Entre dinde et marrons, Steinberg glisse sous le sapin la traditionnelle mise à jour de Cubase qui passe en version 11 et progresse sur quantités de points.
Il est bien dur de faire évoluer un outil de l’âge aussi vénérable que Cubase, tant le séquenceur phare de Steinberg semble complet. C’est pourtant ce qu’arrive à faire l’éditeur allemand avec la onzième mouture de son logiciel phare, qui propose son lot de nouveautés en améliorant certains pans ergonomiques ou fonctionnels du logiciel, ou en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs pour l’intégrer à Cubase.
Vous connaissez le programme : on découvre cela ensemble en vidéo, ou via le texte qui suit :
Un Cubase Izotopien…
Dur en effet de ne pas penser à Izotope voire Fabfilter en voyant les nouveautés du côté des plug-ins. Ça commence avec Frequency 2, l’EQ paramétrique maison qui se dote désormais d’un mode dynamique qui permettra de se passer des services d’un Fabfilter Pro-Q par exemple. Cette nouveauté est d’autant plus la bienvenue qu’elle s’accompagne d’un side-chain indépendant pour chacune des huit bandes de l’égaliseur : une fonctionnalité originale qui permettra d’éviter de démultiplier les occurrences de Frequency à l’heure du mixage. Bref, un bien bel outil auquel ne manque que la possibilité, comme chez Fabfilter, d’afficher les zones de masquages entre les différentes pistes utilisant le plug et pas seulement la courbe d’une autre piste en surimpression.
Dans le sillage de Frequency 2, on sera aussi ravi d’accueillir Squasher et Imager, deux traitements multibande dédiés à la compression pour le premier et à la gestion de l’image stéréo pour le seconde. Dur de ne pas penser aux modules d’Izotope Ozone en découvrant leur interface au look vectoriel, mais on n’en voudra pas aux Allemands de s’inspirer d’une telle référence, à plus forte raison si cela permet aux Cubasiens de faire l’économie de plug-ins de tierce partie. Qu’en dire : que cela fait parfaitement le job en tout simplicité, même si l’on ne comprend pas trop pourquoi on dispose de quatre bandes sur Imager et de trois seulement sur Squasher et qu’on aurait bien vu sur le premier un bouton pour vérifier la compatibilité mono…
Précisons aussi que s’il existait déjà un compresseur multibande dans Cubase (doté de quatre bandes d’ailleurs), Squasher, comme son nom l’indique, vise à donner dans le traitement lourd prisé en EDM notamment : l’idée, c’est de pouvoir faire de l’übercompression en maitrisant le pompage, grace notamment au fait de pouvoir définir un ratio et un seuil différents pour l’attaque et le relâchement, chaque bande étant assortie en sus d’un Drive et d’un Gate. Bref, de quoi squasher !
Le goût du RX
Mais la référence à Izotope va plus loin encore lorsqu’on découvre Supervision et Spectralayer One. Le premier est un multimètre audio qui n’est pas sans rappeler Insight et qui permet de visualiser le signal sous tous les angles : du point de vue du spectre comme de celui de la dynamique en passant par la phase, l’image stéréo. C’est vraiment un excellent ajout qui s’avérera d’autant plus pratique qu’il est très configurable : on peut ainsi organiser la fenêtre à loisir, disposer les différents visualiseurs là où on le souhaite, et librement redimensionner tout cela. Un très bon ajout donc, auquel ne manque que la possibilité d’afficher des informations en provenance des différentes occurrences du plug-in. On aimerait en effet pouvoir afficher la courbe de réponse en fréquence d’une piste en surimpression d’une autre pour juger des problèmes de masquage. Pour une version ultérieure peut-être, sachant qu’Izotope ne le propose pas non plus…
Mais c’est avec Spectralayer One que l’on pense le plus à l’éditeur américain puisque par son biais, Steinberg intègre à Cubase une sorte de mini RX qui va permettra à tout un chacun de bénéficier de la puissance de l’édition spectrographique. L’outil sera évidemment intéressant pour toutes les taches de restauration (retirer une ronflette secteur sur une prise, un bruit de toux ou de portable lors d’une captation) mais il s’avèrera d’autant plus créatif que Steinberg l’accompagne d’une fonction de démixage comme on en trouve une dans RX…
Voyez ce que cela donne sur le même chanson que j’avais utilisée pour le test de RX 8, dont je vous remets l’exemple d’isolation de voix en fin de playliste pour comparer :
- Paul McCartney – At The Mercyoriginal01:08
- paulvoixcubase01:08
- paulinstrucubase01:08
- Vocal01:09
Pas mal pour un outil interne au point qu’on se demande si ce ne sont pas les mêmes algos que dans le soft d’IZotope. On tempèrera aussi notre enthousiasme en soulignant qu’on ne dispose hélas que de la séparation de la voix et de l’instrumental et qu’on aurait aimé disposer d’algos pour isoler la batterie ou la basse comme dans RX ! C’est en tout cas d’autant plus intéressant que cela ouvre la voie vers du remixage et du sampling, sachant qu’à ce niveau aussi on trouve des nouveautés intéressantes…
Sample comme bonjour
La piste échantillonneur de Cubase 11 propose en effet de nombreuses nouveautés qui la rende plus intéressante, dont un nouveau mode Slice pour découper vos boucles et les assigner simplement à votre clavier MIDI. Voilà qui manquait cruellement tandis que le mode « normal » en profite lui aussi pour se développer.
