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Test du Little Phatty de Moog Music - L’âme du prodige

8/10

Plusieurs mois après la disparition de Bob Moog, le Little Phatty est présenté à Francfort en mars 2006. Ce sera la dernière machine imaginée par le maître et terminée par ses disciples. Voyons le résultat…

Test du Little Phatty de Moog Music : L’âme du prodige

(Test initia­le­ment paru en décembre 2006)

En 2003, le Mini­moog Voya­ger marque le grand retour de Bob Moog et Moog Music sur le devant de la scène. Initia­le­ment présen­tée en version clavier, le Voya­ger est ensuite décliné en rack. Mais il reste une machine élitiste. C’est pourquoi Bob Moog déve­loppe un nouveau concept : un synthé analo­gique beau­coup plus abor­dable qui conserve le son et l’es­prit Moog ; un véri­table instru­ment conçu aussi bien conçu pour le studio que la scène… C’est Cyril Lance, recruté par Bob Moog début 2005, qui est chargé de fina­li­ser le projet. En août 2005, Bob Moog dispa­raît. En mars 2006, la machine est enfin dévoi­lée à Franc­fort. Une première série limi­tée est produite en hommage à Bob Moog.
Si le Voya­ger repré­sente le Mini­moog du XXIème siècle, le Little Phatty est un hybride entre le Prodigy et le Source, tous deux lancés au début des années 80. Il emprunte au Prodigy les 2 VCO et en grande partie le look ; il reprend les mémoires et s’ins­pire de la méthode de program­ma­tion du Source. Enfin, il intègre une version simpli­fiée les VCO et le VCF du Voya­ger.

Physique avan­ta­geux

LP face 1Le Little Phatty (LP) est un synthé­ti­seur analo­gique mono­pho­nique program­mable, capable de stocker ses sons en mémoire et de travailler en envi­ron­ne­ment Midi. Il existe à ce jour en deux versions : la Tribute Edition (version limi­tée à 1 200 exem­plaires) hommage à Bob Moog et la Perfor­mer Edition. La diffé­rence entre les deux versions réside dans la fini­tion (flancs en bois, panneau arrière en alu et façade signés Bob Moog, couleur de l’éclai­rage des molettes et des pous­soirs pour la Tribute Edition) et quelques goodies (poster de Bob Moog et CD-Rom conte­nant inter­views, fichiers audio, vidéo et images d’ar­chives). Nous avons testé le LP Tribute Edition n°913 équipé de l’OS 1.02c. Dès le premier examen, le LP ne laisse pas indif­fé­rent, que ce soit par son poids (10 kg pour 68 cm de large !) ou son design signé Axel Hart­mann (à qui l’on doit entre autres les Wave et Q de Waldorf, l’An­dro­meda d’Ale­sis ou encore le Neuron… des machines pres­ti­gieuses au destin tumul­tueux). Les maté­riaux employés inspirent confiance : du bois pour les flancs, du métal pour la façade avant et de l’alu pour le panneau arrière. La construc­tion est solide, les assem­blages de qualité : du sérieux ! L’in­cli­nai­son de la façade et le galbe de l’ar­rière confèrent au LP un profil tout à fait origi­nal.
Le clavier de 37 touches (3 octaves de do à do) est sensible unique­ment à la vitesse de frappe. Il faut dire que la gestion de l’af­ter­touch n’était pas excep­tion­nelle sur le Voya­ger, c’est d’ailleurs pourquoi Moog Music propose une mise à jour maté­riel­le… Reve­nons au LP : les touches lestées offrent une très bonne réponse au jeu. A gauche, deux molettes éclai­rées permettent le contrôle du pitch (avec ressort de rappel) et de la section modu­la­tion. Au dessus, la façade comporte un écran rétro éclairé bleu 2 × 16 carac­tères, 4 gros rota­tifs cerclés de diodes bleues indiquant la valeur approxi­ma­tive du para­mètre en cours d’édi­tion, 3 rota­tifs clas­siques (volume, valeur et accor­dage), 30 pous­soirs éclai­rés par diode et 4 sélec­teurs multiples. Mise à part la prise casque astu­cieu­se­ment placée en façade, la connec­tique est située sur le flanc gauche, comme sur un Neuron : entrée et sortie audio mono, entrée et sortie Midi, 3 entrées CV (pitch, filtre, volume), une entrée Gate clavier (pour pédale CV par exemple) et une borne pour câble secteur (alimen­ta­tion interne univer­selle).

