C’est avec un plaisir non feint que notre regard se pose aujourd’hui sur le Torso S-4. Accompagné de l’appellation "sculpting sampler", cette petite boîte noire entend proposer une nouvelle approche de l’échantillonnage, associée à des capacités granulaires. Regardons ça de plus près !

Fondée en 2018, Torso Electronics est une jeune entreprise danoise basée à Copenhague, déjà remarquée pour son T-1, un séquenceur numérique original et créatif. Avec le S-4 Sculpting Sampler, elle s’attaque désormais au domaine des échantillonneurs intégrant des capacités granulaires, une catégorie d’instruments en plein essor ces dernières années. Et une fois de plus, Torso propose une solution originale qui se distingue dans un secteur très concurrentiel.
Concrètement, le S-4 est un sampler polyphonique à quatre pistes, doté d’un moteur granulaire, capable également de se comporter comme un magnétophone, ici aussi à quatre pistes, avec d’importantes capacités de traitement, telles qu’une banque de filtres avec résonateur à 48 bandes et des effets temporels. À cela s’ajoutent des modulations avancées, la possibilité d’utiliser le S-4 comme processeur d’effets, ainsi qu’en tant qu’interface audio.
À y regarder de plus près, le Torso S-4 apparaît comme un véritable mash-up de plusieurs instruments. D’un côté, ses fonctionnalités d’échantillonnage et de manipulation des samples en temps réel rappellent l’Elektron Octatrack, tandis que ses capacités de tape machine évoquent certains produits de Teenage Engineering. Toutefois, il est important de noter que le S-4 ne possède pas de séquenceur. Bien sûr, on imagine facilement le T-1 comme compagnon idéal, mais n’importe quel séquenceur, qu’il soit matériel ou logiciel, convient. Il peut également se révéler être un excellent partenaire pour un iPhone ou un iPad, offrant ainsi une solution compacte.
Grâce à son petit micro intégré, l’utilisation d’un micro dynamique n’est même pas indispensable.
Présentation du Torso S-4 : design et ergonomie sous la loupe
Le Torso S-4 est livré dans une petite boîte en carton au contenu minimaliste. En plus du S-4 lui-même, on y trouve uniquement l’alimentation externe et un adaptateur MIDI mini-jack 3,5 mm vers DIN 5 broches. Pas de guide papier, et encore moins de stickers ou autres goodies. C’est un peu chiche.
Une fois sorti de sa boîte, le S-4 se présente sous la forme d’un monolithe métallique noir, compact et léger, mesurant 242 mm x 156 mm x 39 mm pour un poids de 820 grammes.
Sur la gauche, en haut, se trouve un premier encodeur cranté et cliquable, servant à l’allumage du S-4, à la navigation et à la sélection. Juste à sa droite, on trouve le petit micro intégré. En dessous, deux boutons : Project et Config, dont les fonctions sont explicites. Vient ensuite un bel écran LCD couleur de 3,5 pouces (environ 8,89 cm de diagonale). Son emplacement peut sembler étrange, et l’on pourrait craindre que les mains le cachent lors des manipulations. À l’usage, cela ne s’est pas révélé trop gênant, surtout que les commandes situées au-dessus ne sont pas les plus utilisées lors de l’édition sonore. Un positionnement plus haut aurait sans doute été plus judicieux, mais, en tenant compte de la disposition des entrées/sorties audio, il semble évident que ce choix résulte de la finesse de l’appareil et des contraintes liées à la connectique.
Sous l’écran, cinq boutons sont présents : Mod, suivi de quatre boutons Action, représentés chacun par une forme géométrique. Ils servent principalement de sélection contextuelle en fonction de ce qui est affiché à l’écran.
Sur la droite, en haut, se trouvent huit encodeurs sans fin cliquables, multifonctions et non sérigraphiés. En dessous, cinq boutons permettent de sélectionner les modules Material, Granular, Filter, Color et Space. Enfin, neuf boutons Performance complètent l’interface : Play/Stop, Track, Scene, Mix, Copy, Clear, Ctrl, Temp et Perform.
