes multipoints, 2 LFO, 2 enveloppes ASR, 4 générateurs de fonctions mathématiques et 4 triggers de vélocité. Comme il y a 32 couches par programme, on imagine la puissance mise à notre disposition. Aucun autre constructeur n’était allé aussi loin… sauf Kurzweil lui-même.
En effet, l’OS 2.0 est disponible depuis peu. Attraction principale, son tout nouveau mode Triple modulaire écrase littéralement la concurrence. Dans ce mode, les couches fonctionnent par trois : au lieu d’aller se faire bronzer dans le KDFX, la première emprunte les DSP de la deuxième puis ceux de la troisième. Le deuxième emprunte ceux de la troisième, puis la résultante est envoyée dans le KDFX. Ainsi, un échantillon peut traverser plus de 10 DSP consécutifs. Du coup, on se retrouve avec 94 nouveaux algorithmes (donc 125 au total) pour gérer les couches respectives suivant leur ordre. Kurzweil n’étant pas à un détail près, de nombreux algorithmes séparent le signal en deux afin de bypasser certains DSP dans la chaîne de traitement. D’autres peuvent recevoir la même source à plusieurs endroits différents, par exemple au début et au milieu du bloc de traitement. Le nombre de combinaisons différentes est de 12 milliards si l’on s’en réfère aux calculs de spécialistes que nous éviterons de contredire. Revers de la médaille, chaque note brûle trois voix de polyphonie, ce qui est naturel. Pourquoi pas un mode double ? Ce mode est donc à réserver aux explorateurs de la synthèse qui n’hésitent pas à descendre dans les pages menu avec le casque de spéléo et la lampe torche. N’ayons pas peur de le dire, le K2600 rivalise aujourd’hui avec les systèmes modulaires les plus perfectionnés, mais en beaucoup plus fiable. Quand on sait que l’OS 2.0 n’occupe que 2 Mo sur les 4 Mo disponibles, on se demande bien ce que Kurzweil va bien pouvoir nous réserver !
Deluxe édition
Le K2600 est capable de faire subir à ses échantillons les pires traitements numériques. Il n’est pas nécessaire de disposer de carte sampling mais uniquement de barrettes Simm pour tout ce que nous allons décrire dans ce chapitre. Il est en effet tout à fait possible de charger des échantillons de tierces parties en mémoire. Pour faciliter l’édition des échantillons, le K2600 dispose d’un affichage graphique avec facteurs de zoom horizontal (temps) et vertical (amplitude). Différents niveaux de traitements numériques existent, suivant que les échantillons proviennent de la Rom ou de la Ram. Les paramètres communs sont les points de bouclage, le volume, la transposition, le sens de lecture (en avant, en arrière ou bidirectionnel), le sens de modulation du point de lecture alternatif, la vitesse de déclin et la vitesse de relâchement. Tous ces paramètres sont sauvegardés en Ram programme, indépendamment de la Ram échantillon, le K2600 étant capable de gérer séparément les deux mondes, pour notre plus grand plaisir. Cela fait déjà beaucoup de souplesse pour les échantillons en Rom, qui de plus peuvent être traités indépendamment et assemblés en keymaps comme des échantillons en Ram.
Pour ces derniers justement, l’édition se corse ! En effet, le K2600 possède un DSP aussi puissant que les meilleurs échantillonneurs du marché. L’ensemble des traitements peut s’opérer entre deux points à déterminer dans la forme d’onde. Les réglages peuvent s’opérer à la milliseconde ou à l’échantillon près. On trouve normalisation, troncature, ajustement de gain numérique, effacement, inversion, insertion de blanc, mixage numérique, insertion d’échantillon, rampe de volume, fade in, fade out, conversion de fréquence, time stretch, pitch change, mix beat, crossfade et compression. Dans les fonctions nécessitant des crossfade, il est possible de choisir le type de courbe de transition parmi une liste confortable (cosinus, exponentiel, linéaire, mix, égale puissance). De quoi réussir des prouesses. La compression permet notamment de boucler des échantillons à segment de déclin prononcé tels que les guitares et les pianos. Dans l’édition des samples, le K2600 n’a donc rien à envier à ses concurrents !
