Mettre à portée des fondus de la techno un synthé convivial doté d'un séquenceur et d'un vocodeur, tel est le nouveau défi de Quasimidi avec le Sirius. Compte à rebours...
Depuis quelques années, les phénomènes stellaires vont en s’amplifiant dans la musique électronique. Citons par exemple le Quasar de Quasimidi, le très attendu Supernova de Novation ou le nébuleux Equinox de Gem. Récemment, on a pu observer la lumière d’une nouvelle étoile au coeur de la galaxie techno-dance en provenance des spécialistes germaniques de Quasimidi qui, après avoir fait leur Rave-O-Lution, viennent de mettre sur orbite le Sirius, un synthétiseur 4 octaves capable de générer 28 voix de polyphonie sur 7 canaux multitimbraux. Et comme tout produit de la marque, le Sirius possède son lot d’originalités, permet une utilisation très ludique et embarque une cargaison de surprises lumineuses. Mise à feu !
Star tour
Le Sirius se présente sous la forme d’un clavier 49 touches sensibles à la vélocité mais pas à la pression. Un petit tour sur le panneau arrière laisse apparaître l’interrupteur secteur couplé à l’entrée pour alimentation externe fournie du type bloc au milieu, suivis du trio Midi, la prise pédale et les sorties audio gauche / droite au format jack 6.35mm. Une seule sortie stéréo, c’est un peu juste, d’autant que contrairement au Rave-O-Lution, le Sirius n’est pas extensible. Pour vite nous consoler, le Sirius possède 2 entrées audio baptisées Analyse et Carrier (cette dernière étant dotée d’un potentiomètre de gain) qui trahissent d’emblée une excellente nouvelle : un vocodeur est monté à bord ! Et pour fêter cela, Quasimidi livre le Sirius avec un micro col de cygne (certes pas un U87 Neuman) qui se connecte à la prise XLR du panneau avant. Font également partie du voyage 2 câbles jack 6.35mm accompagnés de 2 adaptateurs jack – Cynch et le manuel en français de 140 pages, plein d’astuces et de photos illustrant des propos clairs et concis. Enfin, non fournie dans le carton mais de rigueur, la démonstration exhaustive de la machine par le fabricant / importateur / distributeur. Sur la bonne trajectoire…
Constellation de commandes
La façade du Sirius fait immédiatement penser à ces machines intuitives dédiées à la création spontanée. Pour cela, 24 potentiomètres rotatifs et 70 interrupteurs lumineux (rose bonbon !) viennent s’ajouter aux 2 molettes de pitchbend et de modulation, à l’alphadial cranté (réglage du tempo ou édition des paramètres), au trop petit LCD 2 × 16 caractères rétro-éclairé au contraste fixe, à l’entrée micro XLR et à la prise casque (bien placée !). Les commandes reprennent l’essentiel des menus : sélection des sons par catégorie, paramètres de synthèse, touches d’édition (3 softkeys et les très utiles fonctions Write / Recall / Edit / Exit et Page <>), commandes de transport du séquenceur, arpégiateur, vocodeur, sections Mix et Select. Parmi les paramètres de synthèse, citons d’astucieuses macros pour les 2 enveloppes permettant d’un tour de potentiomètre de faire défiler 128 modèles ADSR préréglés. La section Mix autorise le réglage des volumes, panoramiques et départs effets pour chacune des 7 parties, que l’on pourra par ailleurs sélectionner ou muter d’un coup de doigt. Enfin, la section Select permet, en conjonction avec les 16 pads situés au-dessus du clavier, de choisir l’un des 16 sons dans une banque, de déclencher des patterns en temps réel, de sélectionner une Song, un motif d’arpégiateur ou encore un des 16 programmes de vocodeur. Toutes ces commandes sont si logiquement placées que leur utilisation est immédiate, plus facile que sur une MC505 Roland. Et comme Quasimidi pense bien les choses, les mouvements d’environ 50 potentiomètres et interrupteurs peuvent être enregistrés dans le séquenceur et envoyés à la sortie Midi, sur 7 canaux, sous forme de contrôleurs. Cinq étoiles !
Son et lumière
Le Sirius est constamment en mode multitimbral, mais le constructeur a déjà effectué un arbitrage, si bien que les 4 premières parties sont réservées aux Drums (grosse caisse sur piste 1, caisse claire sur piste 2, hi-hat sur piste 3 et percussions sur piste 4) avec une polyphonie de 12 voix et les 3 suivantes sont dédiées aux sons synthétiques (16 voix). Si les 3 pistes Synth partagent les mêmes ressources, chaque piste Drums fait appel à sa propre banque de sons indépendante et n’a pas le droit de regard sur les autres, ce qui est beaucoup moins souple que sur la MC505.