On reviendra bien sûr plus en détail sur ces commandes par la suite.
Le S-4 offre une présentation flatteuse et semble bien fini, à l’exception des encodeurs, dont la fixation ne semble pas optimale et qui sont fabriqués à partir d’un plastique un peu cheap (heureusement, ils sont efficaces et agréables à manipuler). La surface est très sensible aux traces de doigts.
Prise en main du Torso S-4 : une interface intuitive, mais incomplète ?
Après un démarrage rapide (environ 4 secondes), le S-4 se révèle très facile à prendre en main. Tout est fluide, et la plupart des paramètres sont facilement accessibles. Il y a très peu de menus, et les pages d’édition ne dépassent jamais deux niveaux. Le processeur utilisé est un quad-core de 1,5 GHz, et il semble suffisamment puissant pour faire tourner l’ensemble sans accroc.
L’édition se fait en choisissant un module, puis en éditant avec les boutons Actions et les encodeurs multifonctions, qui bénéficient d’un effet d’accélération. En cliquant sur l’encodeur de certains paramètres, on accède à une liste déroulante proposant des options supplémentaires. L’écran affiche de très jolies animations, qui se révèlent, en plus d’être esthétiques, particulièrement utiles. En partant d’un simple sample, on se retrouve très vite à performer en temps réel et à créer des paysages sonores évolutifs.
Dès les premières utilisations, le S-4 apparaît comme un outil idéal pour la musique ambient et l’illustration sonore, mais nous verrons plus loin que ses possibilités vont bien au-delà.
L’instrument est livré avec toute une série de boucles, de samples et de bruitages d’excellente qualité. Toutefois, en tant que sampleur, son véritable potentiel s’exprime lorsqu’on l’alimente avec ses propres enregistrements, que ce soit via le petit micro intégré, de qualité moyenne, ou en branchant un micro dynamique ou un synthétiseur, par exemple. Le stockage est de 4 Go en mémoire flash, permettant six minutes d’enregistrement par piste en 24 bits / 48 kHz. Le niveau de sortie est bon et les convertisseurs font le job, mais pourraient être de meilleure qualité.
Il est également possible de connecter le S-4 à une autre interface audio pour augmenter, par exemple, le nombre d’entrées/sorties. Le S-4 est class compliant, mais il est conseillé de vérifier les interfaces réellement compatibles.

- 01 – S-4 – Loop 0102:31
- 02 – S-4 – Loop 0202:31
- 03 – S-4 – Loop 0303:20
- 04 – S-4 – Loop 0402:52
- 06 – S-4 – Loop 0602:20
- 07 – S-4 – Loop 0705:40
- 08 – S-4 – Loop 0802:21
- 09 – S-4 – Anx_Guitar101:44
- 10 – S-4 – Anx_Guitar203:01
- 11 – S-4 – Anx_Guitar301:22
- 12 – S-4 – Piano01:10
- 13 – S-4 – Dream 1 par Modgeist01:55
- 14 – S-4 – Dream 2 par Modgeist05:02
- 15 – S-4 – Dream 3 par Modgeist04:33
- 16 – S-4 – Dream 4 par Modgeist03:55
Un grand merci à Modgeist pour ses participations de grande qualité. Tous les extraits audio sont bruts, sans effets ajoutés.
Il est possible d’enregistrer très simplement les mouvements des potentiomètres, ce qui permet la création de pièces complexes et changeantes, où, par exemple, chaque piste vient se superposer et se compléter dynamiquement.
Tout cela se fait facilement et encourage la créativité, mais certaines frustrations surgissent rapidement. D’abord, bien que l’instrument soit globalement stable, il n’est pas exempt de bugs. Pendant le test, quelques rares reboots sont survenus. De plus, certaines fonctionnalités ne sont pas encore implémentées, certaines d’entre elles avec des boutons d’accès directs. Par exemple, les boutons Copy, Scène, Perform et Temp sont actuellement inactifs. Lorsqu’on appuie sur l’un d’eux, un simple message « coming soon » s’affiche à l’écran.