Roues du carrosse
Très différent du reste de la synthèse VAST, le mode KB3 est une modélisation physique des orgues à roues phoniques. Les contrôleurs physiques du K2600 font alors office de tirettes harmoniques, interrupteurs de vibrato, chorus et Leslie. La modélisation utilise 96 oscillateurs ayant leurs propres fréquences et amplitudes. Les 96 roues ainsi représentées sont en permanence en marche et sont partagées suivant la polyphonie. Il n’y a donc pas de limite à la polyphonie. Deux groupes de roues coexistent, l’un utilisant une onde sinusoïdale numérique et l’autre un multiéchantillon (Rom / Ram). Très intéressant ! Chaque groupe dispose de son volume et de sa tonalité. Le nombre de roues phoniques est programmable (95 maximum, la 96e étant réservée au « clic »). Chacune des neuf tirettes harmoniques dispose de son volume et de son accordage, ce qui est plus souple que sur un orgue classique. Vient ensuite la percussion (harmoniques haute et basse, volume, déclin et vélocité) et le « Key click » (paramètres à peu près identiques). Plus drôle, on peut altérer le tracking des roues phoniques, ajouter un effet de préampli, jouer sur l’intermodulation entre roues adjacentes et paramétrer un égaliseur 4 bandes. Les sons sont stupéfiants et embellis par l’excellente modélisation de Leslie du KDFX. En mode KB3, le processeur alloue toutes les ressources système à la modélisation de la chaîne d’effets d’un B3 : cela donne une impressionnante série vibrato + chorus + distorsion + Leslie + cabinet, pour un total de 44 paramètres. Gargl !
Entrée VIP
A l’origine de sons très créatifs et sans limite, le Live mode permet de traiter en direct un signal entrant via la synthèse VAST et le KDFX, à l’instar d’un vulgaire échantillon. Cela nécessite au préalable l’installation de la carte sampling (voir encadré). L’utilisation la plus répandue est la transposition en temps réel. On peut y ajouter un balayage de LFO pour épicer le tout. Lorsque la machine transpose vers le bas, la mémoire tampon (la Ram sampling) se remplit d’audio et dès qu’elle est pleine, la lecture du son saute à la valeur actuelle. Réciproquement, lorsqu’on transpose vers le haut, la vitesse de lecture augmente si bien que le K2600 boucle très court. Le pilotage du Pitch via l’arpégiateur donne aussi des résultats très sympathiques. Le Live Mode peut également être utilisé pour envoyer le signal d’une couche dans une autre, ce qui permet des effets comparables au mode Triple sans consommer de polyphonie.
Autres utilisations intéressantes, les réjections de bande (suppression de voix), les générateurs de formants de voix ou les simulateurs de chuchotements. Mais le top, c’est le mode vocodeur 24 bandes avec entrées audio, analyse et synthèse internes ou externes. En fait, ce mode utilise un empilage de 48 couches contenant chacune un filtre passe-bande (24 filtres d’analyse et 24 filtres de synthèse), un suiveur d’enveloppe et un panoramique. La polyphonie totale serait complètement brûlée si le K2600 ne proposait pas des programmes à 22 et 20 bandes, ce qui permet de récupérer respectivement 4 et 8 voix, dans le cas où on utilise des signaux analyse et/ou synthèse internes. Cette gourmandise en polyphonie se traduit par un contrôle total sur les bandes de fréquence, le contrôle de la largeur des bandes, leur panoramique, le décalage des formants, les enveloppes suiveuses et les modulations par des LFO. Champagne !
