Quatorze ans que Studio One existe et qu’à force de bonnes idées et d’innovations, il a creusé doucement mais sûrement son trou dans le petit marché des STAN…. Reste qu’avec cette septième version, il semble bien que Presonus ait envie de passer à la vitesse supérieure, histoire que le trou devienne cratère, et que la concurrence ait du fil à retordre…
Avant d’évoquer les nouveautés de cette nouvelle mouture, on soulignera le changement radical de stratégie commerciale annoncé récemment par Presonus : plus question d’avoir différentes versions de Studio One s’étalant de 100 à 400 euros, la gamme se simplifie à l’extrême. Exit donc les versions Prime et Artist ; ne demeure désormais qu’une seule et unique version nommée Studio One Pro, disponible au prix de… 200 euros ! Face aux 555 euros d’un Cubase et aux 230 euros de Logic, disons que l’argument pèse lourd, sachant que seul le trublion Reaper peut se targuer d’être moins cher…. La nouveauté n’est toutefois pas qu’une question de tarif car au lieu de proposer une nouvelle version tous les deux ans, l’éditeur affirme désormais vouloir proposer trois à quatre mises à jour par an, dans une logique évoquant le développement agile… Or, il est à préciser que l’achat d’une version complète du logiciel (qu’il est toujours possible de louer via l’abonnement « Studio One Pro + ») vous donne accès à un an de mises à jour… Passé ce délai, il vous en coûtera 150 euros pour accéder un an de plus aux nouveautés…
Il est évidemment difficile de juger de la pertinence du système sans avoir une idée du contenu des mises à jour à venir. On notera aussi que ceux que reconduire chaque année l’accès aux mises à jour coûtera plus cher que l’ancien système, mais gageons que le prix de 200 euros demeure toutefois une excellente chose pour les primo-accédants et que cela pourrait bien tirer les prix de la concurrence vers le bas comme permettre à Studio One de gagner des parts de marché : c’est bien en ce sens qu’on peut se poser la question du « game changer »… Et il devrait d’autant plus en gagner que cette septième version propose quantité de nouveautés attractives…
Stairway to Seven
Le premier changement qui nous apparaît à l’installation de cette nouvelle version tient dans l’icône bleu vif… Un double-clic et l’on se retrouve toutefois en terrain connu, le design global de l’interface utilisateur n’ayant pas grandement changé… à ceci près que quelques nouvelles icônes ou commandes apparaissent ça ou là.
La plus grosse nouveauté de cette septième se présente d’ailleurs sous la forme d’une nouvelle icône disponible dans la barre d’outils : le Launcher. De quoi s’agit-il ? D’une matrice à la Ableton Live qui, comme dans Tracktion Waveform ou Logic vient se poser en regard des pistes pour permettre de composer intuitivement avec des boucles audio/MIDI et des scènes déclenchables en temps réel. Bien évidemment, comme pour Logic, on est loin de disposer d’un outil aussi sophistiqué que dans Live, mais ça n’en reste pas moins un très bon ajout qui rend Studio One plus ouvert aux différentes façons de faire de la musique, sachant que vous pouvez directement enregistrer dans les cellules, les éditer, enregistrer en temps réel dans la Timeline une performance réalisée dans le Launcher, passer de l’un à l’autre en toute transparence et que les contrôleurs ATOM, ATOM SQ et l’appli Studio One Remote peuvent être utilisés pour contrôler tout cela (tout comme les Launchpad de Novation aussi d’ailleurs)…
Accompagnant cette fonction, on notera une façon plus détaillée d’afficher les sons dans le navigateur de fichiers, ainsi que l’intégration de Splice, au catalogue duquel vous pouvez accéder directement dans Studio One…
La navigation se fait alors selon différents critères, avec le tempo et la clé qui vont bien pour votre projet ainsi qu’une préécoute. Une fois votre bonheur trouvé, un simple drag&drop suffit à récupérer le fichier : c’est très bien intégré et pensé… pour peu que vous disposiez d’un abonnement à Splice, évidemment…
Boucles d’or
Mais les boucles, dans la plus pure tradition hip hop, on peut aussi se les bricoler à partir d’enregistrements préexistants. Et dans ce contexte, on accueillera avec joie la nouvelle possibilité de pouvoir démixer un contenu audio en STEM… La fonctionnalité n’est pas grandement une surprise dans la mesure où on l’a vue fleurir chez plusieurs concurrents ces derniers temps (Logic, FL Studio) mais elle n’en est pas moins la bienvenue d’autant qu’elle est très bien intégrée.
