Commercialisée depuis quelques mois, la pédale de réverbe numérique Immerse Reverberator du constructeur californien Neunaber s’est très rapidement taillée une jolie réputation. Si les solutions proposées par Strymon ou encore Eventide étaient jusque-là préconisées par les amateurs d’effets haut de gamme, l’Immerse s’impose aujourd’hui comme une alternative crédible selon les dires de nombreux musiciens. Il était donc temps que la bête passe entre nos mains. Here comes a new challenger !
L’Immerse Reverberator est une sorte de « best of » des réverbes de Neunaber. La pédale a en effet été conçue pour accueillir les effets favoris de la marque présents dans le logiciel Expanse. Pour rappel, ce programme intègre des chorus, des réverbes, des délais, ou encore des phasers, fonctionnant de pair avec les pédales de la gamme du même nom. Chaque machine peut alors accueillir un effet au choix, entièrement configurable par l’intermédiaire du logiciel. Un boîtier en option, l’ExP Controller, permet même de modifier à la volée l’effet embarqué dans la pédale, ou encore de changer de presets.
L’Immerse fonctionne donc à partir des algorithmes de réverbe déjà présents dans d’autres produits de Neunaber. Mais, à l’inverse des pédales pensées pour être utilisées en parallèle du logiciel Expanse, elle n’est pas programmable et possède plus de boutons. Il n’est pas non plus possible de brancher le boîtier optionnel. C’est en quelque sorte une version « standalone » se concentrant sur les effets que le fabricant considère comme les plus réussis.
À la poursuite d’octobre rouge
Le format de l’Immerse Reverberator est très classique. Le boîtier est joliment décoré, et le logo est directement gravé sur le métal. La machine est bien finie, et respire la solidité. Elle est d’ailleurs fabriquée aux États-Unis. Le footswitch, quant à lui, est silencieux, et l’effet apparaît de façon très douce lors de l’activation.
Cinq potentiomètres permettent de modifier les sonorités. Notre exemplaire de test avait d’ailleurs un petit problème avec l’un des potards, puisqu’il accrochait trop et tournait difficilement. Nos recherches indiquent que ce n’est pas un problème rencontré par d’autres possesseurs de la pédale. Aucun produit n’est infaillible, et nous n’avons probablement pas eu de chance.
Un premier bouton est dédié à la sélection des 8 modes de réverbe dont voici la liste : Wet, Hall, Plate, Spring, Shimmer A, Shimmer B, +Echo, et +Detune. Le bouton FX Level modifie le volume du signal wet. Le bouton Depth agit sur l’intensité de l’effet sélectionné, et le bouton Tone sur la tonalité. Pour autant, l’influence de ces réglages peut varier suivant les modes. Enfin, un dernier bouton, officieusement appelé Effect Adjust, modifie un paramètre différent en fonction des effets. Rassurez-vous, tout cela est détaillé dans le manuel. La gestion des modes est excellente malgré le faible nombre de boutons. Neunaber a même trouvé une petite astuce : pour chaque mode, une ligne sérigraphiée sur le boîtier mène à un mot annonçant l’impact qu’aura le bouton Effect Adjust. Il suffit de suivre le trait !
L’Immerse est dotée de deux entrées, et de deux sorties symétriques et asymétriques. Elle n’est donc pas uniquement destinée aux guitaristes, et peut être utilisée en mono ou en stéréo. Pour la stéréophonie, l’on peut brancher deux jacks mono ou un unique jack TRS stéréo sur l’entrée et la sortie 2. Nous vous encourageons vivement à utiliser la pédale en stéréo, puisque l’effet prend une ampleur considérable. Ce n’est tout simplement plus la même pédale, et l’effet enveloppe littéralement l’auditeur. Vous pouvez entendre cela dans les deux exemples sonores ci-dessous :
- 1 Mode Detune Mono Twin + Torpedo 00:46
- 2 Mode Detune Stereo Kemper 00:36
La pédale peut être utilisée avec une alimentation de 9 ou 12 V. À nouveau, nous vous encourageons à utiliser la seconde option, puisqu’elle ajoute un peu de dynamique au son de la guitare. On entend mieux les attaques, mais l’on ne ressent aucun changement sur l’effet en lui-même, comme vous pouvez l’entendre dans les extraits. Tous les autres sons de ce test sont d’ailleurs enregistrés avec une alimentation de 12 V.
