Chez Maximal Sound, on met en avant une approche scientifique et rationnelle du mastering... du sérieux ! Après avoir lu leur ambitieux « manifeste », nous allons donc écouter le résultat de cette respectable méthode.
Le Jaune et le Noir
En débarquant sur le site de Maximal Sound, on a l’impression d’entrer dans une enceinte Krk : un univers noir, ponctué de sphères et de lignes jaunes. « Vos créations au meilleur niveau », nous promet-on. D’emblée, on repère deux informations importantes : le service pourrait générer des masters pour le digital, mais aussi pour un pressage vinyle (ce qui est rare), et le prix sera établi à la minute. Avant de se lancer dans un master, on a envie d’en savoir un peu plus sur ce service. On trouve dans les recoins du site un « manifeste », qui nous apprend que Maximal Sound existe depuis 2010. Le traitement appliqué à l’audio serait fondé sur la « physiologie de l’audition humaine », avec une « approche biologique ». Ce travail de mastering serait en quelque sorte « universaliste », pour employer des grands mots, puisque ne se référant pas à un style musical ou type de son, mais visant à optimiser n’importe quelle production audio. « Plus puissant, plus large, plus naturel », voici la promesse qui nous est faite. À l’occasion de la facturation, on voit apparaître le nom de la société française qui serait derrière ce service, Movida Production.
Combien ça coûte ?
En numérique, le service coûte 1,99€ par minute. Notre premier fichier, par exemple, sera donc facturé 5,97€, la durée étant arrondie à la minute supérieure. Il existe aussi des tarifs dégressifs, en choisissant de souscrire à un des « abonnements VIP ». On peut ainsi obtenir 22 minutes pour 39€, ou 65 minutes pour 99,49€. On se concentre sur le format numérique, mais il faut tout de même signaler que le master vinyle est plus cher sans abonnement (2,99€ la minute), tandis qu’il sera accessible au même prix pour les « VIP ». Globalement, on est plutôt sur la fourchette haute de ce qu’on a pu observer jusque-là, en termes de tarifs pour les services de Mastering en ligne. On choisit donc l’option numérique, et on clique sur le macaron jaune « upload » pour charger un premier fichier audio à traiter. Le temps de chargement et de traitement est assez long, et si on retrouve le fichier dans le chapitre « mes sons », avec le prix qu’il nous en coûtera, on doit attendre de longues minutes pour pouvoir écouter ou télécharger un master. Il ne nous est proposé aucun réglage, aucun choix ni option, mais un seul master à prendre ou à laisser. C’est la première fois depuis qu’on se promène sur les services de ce type qu’on ne trouve aucune alternative. Une fois que l’algorithme a fini son travail, on accède à une pré-écoute, en ligne ou à télécharger. Cela commence par 5 secondes du fichier d’origine, suivies de 30 secondes du master, ces extraits étant pris au début du morceau (le site parle d’une « sélection aléatoire », mais pour les deux pistes que nous avons envoyées, il s’agissait bien du début). Si l’idée d’avoir un peu du fichier original avant d’entendre le master proposé est intéressante, il aurait été plus pertinent de le faire avec un segment pris au milieu du morceau. Si votre œuvre commence par une intro dans laquelle on n’entend que peu d’éléments (c’était le cas sur un de nos exemples choisis), les cinq premières secondes ne vous apporteront pas beaucoup d’enseignements. On précise que les fameux « VIP » auront droit à une pré-écoute plus longue, de 60 secondes. Une fois ce test écouté, vous pouvez choisir de payer pour accéder au fichier.
HD, CD, MP3, tout y est
Le master acheté est disponible au téléchargement dans un certain nombre de formats : HD en 96 kHz et 24 bit, CD en 44,1 kHz et 16 bit, MP3 320 kbps, et le moins habituel « Same ». Ce dernier format, est en fait en transparence de votre fichier d’origine, donc généré dans la même définition que celui-ci. Étonnamment, c’est la seule manière d’obtenir le master 48 kHz / 24 bit que l’on souhaite. En tout cas, si l’on ajoute l’option Vinyle, voilà une offre assez riche sur ce plan. On a téléchargé l’ensemble des formats possibles, on les a comparés, et en dehors de leur définition ou résolution, ils sont parfaitement identiques. Il faut noter que les fichiers ne restent disponibles que 10 jours sur le site, au-delà, ils seront effacés. On revient un peu en arrière, pour citer à nouveau le manifeste de Maximal Sound : la société affirme que les données de leurs clients ne sont pas exploitées comme une marchandise, que les œuvres ne sont pas mises en ligne, le service se place sur une ligne éthique et indépendante. Tant mieux…
Pour tester ce service de Mastering, comme les précédents et les suivants, on utilise deux exemples puisés dans nos productions, dont on a les droits, les mix et des masters réalisés par un être humain (de grande qualité) dans un studio parisien. Le premier exemple, Shirt Off de Manolo Redondo est vocalement plutôt doux, pop-rock à guitare et vintage par les instruments utilisés. Tout est joué avec nos petites mains, et on y a gardé beaucoup de dynamiques. Le second, B.I.C. de Huckleberry Djinn, hip-hop ancienne école, est fait de samples typés rythm’n’blues, de synthés et d’une voix frontale et pleine de punch. Tout est déjà traité au mixage, avec des saturations analogiques et une bonne dose de compression. Après une certaine attente, donc, on peut récupérer chacun des masters Maximal Sound et les comparer aux nôtres et aux mix.