Pour produire ses sonorités, le Sirius utilise une synthèse baptisée AES (« émulation analogique ») basée sur un cocktail d’échantillonnage et d’oscillateurs numériques, mettant à disposition 54 ondes de kicks, 42 snares, 13 hi-hats (ouverts et fermés), 256 percussions et 125 ondes synthétiques. Les sons de batterie reprennent les canons technoïdes tels que TR606–808–909 mais aussi Linn, SP12 E-mu, UniVox, Moog et MS20 Korg. Dans le même registre, les ondes synthétiques déclinent non seulement les habituels triangles, dents de scie, sinus, carrées et pulses mais également des spectres, synchro (monstrueuses), combinaisons d’ondes ainsi que des TB303, Mellotron et Prophet VS échantillonnés. Tout ce beau monde sonne très techno-kraftwerkien, à des années-lumière du General Midi. Certaines ondes sont très agressives et décollent au quart de tour avec une grosse pêche. Par contre, les choeurs sont désaccordés et sonnent faux sur la dernière octave, mais utilisés comme signal de synthèse avec le vocodeur, ils justifient fort bien leur présence. Vitesse lumière !
Etoiles filtrantes
Chaque programme Synth est constitué de 2 oscillateurs désaccordables partageant la même forme d’onde commandée par une enveloppe AD avec modulation bipolaire. On règle ensuite le temps de portamento ainsi que le mode (mono ou polyphonique) avant d’envoyer le résultat dans un filtre multimode résonant avec overdrive (passe-bas 2 et 4 pôles, passe-haut 2 pôles). Celui-ci, assez impressionnant, peut entrer en auto-oscillation, dispose d’un tracking clavier et d’une enveloppe ADSR bipolaire. Le tout passe ensuite dans l’ampli doté de sa propre enveloppe ADSR. La coupure du filtre et le volume peuvent être modulés par la vélocité (réglage de 0 à 127 sur le filtre et simple on/off pour l’ampli). C’est d’ailleurs tout ce que la dynamique pourra moduler ! Toujours au rayon modulation, 1 LFO synchronisable à 6 formes d’onde peut affecter indépendamment la tonalité, le filtre ou le volume. Pour terminer, il est possible de régler la plage de pitchbend et d’activer la pédale de tenue. L’essentiel de ces commandes est accessible depuis la façade du Sirius, le tout (33 paramètres) étant disponible via l’édition par menus.
Pour les sons de batterie qui passent à 1 oscillateur par voix, on trouve les mêmes paramètres à 2 ou 3 exceptions près. Sur la piste nommée Percussion, le choix des ondes est remplacé par la sélection d’un des 20 sets de batterie, composé de 12 formes d’onde à choisir parmi 256. Pour chacune, on règle l’accordage, le volume, le panoramique et l’envoi aux 2 processeurs d’effets. Par contre, tous les réglages de synthèse (tels que coupure du filtre) sont globaux et affecteront les 12 sons du Set. Dommage. Une fois le programme nommé (8 caractères), l’utilisateur dispose alors de 96 emplacements pour chacune des parties de batterie et autant pour les synthés (soit 480 en tout) en plus des 4×96+288 (soit 672) programmes en ROM. Pour être complet, citons une fonction d’initialisation permettant de partir de zéro et une touche Random pour créer instantanément un programme aléatoire. Eclatant !
La piste aux étoiles
Pour faire bouger les sons, le Sirius possède un séquenceur 7 pistes à base de patterns conservés à l’extinction des feux. C’est très appréciable, d’autant que la machine ne dispose d’aucune unité de sauvegarde, la seule parade à une mémoire pleine étant le dump Midi. Un pattern est composé de 7 motifs de 1 à 8 mesures, chacun pouvant avoir une signature et une longueur différentes. Les numéros de motifs y sont mémorisés avec les numéros de programmes, les paramètres de mixage (volume, panoramique, départs effets) ainsi que les affectations au vocodeur. Pour programmer un motif, on peut soit faire appel à un des 142 motifs en ROM (142 pour chacune des 7 parties !), soit utiliser l’arpégiateur en temps réel, soit le faire soi-même. Dans ce cas, le Sirius permet un enregistrement pas à pas sur les parties Synth (hélas monophonique), Grid sur les parties Drums (à l’aide des 16 pads situés au-dessus du clavier comme chez Roland) ou temps réel pour toutes les parties. En temps réel, les notes sont entrées en Overdub ou Replace et peuvent être quantisées (jusqu’à 1/32e de mesure). Ensuite, les mouvements de la plupart des commandes de la face avant peuvent être enregistrées, pour ces lignes évolutives si techno (par exemple coupure du filtre, résonance, type de filtre, accordage, volume, panoramique mais pas les envois dans les effets).