- 3 Mode Detune 9V 00:36
- 4 Mode Detune 12V 00:36
En plus des cinq boutons évoqués précédemment, l’Immerse est dotée de deux petits sélecteurs à l’arrière du boîtier : Trail et Kill Dry. Lorsque l’on actionne le premier, la réverbe va continuer à « trainer » même après l’arrêt de la pédale, alors qu’elle stoppera brutalement si le sélecteur est désactivé. Ajoutons que le bouton Depth aura une influence sur la longueur de cette trainée, même lorsque la pédale est éteinte. Ainsi, le bouton poussé à fond, le son ne s’arrête jamais. En le baissant, la réverbe s’efface petit à petit :
- 5 Mode Detune Trail off 00:10
- 6 Mode Detune Trail on 00:15
Enfin, le Kill Dry supprime tout simplement le son dry de la guitare pour préserver uniquement le son de l’effet. Il est utile pour créer des ambiances, ou lorsque la pédale est utilisée dans une boucle d’effets parallèle. Cette configuration nous permet également de constater que la réverbe réagit très bien à l’attaque de la guitare, et qu’elle gagne en intensité lorsque l’on rentre dans les cordes avec vigueur :
- 7 Mode Echo+ Kill dry off 00:22
- 8 Mode Echo+ Kill dry on 00:50
Abyss
Nous vous proposons un tour d’horizon sonore des huit modes de l’Immerse. Dans tous les exemples qui suivent, l’ensemble des boutons est utilisé afin de démontrer les capacités des modes. Nous débutons avec la pédale éteinte, puis nous l’activons avec l’ensemble des potards à midi. Commençons avec les modes Wet et Hall :
- 9 Mode Wet 02:29
- 10 Mode Hall 02:49
En modes Wet et Hall, le contrôle Tone agit sur la tonalité globale de la réverbe, le contrôle Depth sur la longueur de celle-ci, et le bouton Effect Adjust sur la vitesse et l’intensité de la modulation. Les deux modes fonctionnent très bien lorsqu’ils sont poussés. Ils gonflent le son et apportent une atmosphère enivrante. L’effet prend parfois trop le dessus, et il ne faut pas hésiter à jouer avec le potard Depth pour faire survenir les puissantes nappes au moment souhaité avant de les congédier en douceur. Les réglages plus fins sont un peu moins intéressants :
À l’inverse, le mode Plate permet d’être très subtil et fonctionne très bien avec des réglages peu poussés. Les boutons agissent de la même façon qu’en mode Wet ou Hall, sauf l’Effect Adjust. Ce dernier modifie en effet le temps de délai du pré-delay (de 0 à 200 ms). Il permet d’obtenir des effets plus originaux et cela reste toujours maîtrisé et au service des mélodies.
En mode Spring, le bouton Tone atténue les fréquences hautes de la réverbe, alors que l’Effect Adjust fait de même pour les fréquences basses. Cette réverbe est difficile à maîtriser, et il n’est pas évident de doser l’effet. Elle m’a paru en-deçà de l’effet intégré au Twin Reverb. L’idée de proposer deux contrôles pour les fréquences hautes et basses est bonne, mais la Spring s’avère moins chaude que celle de l’ampli de Fender, et il est difficile d’obtenir l’effet twang sans qu’il soit trop agressif. Pour autant, les nombreuses configurations possibles autorisent des expérimentations non dénuées d’intérêt, et originales pour une réverbe de type Spring.
- 13 Mode Shimmer B 02:31
- 14 Mode Shimmer A 01:25
Les deux Shimmer sont très complémentaires. Elles sont toutes deux basées sur l’algorithme de la Seraphim de Neunaber. Cependant, avec le mode A le bouton Effect Adjust agit sur la tonalité de l’effet, alors qu’avec le mode B il modifie le spectre de fréquences. Le contrôle Depth agit toujours sur la longueur de la réverbe, et le potard Effect Adjust modifie le niveau de « scintillement » (shimmer).
Le fait de modifier les fréquences sur la version B apporte une identité différente au son. Par exemple, l’on peut créer des sortes de glitchs suraigus. En poussant le bouton Depth, on obtient une nappe continue. En le baissant, la nappe agira plutôt comme un chœur suivant le jeu de la guitare, ce qui met en valeur l’excellent tracking de la pédale de Neunaber. Les réglages plus en douceur apporteront une légère trainée à la guitare, ce qui peut faire son effet.
Le mode +Echo est l’un de nos préférés. Il mêle un delay et la réverbe du mode wet. Le Depth modifie non seulement la longueur de la réverbe, mais aussi celle des répétitions de l’écho. Le Tone n’est plus une tonalité, mais un contrôle du temps de délais (de 50 à 720 ms). Enfin, le bouton Effect Adjust gère le mix entre le delay et la réverbe.
Ce mode s’avère excellent aussi bien pour des solos tranchants que des accords planants, ou des rythmiques façon The Edge. C’est simple, tout fonctionne : les réglages subtils, les réglages extrêmes, le delay court ou long, la réverbe prononcée ou non, etc.
