Blackhole et Eventide ne sonnent pas réellement comme un combo tout neuf dont on n’a jamais entendu parler. En effet, une première pédale de réverbe nommée « Space Reverb » est sortie en 2011, inspirée des algorithmes du H8000FW. Puis nos séquenceurs ont vu débarquer le magnifique VST « Blackhole », redoutable pour la création de réverbes profondes et originales.
La marque américaine Eventide, dont la réputation n’est plus à faire, nous gratifie cette année d’une nouvelle pédale qui semble reprendre en plus du nom, les caractéristiques sonores de la célèbre lignée. Voyons ensemble si elle fait honneur à ses pairs.
Visite guidée du vaisseau
Après le déballage de la pédale dans son packaging ultra soigné comprenant une alimentation 9 volts aux embouts interchangeables pour s’adapter aux normes des différents pays ainsi qu’une notice, courte, mais joliment éditée et qui permet d’avoir sous la main les informations essentielles pour commencer, on découvre une pédale aux dimensions tout à fait raisonnables (102 mm x 108 mm x 43 mm) et à la fabrication qui inspire immédiatement confiance. La pédale est en acier, potards y compris, et son poids d’un demi-kilo à défaut d’alléger nos généreux pedalboards, semble garantir une bonne stabilité et résistance. On découvre six potards dont cinq possèdent une double fonction. Deux footswitchs parfaitement silencieux ainsi que trois petits boutons qui permettent d’activer certaines fonctions. Le tout est complété par une guirlande qui nous indique le preset utilisé parmi cinq.
L’arrière de la pédale propose une connectique complète et sans surprise pour ce genre d’effet avec une entrée au choix mono ou stéréo, deux sorties monos qui seront identiques si on est positionné sur le mode « mono » ou de type gauche/droite si l’on est en stéréo, une entrée permettant de brancher une pédale d’expression ou de travailler en MIDI et enfin un petit switch qui sert à sélectionner un niveau guitare ou ligne. Pour finir, il sera possible de brancher la pédale en USB afin de gérer ses presets, le MIDI et pouvoir mettre à jour le firmware. Nous y reviendrons.
À ce sujet, si vous êtes nouvel acquéreur de la pédale, pensez à bien vérifier que vous utilisez la dernière version du firmware. Le modèle reçu pour le test n’était par exemple pas à jour. La manipulation est cependant enfantine et se limite à quelques clics.
On met tout à fond et on décolle !
Conditions du test : Ibanez Prestige RGD2127Z – Micros DiMarzio – Line 6 Stomp – Eventide Blackhole (dans la boucle stéréo) – Carte son Audient iD22 – Cubase 10.5
Autant vous prévenir tout de suite : la Blackhole est fidèle à sa réputation et il ne s’agit pas d’une réverbe « plug’n’play ». C’est une pédale complexe dans sa manipulation, mais aussi dans les sons qu’elle est capable de produire. Les possibilités sont probablement infinies, mais il est important pour cela de bien comprendre la fonction de chaque potard.
Il nous est possible de naviguer sur deux étages de paramètres. Au premier étage on note tout de suite la notion de « GRAVITY », déjà présente sur le VST. En tournant ce potard tout à fait à droite, on se retrouve avec une réverbe dont la traînée est normale. En revanche, si l’on tourne tout à fait à gauche, alors le signal se trouve comme inversé. Sans toucher à aucun autre paramètre excepté celui-ci, on découvre déjà des possibilités superbes dont vous pouvez écouter quelques exemples à partir de 0 : 49. À côté du potard de « gravité », on découvre un « FEEDBACK » dont la fonction est sans surprise. Cependant, celui-ci se voit proposer deux fonctions très intéressantes. Le signe de l’infini permet de geler le son, et en tournant encore vers le flocon de neige, on retrouve notre signal de guitare sans traitement. Vous pouvez ainsi, par exemple, jouer un bourdon ou un accord, le figer, et jouer par-dessus. Il vous sera possible d’activer quelques effets supplémentaires étant donné que votre signal ne sera plus traité par la Blackhole. Exemple en vidéo à partir de 3:39.
Le potard « SIZE » est tout à fait explicite et permet dans ses extrêmes d’aller d’une réverbe de type « room » très courte à quelque chose de réellement gigantesque. Ceci ouvre des perspectives pour la création de nappes pour des compositions aux sonorités ambiantes, notamment en se montrant gourmand sur le potard de « MIX ». Pour vous faire une idée plus précise de l’action de ce potard, vous pouvez visionner la vidéo à partir de 4:22.
Ce premier niveau de réglage nous permet également d’agir sur l’égalisation avec un premier potard qui contrôle le bas du spectre à 350 Hz de –18 dB à +9 dB, le second agit sur le haut du spectre à 2000 Hz avec une amplitude de –18 dB et jusqu’à +12 dB. L’amplitude est généreuse et permet de travailler la texture sonore avec une liberté totale comme on peut l’entendre dans la vidéo à partir de 6:38.