Mais l’édition est le point faible de ce séquenceur : on peut annuler la dernière opération, effacer tous les contrôleurs ou tout le motif et c’est tout. On lève les yeux au ciel ! Enfin, notons la présence d’une fonction Groove qui fera swinguer le Sirius en décalant les notes par rapport à la signature choisie. Une fois l’enregistrement terminé, 7×100 emplacements attendent les motifs utilisateur ainsi que 100 pour les patterns. Au chapitre regrets, citons l’impossibilité de nommer un pattern, d’appeler sur une piste le motif d’une autre piste (la MC505 le permet) et l’arrêt intempestif des patterns à chaque fin de cycle en programmation temps réel (manque de puissance du processeur ?). Attention, obstacles détectés !
Chants de météorites
Les 100 patterns utilisateur sont ensuite assemblés au sein d’une Song (pour utiliser un des 142 patterns en ROM, il faudra au préalable le copier en RAM : vite mon sabre laser !). Chacun des 100 pas d’une Song contient le numéro du pattern à reproduire, sa transposition (pour les 3 parties Synth) et le nombre de mesures à reproduire (jusqu’à 64, pour un total limité à 600 pour la Song). Pour chaque pas, on accède à des fonctions d’insertion / suppression / copie et on peut muter une ou plusieurs pistes directement depuis le panneau avant. Il est donc facile, à partir d’une petite poignée de patterns, de se fabriquer une Song complète. De plus, c’est dans ce mode Song qu’il est possible d’assigner aux 16 pads 8 patterns, 4 patterns de break et 4 « Special Loop Tracks ». Ceux-ci peuvent fort bien être différents de ceux utilisés dans la Song, ce qui permettra d’amener encore plus de variété en temps réel. Ainsi, on déclenchera l’un des 8 patterns, on enverra de temps en temps un des 4 breaks, alors que l’un des 4 « Special Loop Tracks » substituera momentanément – en temps réel – un des 7 motifs du pattern en cours par un autre à déterminer. De quoi s’amuser longtemps ! Pour faire notre mauvaise tête, regrettons l’absence d’une touche Pause parmi les commandes de transport du séquenceur. Par contre, nous avons apprécié l’astucieuse utilisation de la touche Start qui permet de boucler le pas en cours alors que la séquence tourne. Qui a dit que les séquenceurs ne permettaient pas d’improviser ?
Plus près des étoiles
Le Sirius est doté d’un puissant arpégiateur polyphonique programmable et plein d’astuces : une pression sur la pédale Hold peut geler un motif et le clavier sert alors à transposer les arpèges en temps réel ; en maintenant la touche « Arpeg » enfoncée et en appuyant sur l’un des 16 pads, on bascule en temps réel sur l’un des 16 motifs d’arpèges sans passer par la case édition et toucher 20 000 boutons. En fait, l’arpégiateur se décompose en 3 modes : Arpèges, Gater et Chord Trigger. Dans ces deux derniers, un accord plaqué suivra de manière rythmique l’une des 7 parties (au choix) du pattern en cours, le Gater saccadera les accords tout en conservant l’évolution des modulations (LFO et enveloppes) comme si les notes étaient tenues alors que le Chord Trigger les redéclenchera à chaque fois. En mode Arpèges, on peut régler la prise en compte de la dynamique, la résolution, le Gate, le motif, la tessiture (1 à 4 octaves) et le double déclenchement des notes.
Outre les 7 motifs classiques de base, l’utilisateur accède à toute sa puissance à travers 9 motifs polyphoniques programmables. Chacun est constitué de 2 à 32 pas avec 8 notes de polyphonie, 4 valeurs de vélocité et 4 temps de Gate par pas. La programmation se fait très simplement avec les 16 pads (8 pour entrer le nombre et l’ordre des notes, 4 pour la vélocité et 4 pour le Gate) tandis que les touches Page <> permettent de naviguer entre les pas. Et pour créer des arpèges plus swinguantes, un peu de Groove pourra agir sur chaque pas. Mieux, l’arpégiateur peut être déclenché lors de l’enregistrement de patterns en temps réel et ainsi suppléer à l’utilisateur surmené. Brillant !