Entendons-nous bien, en l’état, l’instrument est tout à fait fonctionnel, utile et peut parfaitement s’intégrer dans une production. Cependant, la présence de ces boutons inactifs génère une certaine frustration et donne l’impression d’un instrument inachevé. Selon les informations disponibles, le firmware v2 devrait ajouter ces fonctionnalités manquantes. Cela nous amène à un autre point frustrant : le manque de communication de la part de Torso. En attendant, le Torso S-4 est tout à fait utilisable, mais il incarne un exemple d’une pratique de plus en plus courante : le Minimum Viable Product.
Modules de traitement du Torso S-4 : un moteur granulaire puissant et modulable
Tape fonctionne comme un magnétophone et un looper. Ce mode permet de configurer les points de début et de fin de l’échantillon, ainsi que la vitesse et la direction de lecture, qui peut être synchronisée à un tempo interne ou externe. Il offre également la possibilité d’associer la vitesse de lecture à la hauteur selon une échelle prédéfinie (chromatic, major, minor, dorian, lydian, mixolydian…). Une fonction Sound on Sound est présente, elle permet de mixer le signal en cours avec celui de la mémoire tampon. Autre fonctionnalité intéressante : il est possible de geler la tête de lecture à un point précis de l’échantillon.
Poly se comporte comme un sampleur polyphonique classique à 8 voix, contrôlable via un clavier externe ou un séquenceur. Il permet, en plus de définir les points de début et de fin de l’échantillon, d’appliquer une enveloppe incluant les paramètres Attack, Decay, Sustain et Curve. L’enveloppe peut réagir à la vélocité, et bien que les sections Amp et Filter partagent des réglages communs (avec un envoi bipolaire pour le filtre), une solution ingénieuse permet de contourner cette contrainte : le paramètre Filter Shape, qui décale l’enveloppe du filtre en fonction de formes prédéfinies. C’est redoutablement efficace et bien pensé.
Bypass est le troisième mode. Il désactive Material, ce qui est utile lorsque le S-4 est utilisé comme processeur d’effets.
Pour rappel, la synthèse granulaire consiste à prendre une matière sonore – ici un sample – et à la découper en petits segments appelés grains. Chaque grain peut ensuite être traité et lu de différentes manières.
Sur le Torso S-4, on retrouve bien entendu les classiques de cette synthèse : taille et nombre de grains (jusqu’à 128), pitch, detune, etc. Il est également possible de randomiser ces paramètres, et la forme des grains peut être modifiée, par exemple, pour obtenir des attaques plus douces.
D’autres paramètres viennent s’ajouter : Spray répartit les grains dans l’espace stéréo, tandis que Pattern module leur hauteur selon des modèles prédéfinis. Enfin, un paramètre Wet permet d’ajuster l’intensité globale du traitement.
Tout cela se fait en temps réel et très facilement. C’est avec un réel plaisir qu’on parvient à concevoir des timbres granulaires classiques ou des sonorités bien plus barrées.
Rien qu’avec ces deux premiers modules de traitement, le S-4 permet beaucoup de choses, et ce, de manière créative et avec une étonnante facilité.
En plus des paramètres classiques tels que Cutoff et résonance, le paramètre Decay permet d’agir sur la longueur de résonance de chaque bande. L’une des particularités intéressantes est la possibilité de moduler la forme du filtrage avec des formes d’ondes et du bruit, de manière aléatoire ou non, et de synchroniser cette modulation à un tempo.
Un paramètre Wet permet, ici encore, de contrôler l’intensité du traitement, et le module peut être placé avant ou après les effets spectraux.
Il s’agit d’un module très puissant et étonnant, qui permet de pousser le filtrage bien plus loin. Comme pour les autres modules, l’écran affiche en temps réel l’action des paramètres, c’est à la fois joli et efficace.
