Déjà responsable de l’émulation de plusieurs instruments à vent, l’éditeur SampleModeling agrandit sa famille de saxophones virtuels avec Ms. Sax S., en l’accompagnant d’une nouvelle plate-forme logicielle, SWAM.
Lors de sa sortie début 2008, le premier produit de l’éditeur SampleModeling avait fait grand bruit (test ici) : The Trumpet proposait une solution de trompette (et bugle) virtuelle, mêlant habilement échantillons, scripts et technologies propriétaires, telles l’Harmonic Alignment (déjà à l’œuvre derrière le Stradivari Solo et le Gofriller Solo de Garritan), une interpolation dynamique 32 bits, une modélisation baptisée Adaptive Model et des principes de convolution avec résonances modales, le tout dans un environnement pour Kontakt et Kontakt Player. Ce premier instrument a été suivi fin 2008 de Mr. Sax T., un ténor virtuel, puis de The Sax Brothers (Mr. Sax A. et Mr. Sax B.) mi 2009. Le dernier en date, toujours pour la plateforme Kontakt est The Trombone, sorti en 2010. Tous proposent une version virtuelle plus que crédible, ergonomique, et dépassant les limites habituelles rencontrées lors du jeu au clavier. Bien entendu, tous gagnent en vérité avec l’utilisation d’un contrôleur à souffle (de type BC3 de Yamaha), et encore mieux avec un des contrôleurs à vent comme les EWI d’Akai ou WX de Yamaha.
L’équipe derrière le premier instrument était constituée de Giorgio Tommasini et Peter Siedlaczek, cofondateurs de SampleModeling et entre autres de Nils Liberg pour la majorité des scripts utilisés. Rapidement, pour les saxophones et suivants, Stefano Lucato, déjà présent sur les instruments Garritan, a rejoint les éditeurs. Et c’est lui, accompagné de Emanuele Parravicini et Luigi Felici (derrière NuSofting), qui est à l’origine du SWAM Engine, SWAM pour Synchronous Wave Acoustic Modeling. Le site des développeurs nous en dit (un peu) plus : « La technologie SWAM, propriétaire et brevetée, utilisant des techniques de traitement sophistiquées, vous permet de faire évoluer/changer le son, de l’interpoler en continu selon et entre différents « vecteurs », tels que la durée, la dynamique, la hauteur, les formants, les subharmoniques, les harmoniques, etc., donnant ainsi à l’utilisateur la possibilité de jouer, grâce à son contrôle, du plus vaste ensemble d’articulations possible et jamais atteint auparavant, et surtout en temps réel. »
Cette technologie s’appuie toujours sur la base commune de tous les instruments, l’échantillon.
Introducing SampleModeling SWAM Ms. Sax S.
Disponible chez l’éditeur via téléchargement au tarif de 142 euros TTC (une option payante sur CD de sauvegarde est possible), Ms. Sax S. ne pèse qu’un petit 270 Mo, la technologie hybride permettant de se dispenser d’un trop grand nombre d’échantillons, à l’opposé des banques gigantesques telles que la concurrence, ne reposant que sur le sampling, nous en propose régulièrement.
Compatible Mac et PC, le logiciel n’est disponible que sous forme de plug-ins, VST2.4 et AU, 32 bits et 64 bits. Pas de RTAS, donc, ni de version autonome, première différence avec les instruments précédents basés sur Kontakt. L’installation ne pose aucun problème, et lors du lancement de l’hôte, une fenêtre d’autorisation (en ligne) apparaît, ne demandant que le numéro de licence, et la validation par un seul clic. Le manuel (15 pages en anglais) est installé dans Partagé>Samplemodeling> Ms Sax S.
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L’éditeur insiste sur la nécessité de disposer de contrôleurs Midi adéquats, puisque l’accent est mis sur la jouabilité en temps réel. Ainsi un bon clavier de commande avec un nombre suffisant de contrôleurs continus est indispensable, ainsi qu’une pédale d’expression (CC11), ou un contrôleur à souffle (CC2). Une autre solution très performante est l’emploi des EWI ou WX déjà mentionnés, voir les nombreuses vidéos sur ToiTuyau pour les plus curieux (qualité artistique, très, très variable…).
Contrôles à foison
Après autorisation, le plug demande à l’ouverture de bouger le contrôleur d’expression, indispensable au bon fonctionnement du logiciel. L’interface est claire et dans la norme de ce que font habituellement les éditeurs : pas de graphisme ou dénomination abstraits. Au-dessus du clavier virtuel, on dénombre trois boutons permettant de basculer sur les différentes fenêtres de l’éditeur, Options Page, Help & Credits, ainsi que de remettre le plug dans son état d’usine, Reset. Help & Credits, en dehors de renseignements complets sur l’équipe de conception, offre surtout un guide intégré quant au fonctionnement de l’instrument, notamment par une explication claire de toutes les fonctions et éventuellement leur pré-assignation à un contrôleur Midi.
Options Page nous amène à tout un ensemble d’accès aux fonctions via contrôleurs continus Midi (tous plus Aftertouch), librement paramétrables par l’utilisateur. On peut ainsi, si l’on dispose de surfaces ou de contrôleurs Midi complets, piloter la quasi-totalité des composantes du son du soprano virtuel, notamment les vibrato, portamento, growl, flutter, bruits de souffle et de clés, etc., sans presque jamais avoir recours à un KeySwitch, ce qui change des précédents instruments pour Kontakt. Les deux seules articulations pouvant être appelées par KeySwitch sont OverBlow et FallDown, ainsi que via Midi CC.
L’autre partie de la fenêtre donne accès aux finesses de réglages elles-mêmes : temps de passage de l’attaque au sustain (la première pilotée par la vélocité, le second par le paramètre expression), les plages d’action du portamento, la vitesse et l’irrégularité du vibrato, les courbes de réponse, etc.