Voix lactées
Avec son vocodeur programmable 11 bandes, le Sirius nous convie à une rencontre du troisième type. Les bandes 1 (filtre passe-bas) et 11 (filtre passe-haut) sont statiques alors que les 9 bandes intermédiaires sont dynamiques avec des filtres passe-bande et accès pour chacune au gain et au panoramique (chapeau !). Nous avons dû systématiquement fermer le filtre passe-haut afin de limiter le larsen. Pour fonctionner, un vocodeur a besoin d’un signal d’analyse et d’un signal de synthèse. Sur le Sirius, on peut utiliser au choix l’entrée micro XLR (avec le micro fourni ou un U87), l’entrée externe ou un (ou plusieurs) son(s) interne(s) comme signal d’analyse et l’entrée externe ou un (ou plusieurs) son(s) interne(s) comme signal de synthèse. Une fois de plus, le Sirius brille par sa spontanéité : pour affecter une onde interne, il suffit de maintenir appuyée la touche Analyse ou Carrier et de sélectionner les parties multitimbrales désirées. Les sons affectés à ces parties deviendront ainsi les signaux d’analyse ou de synthèse. Mieux, les 8 potentiomètres de la section Mix permettent le réglage instantané de 8 bandes intermédiaires. Et pour ne pas perdre l’utilisateur dans le vide sidéral, le vocodeur dispose de 16 présélections d’usine (voix de robot, choeurs électroniques, banque de filtres…). Le rendu est excellent, assez intelligible pour 9 « vraies » bandes et on regrette qu’il n’y ait pas plus que 16 emplacements mémoire (sauvegardés dans les 16 Songs) pour les réglages utilisateur. Mais c’est 16 fois plus que sur n’importe quel vocodeur analogique !
Effets spatiaux
Chacune des 7 parties plus le vocodeur peuvent être envoyés dans 2 processeurs d’effets programmables (la mémorisation se fait au niveau des patterns). Le premier génère 6 réverbérations et 2 délais avec réglage du niveau et du temps, auxquels s’ajoute le feedback pour les délais. Le second dispose de 5 Chorus, 1 Flanger et 2 délais, avec, pour les 6 premiers, accès aux paramètres de niveau, temps, feedback, vitesse et profondeur. Quantité limitée ! Qualitativement, les réverbérations sonnent un peu métallique, les chorus grésillent sur certains sons coupants alors qu’ils se comportent très bien sur des nappes (ouf !). En revanche, rien à dire sur les délais si ce n’est qu’ils sont assez courts, mais forts bienvenus pour faire gargouiller des rythmiques trop fades. Enfin, un Overblast global ajoute des basses au Mix juste avant sa sortie dans l’espace.
Passons maintenant aux choses sérieuses, pour les fondus de la synchro, avec la fonction de reconnaissance de tempo. Celle-ci analyse les coups de grosse caisse sur toute source audio connectée à l’une des 2 entrées audio. Le tempo une fois reconnu est affiché sur le LCD avec un petit sigle indiquant que le Sirius est prêt. Reste alors à frapper la touche Tap Tempo pour donner le top départ (au 5e top, le séquenceur démarre) et là Ô miracle, le Sirius se synchronise parfaitement (nous l’avons testé avec des vinyles, CD et boucles samplées). Attention cependant, il faudra choisir judicieusement sa source audio (type 4/4 carré). Nous avons même poussé le vice à faire varier le tempo des boucles samplées en temps réel et le Sirius s’y est accroché comme une bête. Lumineux !
A star is born
Le Sirius est la réponse aux nombreuses prises de tête des musiciens-DJs techno. Il renferme d’abondantes ressources en ROM, sa programmation est un jeu d’enfant et ses astuces sont multiples. Certes, la synthèse n’est pas poussée à l’extrême, la polyphonie et la multitimbralité culminent respectivement à 28 et 7 voix, le séquenceur est limité en édition, les effets sont pauvres et le vocodeur n’a pas 16 bandes. Mais la réunion de l’ensemble, son approche intuitive, ses performances Midi complètes et son prix très abordable en font un instrument inimitable conçu pour jouer et créer. Sur ce point, Quasimidi a tenu son pari et nous nous sommes amusés avec le Sirius comme avec aucune autre « Ravestation ». Au fait, Sirius vient du grec signifiant « ardent, éclatant » : à prendre au sens propre comme au figuré !
Glossaire (spécial vocodeur)
Signal d’analyse : entrée audio (micro ou autre) dont le spectre sonore est découpé en bandes de fréquences dont les amplitudes sont converties en tensions et appliquées en temps réel sur le signal de synthèse.
Signal de synthèse : entrée audio (riche en fréquences telle qu’une onde dent de scie) dont le spectre audio est à son tour découpé en bandes de fréquences commandées par les fréquences correspondantes du signal d’analyse.
Banque de filtres (filterbank) : utilisation des filtres passe-bande de la section vocodeur pour traiter (ou torturer) un signal audio externe.