En passant au deuxième étage de réglages, on se retrouve avec une nouvelle série de paramètres qui auront naturellement une incidence directe sur les réglages vus précédemment. C’est en ce sens que cette Blackhole n’a rien d’une pédale « plug’n’play », il vous faudra sans aucun doute prendre un peu de temps pour préparer vos presets avant d’arriver en répète. Quoiqu’il en soit, Eventide nous propose d’agir en premier lieu sur le délai, compris entre 0 et 2000 ms, que vous souhaitez obtenir entre votre jeu et votre réverbe. Vous l’aurez deviné, il s’agit tout simplement du « pre-delay » que l’on retrouve communément sur les effets de modulation. Vous pouvez voir son action en vidéo à partir de 8:15. Notez cependant que 2000 ms c’est vraiment beaucoup pour une réverbe, on pourrait presque se passer d’une pédale de délai pour réaliser certains effets.
Le paramètre « Q » est l’équivalent de celui de « RESONANCE » sur la version VST, il vous permet de sculpter les courbes des deux potards d’égalisation vus précédemment. Dans la pratique on se retrouve à régler les trois paramètres ensemble. C’est donc parfois un peu fastidieux de devoir passer d’un étage à l’autre. Il est évident que les équipes d’Eventide ont fait de leur mieux pour faire tenir toutes ces options sur un boitier d’une taille aussi modeste, mais probablement que certains auraient préféré retrouver davantage de paramètres en accès direct. Pour entendre l’action de ce potard, rendez-vous à partir de 11:10 dans la vidéo accompagnant ce test.
« DEPTH » et « RATE » fonctionnent en binôme. Le premier va vous permettre de doser la profondeur de la modulation et le second va agir sur la vitesse de cette modulation. Ces réglages sont un régal pour créer des sons « de l’espace », c’est le cas de le dire. Plus on monte le RATE, plus notre son module avec des fins de course qui voient leur pitch comme chuter. Génial ! Vous pouvez écouter ce que cela donne à partir de 12:35.
Les deux footswitchs permettent bien entendu d’activer la pédale et de naviguer dans les presets (vidéo à partir de 17:10), mais c’est surtout l’option FREEZE du second qui est intéressante. Celle-ci reprend plus ou moins le même principe que celui que propose le potard FEEDBACK. Il va vous permettre de geler un instant de votre jeu, tout en vous permettant encore une fois de retrouver le son de votre guitare sans le traitement de la Blackhole. À vous de voir ce que vous en faites par la suite. Le gros avantage ici, c’est que la fonction est accessible au pied, ce qui est, pour les guitaristes et bassistes tout du moins, bien plus pertinent. Vous pouvez écouter un exemple d’utilisation de ce footswitch dans la vidéo à partir de 16:15.
Une autre fonction qui aura son importance pour votre jeu : le choix entre un mode « latching » ou « momentary ». En d’autres termes, vous pouvez choisir si vous souhaitez activer vos footswitchs en pressant dessus puis en les relâchant (latching) ou plutôt si vous souhaitez les activer uniquement lorsque vous les pressez (momentary).
Contrôle, contrôle, ici Blackhole !
La Blackhole d’Eventide permet également de se voir rajouter une pédale d’expression afin d’agir sur n’importe quel paramètre de la pédale en définissant un point de départ et un point d’arrivée. C’est une option assez commune, mais qui a le mérite d’être présente sur un effet de ce type. Il vous sera également possible de contrôler la pédale en MIDI, soit par une connectique de type « jack TRS » soit en passant par le port USB. La pédale est en effet pourvue d’une connexion USB qui ne sert pas seulement à la mettre à jour. En téléchargeant le logiciel « Eventide Device Manager », on se retrouve face à une interface soignée qui nous permet de gérer jusqu’à 127 presets. Bien entendu, on a accès aux options supplémentaires de la pédale, par exemple le choix entre les types de bypass, les canaux MIDI, ou encore l’option « Knob Catch-up » qui lorsque l’on tourne les potards en passant d’un preset à l’autre, nous indique, par un système de clignotements, si l’on s’approche du réglage sauvegardé d’un paramètre. Cette dernière fonction permet tout simplement de compenser l’absence d’écran numérique. Notez que la plupart de ces fonctions sont accessibles par un malin jeu de combinaisons de boutons sur la pédale.
My name is Hole, Blackhole
En faisant ce tour du propriétaire, on se rend compte à quel point cette Blackhole est polyvalente. Ce qui est plaisant, c’est de pouvoir se laisser aller à des sons difficilement reproduisibles autrement. Il sera tout à fait possible d’obtenir une réverbe discrète et peu envahissante, mais il est vrai que le charme de cette pédale ainsi que les probables raisons qui peuvent nous motiver à nous diriger vers cette pépite d’Eventide, sont la générosité des réglages et les textures uniques que ceux-ci nous permettent d’obtenir. Il faut aussi noter que malgré l’orientation très guitaristique de ce test, cette pédale est parfaitement compatible avec les diverses machines aux touches métissées. Cette Blackhole mérite sans conteste une excellente note au vu de son positionnement tarifaire (329 €) et des prestations proposées.