On dispose ainsi d’une véritable maîtrise du logiciel par le clavier ou le contrôleur à vent, directement. Bravo.
Anatomie d’une miss
Au centre, l’écran affichera en temps réel à la fois l’articulation jouée et reconnue, staccato, legato, legato portamento, legato chromatic, bend up, semi legato, legato harmonic, overblow, etc. (le plug est très rarement pris en défaut, c’est assez étonnant), et l’enveloppe dynamique, laquelle montre clairement la partie attaque du son et le sustain (le tout dépendant, comme déjà évoqué, de la vélocité et de l’expression). D’autre part, on retrouve l’équivalent des indicateurs des versions Kontakt, affichant les valeurs de Pitch Bend (bipolaires, bien sûr), de la vélocité, de l’expression, du vibrato et des variations de hauteur.
L’interface principale est divisée en trois parties, clavier virtuel, ensemble de paramètres incluant un écran de visualisation et dans la partie supérieure les réglages plus généraux. Ainsi, dans cette dernière partie, on trouve l’accord général en Hz et l’accord fin en Cents, le menu de chargement des présets, le temps et le mix de la réverbe incluse, qui aurait été utile si l’on disposait d’une version standalone. On utilisera de préférence un bonne réverbe externe, ce qui de plus libèrera de la CPU, l’instrument lui-même, vu les principes mis en œuvre, étant assez gourmand. On finit avec un réglage de transposition (le sax soprano étant un instrument transpositeur, on peut s’habituer à jouer dans sa tonalité, si bémol, une seconde en dessous, ça peut donner des idées…), deux de pitch bend (réglages séparés pour bend vers le bas et vers le haut, merci), un Pan (pourquoi faire ?) et le Master Volume. La tessiture est très étendue, trois octaves et une tierce mineure, de sol bémol à la, soit un peu plus que ce qui est communément admis ; les notes les plus hautes peuvent être atteintes via faux doigtés, pour le bas, je ne sais pas…
Sous cet écran, les réglages qui permettent d’intervenir réellement sur l’instrument et ses caractéristiques physiques et sonores. D’abord, Instr. permet de choisir, selon l’éditeur, entre cinq prises de son différentes.
Voici un exemple des sonorités.
On continue avec deux réglages de variations, l’un aléatoire sur la dynamique (ne perdons pas de vue que tout cela est gérable via Midi CC), l’autre en fonction de la dynamique sur la hauteur, ce qui est plutôt bien vu, le soprano n’étant pas réputé pour sa justesse, même si d’énormes progrès ont été effectués en la matière depuis plusieurs années. Disons que cela aidera à jouer dans le style Bechet plutôt que celui de Dave Liebman.
En dessous, trois boutons permettent de paramétrer la réponse de l’attaque (Hard, soft ou via Expression), et sont accompagnés d’un Release et d’un Compressor, appliquant une compression audio de façon préimplémentée (pas de réglages indépendants de seuil, d’attaque, de ratio, etc.). Les derniers paramètres concernent plus directement le son de l’instrument.
Ainsi Harm. Struct. fera varier le type d’harmoniques mises en avant, soit paires (plus cuivrées), soit impaires (on se dirige vers la clarinette).
On dispose ensuite des boutons (commandés par note Midi) FallDown et OverBlow. Le comportement de FallDown change suivant le dosage d’Expression, de façon assez naturelle. Quant à OverBlow, ce n’est déjà pas le plus beau son du soprano réel, ce qui est confirmé dans sa version virtuelle…
On dispose aussi de réglages de Growl, Flutter et de subharmonique, qui renforce le son propre du tuyau de métal, à employer avec parcimonie en contexte instrumental complet. Ce dernier paramètre ainsi que ceux concernant les harmoniques varient selon les attaques et changements de dynamique grâce au réglage Dyn. Harm.
Viennent aussi des réglages de formant et de résonance modale modifiant encore le son du sax. Et les indispensables bruits de souffle, de clés qui rendent plus « vivant » le son, sachant que leur dosage doit être correctement ajusté, puisqu’on les entendra beaucoup dans les passages legato et/ou chromatiques. Si l’on joue deux notes à des intervalles plus ou moins grands en maintenant la première touche enfoncée, le premier effet entendu sera un legato. Si l’on appuie lentement sur la deuxième note, l’effet sera alors celui d’un portamento, plus ou moins rapide, le plus lent déroulant les notes chromatiquement. La durée du portamento pourra être déclenchée via la vélocité, le contrôleur Midi, de façon normale ou inversée. C’est là que le bruit de clés devra être correctement dosé.
Sachant que tout cela peut se faire de manière dynamique, en temps réel ou par automation, on dispose de nombreuses options pour atteindre un certain réalisme.
Bilan
Les précédents produits de l’éditeur, ceux que je connais tout du moins, c’est-à-dire Mr T. et The Trumpet, ne montraient que très peu de défauts, la plupart plutôt dus aux limites de Kontakt. Le développement d’une plateforme maison semblait donc approprié, et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est parfaitement réussi : fonctionnalités, ergonomie, son, stabilité, rien à redire. Il est suffisamment rare dans le domaine logiciel qu’un premier jet soit à ce point abouti, il faut donc le souligner.
Indéniablement, l’approche hybride retenue est à la fois plus réaliste et plus transparente pour l’utilisateur (pas la peine de charger X articulations, tout est sous les doigts immédiatement). Bravo SampleModeling et SWAM, et l’on espère rapidement de nouveaux produits sous cette plateforme, avec l’espoir de peut-être enfin disposer sous les doigts d’un big band ou d’un orchestre virtuel à l’immédiateté et au son exceptionnels.