Steinberg a en effet profité de cette mise à jour pour intégrer deux LFO qui animeront les paramètres du sampleur, tandis qu’on dispose d’un nouveau mode Vintage pour sonner comme les sampleurs à l’ancienne et d’un Glide qui permettra de jouer les sons en legato mono. Bref, ce qui n’était au départ qu’un outil un peu anecdotique devient peu à peu une belle petite usine à créer, et on espère que Steinberg aura à coeur de continuer à développer cette piste échantillonneur qui promet le meilleur, avec des fonctions granulaires par exemple.
Au rang des fonctions musicales, précisons que cette version 11 progresse également sur le plan de l’arrangement, avec la possibilité de définir une tonalité globale du morceau qui va interagir avec les outils de saisie pour éviter les fausses notes. La chose est d’autant plus pertinente que Cubase est à même de détecter la tonalité du morceau et qu’il vous afficher en fonction les notes qui sont dans la gamme ou non, ou sera capable de remettre un solo un peu free jazz sur des rails un peu plus conventionnels.
Steinberg nous aide aussi à la saisie dans le piano roll en proposant deux nouveautés : des courbes de Bézier pour les contrôleurs continus et la possibilité d’afficher les Global Tracks (pistes Tempo, Signature, Accords, etc.) en vis-à-vis des notes lorsque l’éditeur est en plein écran. Voilà qui permet de gagner en précision et de gagner du temps aussi.
De stems en partoches
On en dira autant de la dernière nouveauté importante : la refonte de la fenêtre d’export audio. À la faveur de cette dernière, il est désormais possible comme par le passé d’exporter toute ou partie d’un projet au format que l’on souhaite, en choisissant de prendre en compte les effets auxiliaires et master ou non, mais on peut désormais créer des presets et même faire une liste d’export, ce qui gagnera grandement du temps à l’heure où il faut parfois livrer des stems et des formats tous différents aux différents protagonistes travaillant sur un même projet. Une chose que l’on aimerait voir dans toutes les STAN du marché.
Voilà qui va dans le bon sens, tout comme l’évolution de l’éditeur de partition qui tire profit des avancées de Dorico, l’éditeur de partitions de Steinberg. On dispose ainsi d’un nouvel onglet des propriétés pour accéder rapidement aux paramétrage des notes en cours de saisie, mais surtout d’un ingénieux système qui permet d’afficher un mode piano roll en surimpression pour modifier intuitivement les durées et vélocités des notes.
Ajoutez à cela une grosse louche de nouveaux sons et de boucles, la compatibilité surround pour le Multitap Delay ou la prise en charge des dernières consoles Avid et vous aurez un aperçu de tout ce que peut vous apporter ce Cubase 11.
Faut-il mettre à jour ?
A la question « la mise à jour vaut-elle le coup », disons que cela dépend sincèrement de l’usage que vous faites de Cubase et des plug-ins dont vous disposez déjà. Il va sans dire que ceux qui sont déjà possesseurs d’un Izotope RX et d’un Ozone ne seront pas forcément sensibles aux évolutions apportées par les nouveaux plug-ins d’effet ou par Spectralayers One. Idem pour l’évolution de la piste Échantillonneur qui n’intéressera pas ceux qui utilisent déjà un sampler de tierce partie comme Kontakt, Falcon, ou encore un Nuance pour taper dans quelque chose de plus proche. Et c’est aussi la même chose pour ce qui est de l’éditeur de partitions ou du module d’export. De fait, sans qu’on puisse dire que cette mise à jour manque d’intérêt, il faut admettre qu’elle ne propose quasiment aucune évolution qui touche tout le monde, quel que soit son usage de Cubase, comme cela a pu être le cas sur des versions passées. À vous de voir donc.
Quant à se prononcer sur Cubase de manière générale, il ne fait aucun doute que la STAN de Steinberg mérite amplement sa réputation de logiciel ultra complet et efficient, tant il ne semble rien lui manquer d’essentiel au premier abord et tant il excelle même sur certains aspects. Bien sûr, on voudrait toujours plus d’effets ou d’instruments, tout comme la possibilité d’effectuer des traitements en Mid/Side depuis tous les plug-ins. On désespère aussi de disposer un jour de la possibilité de faire des multis comme dans Reason, Waveform ou Studio One pour n’en citer que trois à le faire, tout comme de la possibilité de sauvegarder l’historique d’annulation, de disposer d’un système d’objets audio à la Samplitude. Enfin, on râlera toujours sur le système de protection par Dongle qu’on aimerait voir devenir logiciel comme chez les concurrents iLok. Bref, il y a toujours une marge de progression pour le bon vieux Cubase, et c’est presque rassurant, car cela nous assure bien des discussions encore sur ce fabuleux logiciel qu’il est néanmoins.
Conclusion
Cette onzième fournée tient la route, c’est indubitable, même si elle ne séduira pas tous les anciens utilisateurs, car nombre de ses nouveautés résident dans des outils qui font peut-être déjà partie de leur arsenal. Si l’intégration d’un Spectralayers One est par exemple un vrai plus dans l’absolu, force est d’admettre que cela ne fera pas lever le sourcil de ceux qui possèdent déjà Izotope RX. Quant à juger Cubase dans son ensemble, si bien sûr il lui manque encore quelques fonctions qu’on trouve chez ses rivaux, force est d’admettre que c’est une STAN ultra complète et fiable que l’on recommandera chaudement. Bravo donc Steinberg, en attendant la 11.5 avec impatience.