Vient ensuite Color. Il s’agit d’un module de distorsion à deux bandes, associé à un compresseur, un bit crushing et un générateur de bruit. La distorsion offre une couleur agréable, et le compresseur est efficace malgré sa simplicité. Quant au bruit, sa longueur et sa couleur sont configurables. C’est un module simple qui aurait mérité un peu plus de paramètres, mais il fait bien le job, et les sweet spots sont bien choisis.
Pour finir, le Device Space combine un délai et une réverbération. Comme pour Color, le nombre de paramètres est limité, mais les réglages sont bien pensés. Rien de particulier à signaler sur le délai, si ce n’est qu’il peut se synchroniser au tempo, et que le paramètre Spread répartit les répétitions dans l’espace stéréo. La réverbération est agréable, avec une belle ampleur. En plus de son intensité, seuls la taille, la longueur et le damping sont configurables.
L’ensemble du module Space peut être gelé, ce qui permet des effets sympas.
Modulations du Torso S-4 : des possibilités créatives poussées
L’utilisation est très simple : après avoir appuyé sur le bouton Mod et sélectionné une piste, il suffit de choisir l’un des modulateurs à l’aide des boutons Action, situés sous l’écran. Ensuite, il suffit d’interagir avec n’importe quel paramètre pour l’affecter à la modulation et en ajuster l’intensité.
Le modulateur Wave (LFO), au lieu de proposer des formes d’ondes classiques, permet de créer des formes simples ou très complexes en jouant sur les paramètres Skew, Fold, Curve et Offset. Le paramètre Spread permet quant à lui d’élargir la modulation dans l’espace stéréo, une fonction originale. Bien entendu, la modulation peut être synchronisée au tempo.
Random, comme son nom l’indique, génère une modulation aléatoire. Il peut être configuré pour produire une forme aléatoire continue ou un cycle aléatoire dont la longueur est ajustable. En plus d’un réglage d’intensité, il est possible d’adoucir les transitions et, ici aussi, de synchroniser la modulation au tempo.
L’enveloppe ADSR dispose de contrôles permettant d’agir sur les courbes des segments d’attaque, de decay et de release. En plus du paramètre Spread, il est possible de la déclencher manuellement via un bouton Trig. Particulièrement utile lors des performances.
FAQ
1. Le Torso S-4 est-il un bon choix pour les performances live ?
Oui, grâce à sa facilité d’utilisation et à ses fonctionnalités de sampleur polyphonique et magnétophone, il se prête bien aux performances en direct.
2. Peut-on utiliser le Torso S-4 comme un séquenceur autonome ?
Non, le S-4 ne possède pas de séquenceur intégré. Il nécessite un séquenceur externe comme le T-1 ou un DAW.
3. Quelles sont les limitations du Torso S-4 ?
Certaines fonctionnalités sont encore absentes (boutons inactifs), et quelques bugs subsistent. De plus, l’absence de connexions audio TRS peut être un frein.
4. Le moteur granulaire du Torso S-4 est-il efficace ?
Oui, il est puissant et intuitif, permettant de manipuler les sons en temps réel avec de nombreuses possibilités créatives.
5. Peut-on l’utiliser comme une interface audio ?
Oui, il fait également office d’interface audio USB avec communication MIDI et audio.
Caractéristiques techniques du Torso S-4
- Type : Sampleur granulaire et magnétophone 4 pistes
- Polyphonie : 8 voix par piste
- Effets intégrés : filtres résonants, distorsion, bit crushing, délai, réverbération
- Entrées/sorties audio : 2 entrées et 2 sorties en jack 6,35 mm TR (pas TRS)
- Connectivité : USB-C (interface audio/MIDI), MIDI IN/OUT, synchronisation mini-jack
- Stockage : 4 Go de mémoire flash (environ 6 minutes d’enregistrement par piste)
- Dimensions : 242 mm x 156 mm x 39 mm
- Poids : 820 g
- Écran : LCD couleur 3,5 pouces
- Alimentation : 12V PSU (pas de batterie intégrée)
- Compatibilité : Class compliant, fonctionne avec ordinateurs, iPhone/iPad
Fiche technique complète disponible sur Audiofanzine