À la surprise générale, Korg présente un petit clavier échantillonneur dédié. Voyons ce que l’on peut en tirer et pour quelle utilisation.
Le premier clavier échantillonneur tout-en-un remonte à presque 30 ans. Né sous le soleil de Californie en 1981, l’Emulator proposait 4 ou 8 voix, un clavier de 4 octaves et 128 Ko de Ram, de quoi stocker 4 secondes d’audio codés sur 8 bit / 28 kHz. « Il peut même jouer du dindon », disait alors la pub… et même 8 dindons, si on mettait 100.000 francs ! À cette époque, seuls les gros systèmes Fairlight régnaient et le Synclavier ne savait pas encore échantillonner. C’est le Mirage d’Ensoniq qui vint démocratiser le concept en 1984. S’ensuivit alors une véritable course à l’armement : mémoire, résolution, fréquence d’échantillonnage, polyphonie, section de synthèse, effets, séquenceur… E-mu, Ensoniq, Kurzweil, Akaï et Roland furent les grands architectes de cette époque. Korg participa également à l’aventure en 1986 avec le DSS-1. L’avènement de l’informatique, avec des banques gigantesques, réduisit alors le marché du clavier sampler dédié à néant… jusqu’à ce que tout récemment, à la surprise générale, Korg lance le MicroSampler, un clavier échantillonneur poids plume. Pour qui, pour quoi faire, comment ?
Drôle de packaging
Avec à peine 2 kg tout mouillé sur la balance, le MicroSampler n’a rien d’un tank. Le panneau avant est tout en plastique gris un peu toc, sur un fond plastique. Toutes les commandes sont enfoncées dans la coque. Certes, ça les protège pour le transport, mais leur accès est rendu difficile. C’est d’autant plus gênant pour les boutons « Tap Tempo » et « Sampling », que l’on aurait aimé pouvoir enfoncer avec plus de facilité ! Il y a en tout 6 encodeurs, qui évoquent les sélecteurs de programme de machine à laver, et 16 poussoirs. Le panneau avant est divisé en 4 sections principales : Keyboard (permettant la sélection et l’assignation des samples), Pattern Sequencer, Sampling et navigation. Cette dernière propose un LCD rétro éclairé, des touches de navigation et 2 encodeurs : l’un pour faire défiler les paramètres, l’autre pour les éditer. Le clavier est du type 37 minitouches sensibles à la vélocité : sans conteste, le MicroSampler est fait pour les gens adroits, que ce soit pour éditer ou pour jouer, même si les touches noires sont un peu plus longues qu’à l’habitude sur ce type de miniclavier… juste au-dessus du clavier, on trouve une rangée de 37 diodes insérées dans une barre métallique, indiquant le(s) sample(s) en cours de jeu ou d’édition. Au fait, il n’y a pas de joystick ou de molettes ! Par contre, il y a 2 fentes pour mettre un mobile, un jeu de cartes, des chewing-gums ou des biffetons, bon…
Côté branchements, Korg fournit un micro dynamique col de cygne qui se connecte en façade sur une prise XLR. Le reste de la connectique est situé à l’arrière : prise casque, 2 sorties audio stéréo jack, 2 entrées audio stéréo jack avec potard de gain et sélecteur de source, 2 prises Midi, une prise USB type B, une borne pour alimentation externe et un bouton marche / arrêt. La prise USB permet de relier le clavier à un ordinateur afin d’échanger des samples et des données Midi (voir encadré). Sous le capot, une trappe permet d’insérer 6 piles de type AA pour 4 heures d’autonomie (indicateur avec alerte de décharge à l’écran), idéal pour partir sampler à la plage ou dans la forêt vierge… La prise en main est plutôt aisée, la machine étant peu profonde, la plupart des commandes étant à portée de main. En appuyant sur le bouton « Edit » et sur une touche du clavier, on accède directement à la page d’édition sérigraphiée au-dessus de celui-ci. Seul grief d’ordre ergonomique, l’encodeur « Value » pour le réglage des paramètres n’est pas d’une précision absolue, ce qui fait regretter l’absence de boutons d’incrémentation / décrémentation.