Maximiseur ou Limiteur ?
À la création de notre session d’écoute, et après avoir importé les différents formats de fichiers générés par Maximal Sound, on se rend vite compte qu’ils sont identiques. On aurait pu penser que les normes de limitation instantanées auraient été adaptées aux différents formats, et par exemple que le fichier CD aurait été limité à 0 dB alors que les fichiers HD et Same auraient respecté le –1 dB recommandé par les plateformes pour éviter une distorsion harmonique supplémentaire lors de la normalisation. Au lieu de cela, tous les fichiers sont limités à –1,5 dB LUFS. De la même manière, on aurait espéré que le niveau intégré soit adapté aux différentes normes et que la version CD ait un niveau intégré plus élevé que celles destinées aux plateformes. Encore une fois, elles présentent toutes le même niveau intégré qui est de –9,1 dB pour Shirt Off et –10,5 dB pour B.I.C. Rien ne nous explique non plus cette différence de niveau intégré de 1,4 dB LUFS entre nos deux morceaux test. Nous devons donc ramener les versions masterisées à un niveau d’écoute médian qui nous permet de pouvoir les comparer sans que l’effet psychoacoustique du niveau ne biaise notre analyse. Reste à écouter et comparer.
On s’attarde dans un premier temps sur Shirt Off. En terme fréquentiel, les équilibres de notre mix sont plutôt respectés. On apprécie tout de même une légère tendance à arrondir le bas en déchargeant les bas médiums, et à ouvrir les très hautes fréquences tout en contenant les aigus en dessous. En revanche, lorsqu’on commence à s’attarder sur l’aspect dynamique de la chanson, on a l’impression que le limiteur travaille très fort et confère un aspect très imprécis à l’ensemble, masquant certaines informations et rabotant une partie des transitoires. Cela nous fait perdre de l’allant et l’aspect rebondissant du morceau en pâtit aussi. On a l’impression que le travail sur les dynamiques a sauté des étapes, et qu’il a manqué dans la chaîne de traitement un stade de compression pour homogénéiser. À notre goût, et pour un morceau comme celui-là, le signal rentre trop fort dans le limiteur. Le travail sur la spatialisation est ici assez ressemblant à notre master et on sent qu’il y a eu un procédé qui donne de l’ouverture aux éléments se trouvant sur les côtés. C’est plutôt musical et réussi de ce côté-là.
Pour le cas de B.I.C., notre morceau de Rap, on est vite saisis par la voix qui semble jaillir au premier plan et se détacher du reste du mix. On se sert d’un analyseur pour confirmer notre sensation, et on constate que les hauts médiums sont vivement renforcés autour de 2 kHz. Cela ramène beaucoup d’agressivité au mix, qui n’en était pas dépourvu, et on manque de corps et de texture dans le médium. On aurait espéré que le procédé s’adapte un peu plus aux caractéristiques de ce mix. En termes de spatialisation, on a vraiment une très belle image stéréo, très large et très profonde qui convient bien au morceau et qui vient soutenir les petits détails de la production vocale. Le travail des dynamiques est ici plutôt réussi, certainement parce que les impacts rythmiques étaient plus assumés au mix et que l’ensemble reste un peu plus épuré (en comparaison avec le premier exemple). Les fréquences graves sont pleines et maîtrisées, et on garde un bel impact sur chacune des grosses caisses.
Tous les fichiers en 48 kHz et 24 Bits sont dans le fichier archive suivant.
Conclusion
Ce service de Mastering est un des plus chers qu’on a essayés, surtout si les morceaux sont longs ! À ce titre, on attendrait qu’il soit un des meilleurs. Si la variété des fichiers générés est un atout, l’absence d’options, de choix esthétiques ou fréquentiels est pour nous un manque. On est plutôt partagé sur l’ensemble, entre autres parce qu’on nous promettait quelque chose de différent. Les masters obtenus confèrent une jolie largeur et une profondeur très appréciable à nos mix, mais il y a de réelles approximations dans le travail des dynamiques, notamment au niveau des compressions d’homogénéisation ainsi que du limiteur.