Le roi et l’empereur
|
K2500 |
K2600 |
Rom |
8 Mo extensibles à 28 Mo |
12 Mo extensibles à 44 Mo |
Flash Ram réservée à l’OS |
1 Mo extensible à 2 Mo (KDFX) |
3 Mo |
Ram programmes |
240 Ko extensible à 1,2 Mo |
500 Ko extensible à 1,5 Ko |
Algorithmes VAST |
31 |
94, mode triple processeur (OS 2.0) |
Résonance maximale |
24 dB |
48 dB |
Programmes à 32 couches |
sur 8 canaux parmi 16 |
sur les 16 canaux |
Mode vocodeur |
avec KDFX et carte sampling |
avec carte sampling |
Effets |
Digitech 256, KDFX en option |
KDFX en série |
Gestion disque |
1 partition de 2 Go maxi |
4 partitions de 2 Go maxi (OS2.0) |
Réglage du contraste du LCD |
par soft interne |
par potentiomètre |
Sorties audio |
TRS asymétriques avec insert |
TRS symétriques sans insert |
SCSI |
2 prises 25 broches, avec terminaison interne |
2 prises 25 broches, avec auto terminaison externe |
KDS (en option) |
Sortie 8 canaux livrée avec le KDFX |
Sortie et entrée 8 canaux |
Installation de cartes optionnelles |
Par un professionnel averti (…qui en vaut au moins deux, pour le KDFX) |
Par l’utilisateur, sauf la carte sampling |
Smoking de rigueur
Tenue de soirée prestigieuse que peuvent enfiler toutes les couches sonores avant de sortir, le KDFX est le processeur d’effets le plus puissant jamais embarqué sur une station de travail. A tel point que certains studios haut de gamme utilisent un K2500+KDFX en tant que processeur d’effets. Quelle gabegie ! Sur le K2600, ce magnifique processeur est installé de série, cela fait toujours une demi-journée d’installation de gagnée ! En revanche, le décennaire DSP256 Digitech a complètement disparu. Bien qu’une routine d’émulation existe sur le K2600, la lecture des programmes utilisant le Digitech K2000 / K2500 pose quelques problèmes : réverbérations trop prononcées, délais peu respectés et multieffets en série mal recréés. Il faudra revoir cela si c’est possible. D’autant qu’à notre sens, le 256, bien que très limité, sonne correctement quand il est utilisé avec parcimonie. Tant qu’on est un peu critique, signalons que les interfaces AES/EBU et KDS fournies avec l’option KDFX pour le K2500 sont désormais en option, Kurzweil ayant bien compris que quand on aime, on ne compte pas.
Car le KDFX, c’est le luxe complet, la suite présidentielle. Pas moins de 5 multieffets stéréo en entrée et en sortie sont disponibles sur 8 bus pouvant fonctionner par paire stéréo. Grâce aux interfaces précitées, rien n’empêche de traiter huit bus numériques externes et de les faire ressortir indépendamment, en numérique ou en analogique, sans que la machine ne sourcille. A tous les niveaux, la matrice de modulation occupe une place privilégiée, avec des entrées de modulation sur à peu près tous les paramètres. Le K2600 dispose de deux hiérarchies d’objets liés aux effets : les studios et les programmes (jusqu’à 1000 de chaque). Un studio mémorise le parcours des signaux sur l’ensemble des bus, le choix des effets et les modulations. Le parcours commence par une page d’entrée qui comporte un égaliseur 2 bandes ou un filtre (passe-haut ou filtre passe-bas 1 ou 2 pôles), un réglage de gain et de panoramique. On poursuit par un double départ vers deux bus stéréo au choix (l’un des quatre bus principaux et l’effet auxiliaire). Enfin, l’éditeur de sortie affecte une sortie physique au choix, mono ou paire stéréo, à chaque bus d’effets (Mix, Bus 1 à 4, pré ou post-effet). Par contre, impossible de mettre les 5 multieffets en série. Peut-être un mode spécial le permettra-t-il, à l’instar du mode Triple de la synthèse VAST. On peut rêver !
Robe longue
Les effets sont au nombre de 105 algorithmes occupant un certain nombre d’unités d’allocation de puissance (de 1 à 4 PAU) suivant la complexité. On peut utiliser un total de 4 PAU pour l’ensemble des 4 bus et 3 pour le cinquième processeur auxiliaire. On lui réservera les effets les plus complexes. Parmi les algorithmes, on trouve de magnifiques réverbérations stéréo à pièce variable, une incroyable modélisation de Plate EMT 140, des délais multiples (jusqu’à 20 secondes au total avec synchronisation Midi), des chorus, des simulateurs d’ampli, des distorsions (à lampe ou à transistor), des processeurs de dynamique (compresseurs multibandes, dé-esseurs, enhanceurs, gates, expandeurs), des filtres résonants 50dB (avec enveloppe et morphing de profil), des effets RPS 3D et des analyseurs de signal (metering et analyse stéréo). Sans oublier les traitements de faveur réservés au mode KB3.