Mémoires et sons
Le MicroSampler travaille en 16 bits stéréo / 48 kHz, comme toutes les machines Korg depuis le Trinity… Il dispose d’une mémoire permanente lui permettant de sauvegarder 8 banques de 36 samples utilisateur chacune, avec jusqu’à 160 secondes par banque (la moitié en stéréo). Une seule banque peut être utilisée à la fois et doit pour cela être chargée en mémoire interne, cette fois volatile. Nous ignorons si les données sont compressées, mais en linéaire, cela correspondrait à 116 Mo de mémoire Flash et 15 Mo de mémoire interne volatile. La polyphonie est de 14 voix, mais les Samples utilisant le Time Stretch consomment le double de voix.
Pour ne pas partir de zéro, le MicroSampler est livré avec une banque en Rom interne comprenant 36 samples et 16 patterns dont voici quelques extraits (Drums, Pitched, Looped). Pas très généreux et de petite qualité… En mode « Sample », on accède aux 36 samples répartis sur tout le clavier à leur hauteur d’origine, mis à part le do supérieur qui fait office de porte pour les sources connectées aux entrées audio. En mode « Keyboard », l’échantillon en cours est étendu sur les 37 touches, le second do à partir de la gauche correspondant à sa hauteur d’origine. On ne peut transposer au-delà de cette tessiture, même avec un clavier externe ! Si d’autres samples tournent en boucle lorsqu’on passe dans ce mode, ils continuent à jouer. En revanche, il faut relâcher les notes pour changer de sample.
- MicroSampler Rom Drums00:07
- MicroSampler Rom Pitched00:31
- MicroSampler Rom Loops00:21
Modes d’échantillonnage
Pour échantillonner sur le MicroSampler, il suffit de sélectionner une entrée (micro ou ligne), de régler le sélecteur, puis la sensibilité du gain d’entrée en contrôlant la LED témoin située en façade. En appuyant sur le do de droite, on entend la source. S’il s’agit d’une boucle rythmique, on peut en indiquer le tempo avec la touche [Tap] à la volée et/ou l’ajuster finement via l’éditeur en cas de nécessité. On règle ensuite le type de sample à l’aide du sélecteur dédié : Loop pour les rythmiques répétitives, One Shot pour poursuivre la lecture après relâchement de touche, Gate pour la lecture classique, Autonext pour assigner automatiquement des échantillons à des notes successives et Key Gate pour sampler sur une note donnée pendant un temps donné.
On choisit alors la touche sur laquelle le sample sera placé, la fréquence d’échantillonnage (6, 12, 24 ou 48 kHz), le type mono / stéréo, le mode de déclenchement de l’échantillonnage (via le bouton Sampling, une touche ou un seuil audio programmable), la durée de capture et l’utilisation ou non des effets. Notons qu’il n’est pas possible de déclencher l’échantillonnage via une pédale externe ou le Midi, ce qui limite l’utilisation live. On peut stopper l’échantillonnage en cours en appuyant sur « Exit ». Le MicroSampler peut également ré-échantillonner ses propres sorties avec autant de facilité, même pendant qu’une séquence tourne. En relecture, on peut maintenir / stopper les sons bouclés en maintenant le bouton « Loop Hold » à la volée, comme dans cet exemple.
Édition minimaliste
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L’édition des samples est plutôt minimaliste : bouclage, mise au tempo en modifiant ou nom la hauteur (Pitch Change / Time Stretch), inversion, modification du point de départ et de fin de lecture (en pourcentage, en absolu ou en nombre de mesures). On trouve aussi des paramètres de déclin, relâchement, accordage (par demi-ton et fin), volume, réponse du volume à la vélocité, panoramique et départ vers les effets (une simple affaire de marche / arrêt, sans dosage). Toutes ces commandes sont non destructives. Plus radicalement, on peut décider de normaliser l’échantillon, d’en changer le gain et de le tronquer entre les points de début et de fin de lecture réglés précédemment. Ces commandes s’appliquent, cette fois, définitivement.