Prise en main immé­diate

LP rear 1La prise en main du LP est immé­diate. Le panneau avant offre une incli­nai­son idéale pour la mani­pu­la­tion, que ce soit en jeu live ou en program­ma­tion. Il est logique­ment orga­nisé en six sections : de gauche à droite, on trouve la section de contrôle (édition globale, mode de jeu, accor­dage, octave) compre­nant entre autres l’écran affi­chant le nom des programmes et les valeurs des para­mètres du mode Master, mais restant tota­le­ment muet en mode de program­ma­tion directe quant aux valeurs des para­mètres modi­fiés. Viennent ensuite les sections modu­la­tion, oscil­la­teurs, filtre, enve­loppes et volume. Cette dernière est munie d’un poten­tio­mètre comman­dant simul­ta­né­ment le niveau audio des sorties ligne et casque, secondé par un pous­soir lumi­neux permet­tant de couper le signal de la sortie ligne tout en conser­vant la sortie casque. Astu­cieux !
Pour program­mer le LP, la méthode est simple : appuyer sur un pous­soir carré pour sélec­tion­ner le para­mètre à éditer et modi­fier sa valeur avec le gros rota­tif dédié à la section. Dès que l’on actionne un pous­soir, sa valeur approxi­ma­tive est repré­sen­tée par le cercle de diodes bleues entou­rant le rota­tif : il ne reste plus qu’à le modi­fier. Les rota­tifs disposent des 3 modes de réponse usuels : seuil, saut et rela­tif, merci ! Nous aurions préféré des poten­tio­mètres sans fin comme chez Clavia mais la réso­lu­tion n’au­rait peut-être pas été la même (voir enca­dré « Préci­sion analo­gique »). Seuls quatre boutons rectan­gu­laires fonc­tionnent de manière clas­sique : les sélec­teurs multiples des sections modu­la­tion (sources et desti­na­tions de modu­la­tion) et oscil­la­teurs (hauteur des formes d’ondes). Cette méthode, sensée être plus écono­mique qu’une forêt de poten­tio­mètres dédiés, a deux incon­vé­nients majeurs : l’im­pos­si­bi­lité de modi­fier simul­ta­né­ment deux para­mètres d’une même section (on pense à la coupure et la réso­nance du filtre) et la néces­sité d’en­fon­cer une touche avant de modi­fier un para­mètre. Cela nuit un peu à la spon­ta­néité mais à l’usage, on se rend compte que le compro­mis n’est pas trop rédhi­bi­toire.

Sound of Moog

LP face oblique leftPour se donner quelques réfé­rences sonores, parcou­rons les 100 programmes d’usine (réins­crip­tibles) livrés avec la machine. Ils sont de qualité très inégale, mais voici un flori­lège des plus typés Moog et les plus carac­té­ris­tiques de ce que le LP fait parfai­te­ment : « Thank you Bob » est le nom du premier programme d’usine : un son puis­sant à base d’ondes carrées à peine filtrées avec un zest de réso­nance, utili­sable sur toute la tessi­ture en conjonc­tion avec les touches de trans­po­si­tion d’oc­taves. Bien gras dans les basses, il est tout aussi effi­cace dans les mediums. « Snappy lead » (P02) est un solo faisant usage d’ondes rectan­gu­laires à Decay court sur le filtre, permet­tant d’ap­pré­cier la rapi­dité des enve­loppes en créant le snap carac­té­ris­tique des synthés analo­giques. « Mod Talk Bass » (P04) montre la qualité du filtre passe-bas 4 pôles discret, recréant des formants de voix contrô­lables par la molette de modu­la­tion.
Pour­sui­vons la visite avec « Mod Syncer » (P05), une mons­trueuse synchro d’une onde rectan­gu­laire dont la hauteur est affec­tée à une enve­loppe décrois­sante, le tout contrôlé par la molette de modu­la­tion, comme sur un bon vieux Prophet-5. « Over­loa­der » (P14) est un solo aigre­let sali par une utili­sa­tion extrême du filtre : réso­nance maxi­male (avec auto oscil­la­tion) et Over­load à fond. « Dr Bass » (P17) est la copie presque parfaite de la basse bien ronde de Dr Mabuse de Propa­ganda : mélange d’ondes dent de scie et rectan­gu­laire à l’oc­tave, filtre fermé par l’en­ve­loppe (Decay et Release d’une seconde) et réso­nance à 50%. Un oscil­la­teur de plus aurait été parfait ! Pour des basses acides bien techno, rien de tel que « Acid Grind » (P27) ou « Dirty Square » (P56), qui pousse sur la réso­nance et la satu­ra­tion du filtre pour imiter le compor­te­ment d’une TB-303. Et pour les amateurs d’ou­ver­tures de filtre, rien de tel que « Low Down » (P46) ou « Peow­Phatty » (P47). Ce petit tour de la banque du LP nous permet de vali­der ses capa­ci­tés à produire un son tantôt chaud, tantôt gras, tantôt acidulé, tantôt trash, avec du carac­tère et de la patate.