Certains algorithmes sont des multieffets double et triples, en série ou en parallèle. Comme toujours chez Kurzweil, les valeurs sont exprimées dans leurs véritables unités (dB, Hz, secondes). Certains effets disposent de 40 paramètres, tous modulables ! En effet, chaque Studio autorise le contrôle en temps réel de 18 paramètres choisis parmi les 5 algorithmes et les 4 bus stéréo. L’astuce réside dans le fait que ces paramètres sont mémorisés au niveau du programme, si bien qu’un même Studio peut être utilisé à plusieurs reprises dans différents programmes avec 18 paramètres complètement différents. De plus, chaque bus dispose de deux Overrides pour écraser deux paramètres par effets au sein d’un Studio, ce qui évite là encore de dupliquer inutilement des programmes d’effets alors qu’un petit ajustement suffit. Pour moduler tout cela, la section effets dispose de 2 LFO, 2 enveloppes ASR et 2 générateurs de fonctions mathématiques supplémentaires. On comprend maintenant pourquoi les gros studios utilisent le KDFX comme processeur d’effets dédié !
Jet Setups
Si l’on considère le mode programme et ses 32 couches indépendantes comme le mode monotimbral, le K2600 dispose de plusieurs modes multitimbraux et multicanaux Midi. Le premier est le mode Setup, dans lequel il est possible de regrouper jusqu’à 8 programmes « basiques ». Le K2600 est alors capable d’émettre et recevoir sur huit canaux Midi indépendants. Sur les versions claviers, le panneau de contrôle indique le statut de chaque canal (solo, actif ou muté) grâce à des leds multicolores (rouge, vert, orange). De même le rôle des huit faders prend une dimension supplémentaire dans le contrôle des paramètres, canal par canal, puisqu’elles font partie des sources de la matrice de modulation. Sur chacune des huit parties, il est possible de régler le numéro de changement de programme (avec Bank Select), le numéro de canal Midi, le type d’émission (local, programme ou les deux), la sortie audio (programme ou KDFX), le statut de l’arpégiateur, la transposition, la tessiture, la fenêtre de vélocité avec échelle séparée, le panoramique et le volume. Pour les deux derniers, il est possible de paramétrer les niveaux d’entrée et de sortie de Setup.
Poursuivons par les pages réservées aux contrôleurs physiques (pitchbend, molette, 8 faders, 2 pédales continues, 4 pédales switch, 2 rubans, aftertouch, contrôleur de souffle et 2 interrupteurs). On y affecte leur destination et pour certains la valeur d’entrée, la valeur de sortie, la courbe de réponse et l’échelle d’action. Viennent ensuite les pages communes à chaque couche. On retrouve les pages du KDFX, identiques au mode programme (heureusement, toutes les routines de copie / coupage / collage sont de la partie, histoire de ne pas perdre quelques heures de travail), le choix de la séquence de référence et la page arpégiateur, sur lesquelles nous allons nous attarder un peu. Basé au sein du Setup, l’arpégiateur affecte de façon globale n’importe lequel des canaux sélectionnés. Ce qui signifie que l’on n’a pas 8 arpégiateurs indépendants. Les réglages concernent la synchronisation, la zone d’action, le comportement au relâchement, l’ordre de reproduction, la division temporelle, le tempo, l’offset, le glissando, la réponse à la vélocité, la durée des pas et quelques contrôles en temps réel. Quelques patterns auraient été les bienvenus, afin de compléter l’ordre de jeu cantonné aux habituels modes haut, bas, haut & bas, aléatoire ou simultané. Mais là où le mode Setup va plus loin, c’est dans sa capacité à se transformer en puissant arrangeur en utilisation conjointe avec le séquenceur…
Suite royale
Le séquenceur du K2600 fonctionne à la base en 16 pistes. Le nombre d’évènements dépend du nombre d’objets déjà en mémoire (programmes, Setups, effets…). L’option P-Ram est nécessaire à ceux qui veulent utiliser pleinement le séquenceur du K2600. Le hic, c’est qu’à part les échantillons, aucun objet du K2600 ne peut dépasser 64K. Pour une séquence, ceci équivaut à 10–16.000 notes. Impossible donc de récupérer des grosses séquences élaborées sur son ordinateur préféré ou de dumper des nouveaux OS Midifile dans ses synthés. Pour ce faire, Kurzweil a mis au point le mode arrangeur, qui présente un triple intérêt : chaîner plusieurs séquences élémentaires afin de pouvoir reconstituer des morceaux longs et conserver de la mémoire programme, passer à 32 pistes en combinant 16 pistes d’arrangement à 16 pistes linéaires et déclencher des séquences à partir des touches du clavier. Dans un arrangement, les séquences sont chaînées pas à pas. Sur chaque pas, on peut muter chacune des 16 pistes, transposer l’ensemble de la séquence et répéter la séquence en cours jusqu’à 120 fois. Lorsqu’on transpose, on agit de manière globale, mais le K2600 permet de débrayer les pistes de son choix, en particulier les pistes de percussion. Et comme le clavier peut déclencher les arrangements, il est possible de transposer à la volée la tonalité des séquences en respectant les pistes de batterie. C’est ainsi que le K2600 se transforme en arrangeur de luxe en mode Setup.