Tout ceci est très classique et ne rivalise pas avec les samplers logiciels ou matériels plus costauds. En effet, il n’y a pas de détection automatique de points de bouclage, de combinaison de samples, de fade in / out, de découpage de boucles, de conversion de fréquence de lecture (sauf à resampler à la main, mais quelle perte de temps !), de conversion de résolution ou autres traitements exotiques. De même, les paramètres de synthèse type filtres, LFO, enveloppes complexes sont aux abonnés absents. Enfin, il est impossible de créer des banques de multisamples qui se chevauchent ou se déclenchent suivant la vélocité.
Petits patterns
Chaque banque peut comporter 16 patterns rythmiques totalisant 64.000 notes. Chaque pattern se compose de 1 à 99 mesures à concurrence de 16.000 notes. L’enregistrement se fait uniquement en temps réel et en Overdub (les nouvelles notes entrées sont ajoutées à chaque nouvelle boucle). Donc pas de pas-à-pas… On peut utiliser le maximum de résolution (96 bpqn) ou quantiser à l’entrée (de la croche à la triple croche, en passant par les triolets). Le MicroSampler permet de basculer en mode d’enregistrement alors qu’une séquence tourne déjà, pour saisir l’inspiration du moment, sympa ! En relecture, les samples de chaque note peuvent être coupés à la volée, idéal pour la scène, car on arrive vite au bout des 16 mémoires de patterns. Concernant l’édition, c’est le grand désert : on peut effacer toutes les notes correspondant à un sample dans un pattern, tout un pattern ou tous les patterns, point barre ! Inutile de le dire, la MicroSampler n’est pas fait pour la construction de séquences millimétrées.
Effets garantis
Depuis plus de 20 ans, les workstations Korg ont été des modèles du genre en termes d’effets intégrés. Sans rivaliser avec ses grands frères, le MicroSampler embarque une section d’effets de très bonne qualité, issus des séries Kaoss Pad. Bien sûr, on peut les utiliser pour l’échantillonnage ou le ré-échantillonnage. On dispose de 21 algorithmes variés et sophistiqués, avec synchronisation au tempo des éléments temporels. Un seul réglage d’effet est sauvegardé avec chaque banque. Au programme : compresseur stéréo, filtre multimode résonant avec LFO dédié, EQ paramétrique 4 bandes, distorsion, décimateur (réducteur de bit et de fréquence), réverbérations (différents modèles : hall / plate / room), délais (différents types : stéréo, LCR, panoramique, modulé par un LFO), écho à bande, chorus, flanger, vibrato, phaser, trémolo, modulation en anneau, Grain Shifter, Pitch Shifter, filtre à voyelles et générateur de boucles en temps réel. La majorité de ces effets sont stéréo en entrée et en sortie et proposent de nombreux paramètres d’édition (souvent 10 à 15). Idéale pour traiter les samples avant ou après la capture, cette section de bon niveau est un bel atout pour le MicroSampler. Ah si seulement ils avaient pu faire rentrer un vocodeur !
- MicroSampler Filter00:21
- MicroSampler Decimate00:13
- MicroSampler Reverb00:22
- MicroSampler Grain00:13
Conclusion
Le MicroSampler revisite un concept vieux de 30 ans, avec les technologies actuelles. Résultats : poids plume, autonomie, mémoire permanente, échantillonnage en temps réel, effets intégrés, petit séquenceur et connexion au monde informatique. Le miniclavier, l’édition somme toute superficielle, le micro intégré et l’autonomie le destinent principalement à des applications nomades ou préparées à l’avance en studio pour la scène, car dans un environnement purement studio, il ne fait pas le poids face aux logiciels. L’ergonomie aurait toutefois pu être meilleure, compte tenu de l’utilisation ciblée : commandes plus accessibles, déclenchement du sampling à distance, touches standard, plus de banques… En tout cas, voici une sympathique petite machine moins gadget qu’il n’y parait, qui n’attend qu’à être trimbalée partout.