Oscil­la­teurs et filtre

LP face leftLe LP est propulsé par 2 VCO analo­giques qui se stabi­lisent parfai­te­ment au bout de 15 minutes. Leur plage de travail excep­tion­nelle est de 9 octaves, acces­sibles soit pour chaque VCO (réglages 2, 4, 8 et 16 pieds), soit globa­le­ment (trans­po­si­tion de plus ou moins 2 octaves). Le VCO2 peut être désac­cordé et synchro­nisé au VCO1 (le cycle du VCO2 est alors calqué sur celui du VCO2, ce qui crée de nouvelles harmo­niques, donc un timbre diffé­rent). Chaque VCO offre une infi­nité de formes d’ondes en continu, en partant du triangle, en passant par la dent de scie, puis le carré et enfin le rectangle. Cette valeur est modu­lable, ce qui permet – entre autres – de créer des impul­sions à largeur variable (PWM) en se bala­dant entre l’onde carrée et l’onde rectangle. Ce design, repris du Voya­ger, permet une grande souplesse dans la géné­ra­tion de son mais inter­dit l’em­pi­lage d’ondes au sein d’un même oscil­la­teur. Mais où est donc le géné­ra­teur de bruit ? Eh bien il n’y en a pas, aïe ! Les VCO disposent d’un porta­mento dont le temps est program­mable. Le niveau de sortie de chaque VCO est réglable indé­pen­dam­ment, avant d’at­taquer la section filtre.
Le filtre est un véri­table Moog passe bas réso­nant 4 pôles travaillant sur une plage de 20 Hz à 16 kHz et capable d’en­trer en auto oscil­la­tion. La coupure est on ne peut plus effi­cace, ne lais­sant rien passer en dessous de sa valeur. Dès que l’on pousse la réso­nance, le filtre se met à oscil­ler, il se crée alors une onde sinu­soï­dale carac­té­ris­tique qui s’ajoute au signal des VCO. Nouveauté par rapport au Voya­ger, une satu­ra­tion en sortie du filtre permet de salir le son en boos­tant les fréquences autour du point de coupure (jusqu’à 6 dB), idéal pour les sons techno trash. Globa­le­ment, ce filtre est une réus­site, on est bien chez Moog. En trai­te­ment sur des signaux externes (boucles, percus­sions ou synthés à réchauf­fer), l’ef­fi­ca­cité est tout aussi surpre­nante. En entrant dans le Mode Master, on peut même chan­ger le nombre de pôles (de 1 à 4), mais ce réglage est hélas global pour toute la machine, contrai­re­ment au Voya­ger qui mémo­rise le para­mè­tre… Signa­lons que la coupure du filtre dispose d’un para­mètre de tracking clavier (continu, merci !) et d’une modu­la­tion bipo­laire par l’en­ve­loppe dédiée (merci aussi !).