Un clic droit sur un fichier audio vous affiche la commande « Séparer les stems » qui vous permettra de séparer le contenu en quatre couches : voix, basse, batterie et le reste… Et sans surprise, cela marche aussi bien que chez les autres dans la mesure où tous recourent aux mêmes algos Open Source… On est évidemment loin en tout cas des possibilités offertes en la matière par un Spectralayers dont c’est la spécialité, mais rien ne vous empêche d’utiliser ce dernier comme Melodyne via ARA pour démixer toujours plus loin… C’est en tout cas un très bon ajout qui permettra de récupérer des boucles comme des acapellas : les fans de hip hop apprécieront…
Tant qu’à parler boucles, on notera d’ailleurs la nouvelle possibilité de définir un clip audio ou MIDI comme « boucle », ce qui se fera par un simple clic droit sur l’élément ou en tirant directement depuis le bord inférieur droit du clip, dans quelque chose d’assez similaire à ce qu’avait inventé Acid en son temps. Voici une très bonne chose qui permet de gagner du temps pour bâtir très vite des drafts et qui manquait vraiment à Studio One…
Et puisqu’on parle de ce qui manquait, allons faire un tour du côté des « stock plug-ins » qui, sur le plan des instruments, ont toujours été la faiblesse de Studio One…
En terre Synth
Côté effets et instruments, il n’y a en hélas pas grand chose à mentionner si ce n’est l’arrivée d’un plug-in CV Instrument qui permettra à Studio One de dialoguer avec les synthétiseur parlant CV/Gate, et l’intégration de Deep Flight One et Lead Architect, deux romplers dédiés aux sons synthétiques que Presonus avait sortis auparavant. Le premier propose des drones, des nappes, des paysages sonore, tandis que le second se concentre plus sur les sons leads/monophoniques… Tous deux partagent la même interface un brin amateur dans ce qu’elle pose de gros problèmes de lisibilité dans le cas de Deep Flight One (les choix de couleurs très discutables se marient mal avec l’illustration de fond de l’interface)… Les sons proposés par ces deux petits nouveaux n’en sont pas moins dignes d’intérêt, même s’il occulteront difficilement la pauvreté de Studio One du côté des instruments virtuels : toujours pas de synthé à table d’ondes, toujours pas de synthé granulaire, toujours pas de synthé FM, ou de synthé à modélisation physique, tandis que Presence demeure encore l’unique solution proposée pour tous les instruments acoustiques et électro-acoustiques, et que si certaines banques sont correctes, bien d’autres sont très en deça de ce qu’on trouve sur le marché… ou dans les bundles des STAN concurrentes. On est loin de la richesse d’un Logic sur ce point…
Notons-le toutefois : Tout comme le Batch Converter, Presence est enfin livré avec son éditeur, autrefois vendu, de sorte qu’on peut espérer que la communauté s’en saisisse pour proposer des banques intéressantes…
Tant qu’on est à parler plug-ins, notons que Studio One supporte désormais le format CLAP dont on adorerait qu’il supplante les formats un peu trop propriétaires que sont VST et AU, mais qui demeure pour l’heure à ses débuts…
Mais aussi… et encore…
Et c’est tout ? Que nenni car des dizaines de petites choses sont apparues ou ont évoluée. Je ne les citerai pas toutes ici pour me concentrer sur les plus notables, à commancer par la fonction « Global Transpose », une chose que personnellement j’attendais avec impatience car elle permet de changer en un clic la tonalité d’un morceau dans son entier sans avoir à faire des transpositions piste par piste. Que de temps de gagné lorsqu’il s’agit, par exemple, de s’adapter à la tessiture d’un chanteur ou d’une chanteuse…
La détection du tempo d’un morceau a elle aussi grandement progressé puisque Studio One est désormais capables de repérer les fluctuations de ce dernier : un petit bonheur pour ajouter des séquences MIDI sur un enregistrement audio au tempo un peu mouvant…
Il se passe aussi des choses plutôt intéressantes du côté de l’éditeur de notes où une nouvelle icône permet d’ouvrir le « Panneau de gamme ». Dans ce dernier, on pourra sélectionner une gamme pour qu’elle s’affiche à même le piano roll, sachant qu’on peut choisir de colorer les notes en fonction de leur appartenance ou non à la gamme… C’est plutôt bien vu…
Toujours dans l’éditeur, mais côté rythme cette fois, on notera qu’il est désormais possible d’afficher en regard de la séquence MIDI une version miniature de l’éditeur de pad d’Impact, ce qui évite bien des allers-retours inutiles entre la séquence et l’instrument à l’heure de programmer un pattern…
Je pourrais encore mentionner la possibilité de détacher la fenêtre du navigateur qui permettra de mettre celui-ci en plein écran pour ceux qui ont deux moniteurs, ou encore la compatibilité avec Ableton Link. Bref, 1001 petites choses ont évolué on point que je vous invite à consulter le changelog du logiciel dans le détail… Il ne fait aucun doute, toutefois, que cette septième version ne déçoit pas, et elle déçoit d’autant moins que son prix a été divisé par deux et que si Studio One n’a pas encore un bundle d’instruments aussi abouti que ses compétiteurs, il a bien des arguments à faire valoir sur la concurrence : il est notamment dispo sur Mac ET PC (un critère important pour ceux qui ne veulent pas être mariés avec une plateforme), et dispose surtout d’un écosystème hard/soft qui fait défaut à la plupart. Des interfaces audio au contrôleurs ATOM en passant par les surfaces de contrôle Faderport, Presonus propose des solutions qui n’ont pas d’équivalent si ce n’est chez AVID à des prix autrement plus élevés…
Bref, Studio One se porte mieux que jamais : on en est ravi et on a hâte de voir la suite…