Enfin, le mode +Detune ajoute un effet désaccordé façon chorus à la réverbe du mode Wet. Le bouton Depth modifie la longueur de la réverbération, le Tone la tonalité de la réverbe et du chorus, et l’Effect Adjust change le niveau de la réverbe. Ce mode offre certainement l’effet le plus charnu, le plus ample. On se laisse complètement emporter avec des réglages extrêmes. Les réglages plus subtils fonctionnent aussi très bien, sauf avec le bouton FX Level. En effet le chorus n’apparaît que dans le dernier quart de la course de ce potard. C’est un choix bizarre, car sans cet effet, le mode ressemble terriblement au mode Wet.
Piège en haute mer
L’Immerse n’excelle certes pas dans tous les domaines, on pensera notamment à la réverbe Spring un peu décevante, mais le son offert par certains modes est tout simplement à tomber ! De plus, Neunaber a su trouver un bon compromis entre effets subtils et effets très enveloppants. Une utilisation classique et mesurée en tant que réverbe Spring ou Plate est possible, mais l’on peut tout aussi bien obtenir de véritables nappes d’ambiance en poussant le bouton FX Level au maximum. Pour autant, le signal dry n’est jamais complètement noyé. C’est un très bon point qui permet de garder l’intelligibilité de l’instrument, mais ne vous attendez pas un effet façon synthétiseur pour guitare.
Mais notre pédale s’attaque à un marché déjà dominé par d’autres franches réussites, et, en premier lieu, le système Expanse du même fabricant ! Le tarif de l’Immerse est légèrement en dessous de celui d’une pédale Expanse (269 € contre 239 €), mais cette dernière vous offrira plus de possibilités, avec énormément d’effets différents, tout en proposant exactement les mêmes algorithmes de réverbe. Toutefois, il est possible de charger un seul effet à la fois dans une pédale Expanse. De plus, il faut utiliser le logiciel pour configurer avec précisions les effets, et acheter l’EXP Controller (120 €) si l’on souhaite naviguer entre ceux-ci. La note s’élève donc à 389 €, et l’on ne peut même pas cumuler les effets. Les deux approches sont donc très différentes, et même si l’Immerse embarque beaucoup moins d’effets, son côté standalone est très bien travaillé, et tout cela s’avère cohérent.
L’Immerse se rapproche finalement plus des solutions proposées par Strymon et Eventide, comme nous l’indiquions en introduction de ce test. Bien sûr, l’on pourrait citer beaucoup d’autres marques, mais ce serait alors des produits bien moins répandus. La Bigsky de Strymon, et la Space d’Eventide ne jouent clairement pas dans la même cour que l’Immerse, puisqu’elles coûtent plus du double de la pédale de Neunaber. Il reste donc la petite sœur de la Bigsky : la BlueSky. Même si l’écart de prix est moins important, il faut tout de même ajouter 100 euros au tarif de la Bluesky (339 €) par rapport à celui de l’Immerse. La pédale de Strymon est dotée de deux footswitchs permettant de « rappeler » une configuration favorite. La pédale de Neunaber, elle, ne propose aucun preset ou système de configuration originale. La marque souhaitait concevoir un produit simple, se différenciant de la gamme Expanse. Mais il est dommage que l’Immerse n’innove pas, et soit finalement une version se suffisant certes à elle-même, mais bien plus archaïque. Côté modes et sonorités, la BlueSky fonctionne à partir de trois types de réverbe (Plate, Room, et Spring) avec pour chacune trois modes ajoutant des effets de modulation, ou un effet shimmer. Un bouton dédié au pré-delay offre aussi la possibilité d’en ajouter, quelle que soit la configuration. L’Immerse fonctionne différemment, avec beaucoup plus de modes mais un peu moins de combinaisons possibles. Les deux pédales s’avèrent utiles chacune à leur manière, et les tarifs sont cohérents. Quant à la qualité du son, nous avons affaire à deux excellentes pédales, et il s’agira avant tout d’une question de goût.
En conclusion, l’Immerse de Neunaber est une excellente alternative aux réverbes numériques haut de gamme déjà présentes sur le marché. La qualité est au rendez-vous, et elle se démarque par un tarif plus abordable que ses consœurs précédemment citées, et une plus grande simplicité tout en préservant une grande polyvalence. Mais l’on ne peut s’empêcher de comparer l’Immerse au système Expanse. Ce retour en arrière pour toucher un public ne souhaitant pas connecter sa pédale à un ordinateur fait sens, mais Neunaber a assez de ressources pour proposer quelque chose de différent, à la fois plus simple et innovant ! Dommage, mais cela ne gâchera certainement pas le plaisir que l’on a à jouer avec cette très jolie réverbe.