Dave Smith assure son retour dans la lutherie électronique. Après l’Evolver de 2003 et le PolyEvolver de 2004, c’est aujourd’hui une version clavier qui nous est proposée, avec tout plein de commandes et de mémoires pour créer ses propres sons.

(Test initialement paru en août 2005)
On doit à Dave Smith le premier synthé polyphonique entièrement programmable (Prophet-5), le premier synthé Midi (Prophet 600) et la synthèse vectorielle (Prophet VS, un synthé hybride où les oscillateurs sont de courtes ondes numérisées ensuite passés dans des filtres analogiques). L’Evolver combine astucieusement l’analogique, le numérique et le Midi. A peine sorti et plébiscité, les musiciens ont demandé à Dave d’en sortir une version polyphonique. Ce fut fait avec le PolyEvolver, un module en rack 1 U embarquant 4 voix d’Evolver. Mais sans éditeur dédié, le PolyEvolver est compliqué à dompter, avec sa façade dépouillée. D’autant que le nombre de paramètres éditables est astronomique. Sous la pression des fans, Dave s’est finalement décidé à sortir une version clavier, où les maîtres mots sont simplicité, édition immédiate et qualité sonore.
Beau et fonctionnel
Sur la gauche du clavier, les 2 molettes transparentes éclairées en bleu sont du plus bel effet. Ce sont les mêmes que sur certains Minimoog Voyager, Dave les achète d’ailleurs à Bob ! Juste au-dessus, 2 boutons permettent de transposer le clavier de plus ou moins 2 octaves, la transposition par demi-ton se faisant (aisément) en mode Global. Le clavier est un Fatar lesté de 61 touches, sensible à la vélocité et à la pression. C’est le même type de touche que sur l’Andromeda et le Voyager. Le panneau rassemble l’ensemble de la connectique, à commencer par l’audio : prise casque, sortie stéréo globale, 4 sorties stéréo séparées (une par voix) et entrée stéréo. Toutes sont au format jack 6,35. Viennent ensuite 3 prises pour pédales (Sustain et 2 CV), un trio Midi, un seconde sortie Midi pour le chaînage de plusieurs Evolver (fonction Poly Chain), un interrupteur secteur et une borne pour alimentation externe universelle. Celle-ci, de type bloc au milieu, est à détection automatique de tension et fréquence. Elle est livrée avec des connecteurs pour s’adapter pratiquement tous les pays. Le PolyEvolver KB est donc prêt pour voyager.
Edition de rêve
En cours d’édition, il est possible d’écouter le son avant modification (touche Compare dédiée). Une fois le son satisfaisant, il suffit de lui donner un nom (touche Name), d’appuyer sur la touche Write et de choisir un emplacement mémoire avec le pavé numérique et les touches de banque. En mode combinaisons de programmes, chacune des 4 parties possède une touche de sélection permettant de l’éditer dans son contexte multitimbral, la simplicité et l’efficacité ! Il y a 512 pour les programmes simples et 384 combinaisons de programmes. De quoi voir venir !
Puissance et évolution
Avec Poly Brass, on retrouve tout l’esprit du Prophet-5, avec quelques petites subtilités en plus : l’enveloppe de filtre s’ouvre sur une attaque courte (classique), mais l’enveloppe libre est assignée au décalage des fréquences de coupure des filtres gauche et droit : résultat, une modulation des filtres différenciée dans la phase transitoire, ce qui donne une certaine largeur au son. Terminons ce rapide tour d’horizon par W.S.Z Seq FX, un programme que n’aurait pas renié le Korg WaveStation. Les ondes sont montées en séquence, avec pas moins de 8 séquences tournant en même temps. En ajoutant à cela les VCF résonants, on obtient un son encore plus chaud. Au fil des programmes, on découvre des sons percussif très agréables, avec une forte connotation FM réchauffée par les filtres analogiques, des effets spéciaux (beaucoup trop…), des textures hybrides où l’aliasing est roi dans les aigus (comme sur le Prophet VS), des pads analogiques gras à souhait… C’est sûr, le PolyEvolver est capable de sons vraiment très variés.
Génération hybride
Au global, il y a donc 2 oscillateurs analogiques, 2 oscillateurs numériques, 2 filtres passe-bas analogiques et 2 filtres passe-haut numériques par voix, le tout fonctionnant en stéréo. A noter que les 2 entrées audio peuvent s’ajouter aux générateurs internes, avec gain séparé pour chaque canal. Lorsqu’on analyse le parcours du signal, on pourrait craindre la perte de qualité due aux conversions successives entre les mondes analogiques et numériques, mais le constructeur a équipé sa machine de DAC et ADC 24 bit / 48 kHz de qualité, ce qui assure une bonne continuité de réponse.
Sous le capot
Vient ensuite la section VCF passe-bas. Chaque canal dispose de son propre filtre mais les réglages sont simultanés, sauf en mode Split où les deux Cutoff peuvent être séparées. Les VCF opèrent en mode 2 ou 4 pôles. A noter la réponse absolument lisse du bouton de Cutoff, merci ! La résonance va jusqu’à l’auto oscillation, avec un son métallique lorsqu’elle est poussée à l’extrême. Mais globalement, le VCF est très réussi. Le VCF dispose d’une enveloppe ADSR dédiée ultra rapide, un suivi de clavier, une réponse de l’enveloppe à la dynamique et un filtre FM modulé par l’oscillateur. Pour les filtres numériques, on se contente d’un 4 pôles statique. Vient ensuite la section VCA, avec son enveloppe dédiée ADSR dédiée là encore ultra rapide répondant à la vitesse de frappe. La qualité des enveloppes est indéniable : à zéro, le signal claque ; à fond, la modulation dure plusieurs dizaines de secondes. Enfin, signalons que les niveaux de sortie du PolyEvolver sont incroyablement élevés et qu’avec les VCA, feedback et autres distorsions, on arrive vite à tout faire saturer. Heureusement, il y a des diodes d’indicateurs de clip.
Casser et moduler
L’inventeur du PolyMod (Prophet-5) n’a pas oublié la matrice de modulations : elle offre 4 patches entièrement libres, travaillant avec 24 sources et 68 destinations, qui s’ajoutent à 16 modulations prédéfinies. Les choix des sources et destinations sont très judicieux, il ne manque rien à notre sens. Comme si cela ne suffisait pas, le PolyEvolver KB offre un séquenceur à pas, capable de moduler 4 paramètres au choix sur 16 pas. En plus des 68 destinations de la matrice de modulations, on a dispose de 7 destinations additionnelles. A nous les arpèges, les tables d’ondes (juste retour des choses, car c’est Dave Smith qui avait contribué au Korg WaveStation), les motifs technoïdes… Mieux, chaque ligne dispose d’un nombre de pas libre, donc on peut se fabriquer des pistes de longueur différente. Bref, le PolyEvolver KB mérite amplement son nom !