En poussant le concept, on peut se fabriquer des séquences d’onde synchronisées au tempo à partir de 8 programmes et d’une séquence. Comme les séquences d’arrangement ne contiennent pas d’évènements de notes, on peut programmer 16 pistes linéaires supplémentaires comme dans le mode séquenceur normal. Le K2600 offre bien évidemment toutes les commodités d’une machine de cette trempe : résolution à 768 bpqn, punch in et out, mode boucle et overdub, quantisation à l’entrée et à la sortie, enregistrement multicanal, éditeur microscopique, écoute avant et après édition, mixdown avec affichage graphique en temps réel, routage à volonté vers les effets et sorties physiques. Les pistes sont même capables de fonctionner avec des programmes et des Setups. Enfin, le mode Ram Track permet l’utilisation conjointe du séquenceur et de la carte Sampling, soit pour rééchantillonner les morceaux, soit pour échantillonner et placer des sources audio en une seule passe. L’échantillonnage se fait en même temps que la séquence tourne. Le signal capturé est interne ou externe. Une fois l’échantillonnage terminé, le K2600 crée un programme contenant l’échantillon et une piste contenant les événements note on / off correspondant au moment où l’échantillon a été capturé. On peut répéter la manip 32 fois de suite, le K2600 créant un nouveau layer dans le programme à chaque passage. Du beurre dans les épinards !
Rolls Royce
Le K2600 est la version moderne du K2500 : plus puissant, plus intégré, plus facile à upgrader et potentiellement plus pormetteur. Le mode Triple est une ouverture vers les délires les plus fous, les menus ont une souplesse inégalée, la gestion disque est remarquable, le KDFX est hors norme et la machine possède une musicalité sublime. Par ailleurs, le fait que les grandeurs physiques soient exprimées dans leurs véritables unités apporte une touche de sérieux et de professionnalisme. La qualité sonore est améliorée, mais pas de façon spectaculaire. Il faut dire que le K2500 partait de très haut, surtout lorsqu’on utilisait les sorties séparées sans passer par la double conversion numérique / analogique voulue par le circuit de l’ancien processeur d’effets. En revanche, la polyphonie aurait gagné à être poussée, nous l’avons déjà dit. Qui aurait pensé, il y a dix ans, que la technologie mise au point par Kurzweil serait toujours la référence en termes de puissance et de musicalité ? Cette qualité a un coût, nous sommes résolument dans le très haut de gamme. Peu d’utilisateurs sont allés au bout des possibilités offertes pas un K2000 et encore moins d’un K2500. Quant au K2600, il promet une belle carrière chez tous les amoureux de beaux instruments et d’aventures sonores. Avec toutes ses options, le K2600 apparaît aujourd’hui comme le Stradivarius de la lutherie électronique.
Glossaire
SMDI : se prononce « Smidi » : protocole de transfert d’échantillons via un réseau SCSI, pour plus de rapidité.
Keymap : arrangement par l’utilisateur d’un ou plusieurs échantillons tout au long du clavier.
KDS : interface propriétaire Kurzweil capable de gérer 8 canaux audio numériques et 2 canaux AES/EBU.