Enve­loppes et LFO

LP face centerSur le LP, les modu­la­tions vont à l’es­sen­tiel, puisqu’on trouve 2 enve­loppes et un LFO. Ils sont tous analo­giques, tant mieux, mais cela signi­fie égale­ment une absence de synchro à l’hor­loge Midi. Les enve­loppes sont de type ADSR. Les segments de temps varient de 1 milli­se­conde à 10 secondes. Elles sont réel­le­ment rapides à la détente, ce qui permet des sono­ri­tés bien punchy en jouant sur la phase tran­si­toire. Elles sont respec­ti­ve­ment affec­tées au volume et au filtre, la seconde enve­loppe pouvant égale­ment inter­ve­nir comme source de modu­la­tion comme nous allons le voir.
La section Modu­la­tion, très simpli­fiée par rapport au Voya­ger, n’est pas sans rappe­ler le Prophet-5 : elle permet d’af­fec­ter une source de modu­la­tion à une desti­na­tion dans une certaine quan­tité comman­dée par la molette de modu­la­tion. Les sources sont consti­tuées d’un LFO à 4 formes d’onde (dent de scie descen­dante, carrée, triangle, dent de scie ascen­dante, mais pas de Sample & Hold), l’en­ve­loppe de filtre ou le VCO2. Les desti­na­tions sont la coupure du filtre, le pitch, la forme d’onde (pour créer des PWM) et la hauteur du VCO2 (pour créer des balayages de synchro). A noter que le LFO est capable d’os­cil­ler entre 0,2 et 50 Hz (niveaux audio). Cette section entiè­re­ment analo­gique, qui fait pâle figure dans le monde actuel virtuel, permet de créer une pano­plie de sons tout à fait expres­sifs, sans le moindre arte­fact numé­rique.

Réglages globaux

LP face rightEt le clavier dyna­mique dans tout cela, il sert à quoi ? Unique­ment à contrô­ler la fréquence de coupure du filtre sur une échelle de –8 à +8. Pire, ce réglage est global, pour tous les programmes. Quelle décep­tion ! Egale­ment acces­sibles globa­le­ment (Master), les 2 modes de déclen­che­ment des notes : l’un permet aux enve­loppes de pour­suivre leur cycle sans inter­rup­tion tant qu’on joue legato (réponse clas­sique su Mini­moog), l’autre force le redé­clen­che­ment du cycle à chaque nouvelle note jouée. De même, la prio­rité de note peut être donnée à la note la plus basse, la plus haute ou la dernière jouée.
Grâce à son inter­face Midi, le LP peut envoyer et rece­voir un programme ou l’en­semble de ses programmes, ainsi que son OS. Mieux, toutes les commandes de la façade émettent des contrô­leurs Midi (une tren­taine au total, réci­proque­ment recon­nus en récep­tion), idéal pour l’en­re­gis­tre­ment de séquences animées. Enfin, signa­lons le mode Perfor­mance Set, permet­tant d’af­fec­ter n’im­porte quel programme à 32 empla­ce­ments mémoire, idéal pour retrou­ver rapi­de­ment ses programmes lors d’un concert ou d’une session, d’au­tant que le LP ne dispose que d’un rota­tif cranté pour accé­der à ses 100 programmes, soit à l’unité (en tour­nant le potard), soit à la dizaine (en appuyant et tour­nant le potard).

Conclu­sion

LP side 2Au final, le Little Phatty est le digne héri­tier de plusieurs décen­nies de synthé­ti­seurs signés Moog. Il atteint les objec­tifs fixés à l’ori­gine : abor­dable tant au niveau prix qu’uti­li­sa­tion, il donne envie d’être trans­porté partout et utilisé inten­si­ve­ment. Le son est bien là : chaud, gras, punchy… et même saturé lorsque néces­saire. Mais plus contenu que le Mini­moog. Parmi les compro­mis rete­nus pour limi­ter les coûts de produc­tion à des niveaux raison­nables, nous avons surtout été gênés par l’ab­sence de géné­ra­teur de bruit et certains réglages globaux. L’es­prit est bien là, la machine invite au jeu, elle est intui­ti­ve… tout comme la voulait Bob Moog.

Notre avis : 8/10

  • L’essentiel du son Moog à prix réduit
  • L’ergonomie exemplaire et la simplicité d’utilisation
  • La mémorisation des paramètres
  • L’encodage des paramètres sur 12 bits
  • Les différentes modes de réponse des potards
  • L’entrée audio pour traitement d’un signal externe
  • La qualité de construction
  • Le look réussi, en particulier le modèle Tribute Edition
  • Les entrées CV / Gate
  • L’émission / réception des CC Midi
  • Pas de générateur de bruit
  • Le dépouillement des paramètres de synthèse
  • Le réglage global de la pente du filtre
  • La dynamique de frappe, uniquement affectable au filtre et de façon globale
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