Nouvel instrument de l’éditeur Xils-Lab, Oxium nous est présenté comme un Performance Synthesizer. Que fait-il donc pour justifier de cette appellation ?
Bizarrement, les précédents instruments réalisés par le fondateur de Xils-Lab, Xavier Oudin, même si discutés dans les forums, ne sont jamais passés au crible des testeurs d’Audiofanzine. Pourtant on connaît bien, et parfois sans le savoir, le travail d’Oudin, notamment lors de ses années passées chez Arturia (ou encore chez Digigram), dont il a programmé plusieurs synthés virtuels, du Modular Moog V au Prophet V. En route vers de nouvelles aventures, il a alors proposé au fil des années plusieurs émulations de synthés mythiques, les Xils 3 (façon VCS3), PolyKB II (la bombe française PolyKobol 2 signée par Ruben Fernandez), Synthix (l’étonnant Elka Synthex) et deux effets, le Chor’X (un chorus-spacialiseur conçu suivant le modèle BBD) et Le Masque : Delay (un délai comme son nom l’indique), une part des techniques de ce dernier par ailleurs reprise dans Oxium.
Bien sûr entre les premiers Arturia (non, on ne remontera pas à Storm…) et les synthés Xils-Lab, plus de six ans ont passé (sortie du MMV, 2003, sortie du Xils 3, 2009, ces dates ne prenant pas en compte les années de recherche et développement). Ce qui en termes informatiques équivaut presque à une éternité (voir les conjectures de Moore) : hors de question à l’époque d’envisager des filtres à circuit de réinjection sans retard (zero delay feedback filters) avec ce que cela pouvait impliquer en termes de consommation CPU, par exemple.
Mais un synthé ne se résumant pas à la qualité de son filtre (sinon, nombre de virtuels n’auraient pas eu les faveurs de leurs utilisateurs), voyons ce qui compose Oxium.
Introducing Xils-Lab Oxium
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On peut acheter le synthé sur le site de l’éditeur, pour la somme de 99 euros. Pour ce prix (relativement bas), on obtient un plug-in 32 et 64 bits, compatible Mac (y compris PowerPC, en 32 bits, sympa pour les possesseurs de « vieilleries ») et PC, VST, AudioUnit et RTAS.
Pas de version autonome, mais l’éditeur dit « pas encore », et non « jamais », on garde bon espoir. Un Go de RAM et un processeur 2 GHz sont les prérequis, ce qui reste somme toute raisonnable, ceci dit avant tout essai de polyphonie (on a vu qu’une voix de Diva, autre synthé zéro feedback, ne posait pas de problèmes alors qu’un accord de quatre sons en mode Divine pouvait mettre la bécane hôte à genoux…).
L’éditeur propose un système d’autorisation par numéro de série, ce qui change et est plutôt bienvenu, les autorisations via iLok ou elicenser étant diversement appréciées, notamment des possesseurs de portable n’ayant pas envie de trimballer les précieuses clés.
De l’onde et de la hauteur
L’éditeur met en avant un principe d’interface utilisateur nommé Flower Design, une présentation censée donner toutes les informations de façon visuelle et rapidement. D’où une gestion en couronne, affichant simultanément tous les paramètres, que l’on pourra cliquer pour les fonctions sur interrupteur ou cliquer-tirer pour les rotatifs ou réglages circulaires (cliqué-tiré fonctionnant à la fois horizontalement et verticalement, très bonne idée).
La bête regroupe donc deux oscillateurs façon analogique (via modélisation), offrant quatre formes d’ondes chacun (dent de scie, triangle, carrée, Pulse) que l’on peut additionner (excellent !), les habituels réglages de pied (hauteur, pour une tessiture comprise entre C#-1 et G9), ainsi que deux Pulse Width indépendants (avec réglages de modulation, via l’un des trois LFO), la modulation en anneaux (Ring Mod, dans un sens et/ou l’autre), une Sync, Portamento et Glide par oscillo, et un ensemble complet permettant de jouer sur la largeur stéréo (offrant accord et modulation). Un effet que je n’aime pas trop d’habitude, vu les potentiels dégâts sur la phase (tous les procédés psycho-quekchose, façon Tone2 par exemple, sont à bannir, à mon avis). Ici, l’image stéréo devient très large, mais l’effet s’arrête aux frontières du hors-phase, de façon maîtrisée. Voici un exemple de traitement extrême, avant-après.
Ces deux oscillos passent ensuite dans la section Mixer par deux étapes de mixage, l’une les dirigeant vers le filtre principal, l’autre vers le filtre auxiliaire (avec choix du type de filtre, on y revient), avec à chaque fois ajout possible d’un bruit (blanc ou rose), et possibilité de basculer d’une configuration en parallèle (par défaut) à une configuration en série, via le fader central, d’un filtre vers l’autre et vice-versa, et l’on dispose en plus d’une fonction Mute de l’un ou l’autre des départs vers le filtre. Cette section est très bien pensée, permettant de nombreuses solutions de sound design, et comme le reste du synthé, montre une ergonomie idéale (par exemple, en bougeant un fader tout en appuyant sur Alt, on modifie aussi le fader de l’autre oscillo).
Le synthé est doté de réglages Vintage (procurant un léger désaccord censé reproduire celui de circuits analogiques), d’unisson (jusqu’à six voix, sachant que la polyphonie maximum est de 16 voix) et de jeu Mono et Poly, selon plusieurs modes : Reset, Assign, Random, Circular (un clin d’œil aux Oberheim ?) et en fonction de la priorité donnée aux notes pour le mode Mono (Low, High, Last). Voici un exemple avec une montée sur toute la tessiture (on apprécie la propreté de la forme d’onde, même si un peu « fine »), puis la même avec un Unison six voix et Vintage à fond.
Où l’on comprend vite que l’on aura intérêt à utiliser ces paramètres en conjonction avec le désaccord entre oscillos pour obtenir du gros son.
Du timbre et du mouvement
Le premier filtre est une modélisation de filtre analogique multimode, multipente, résonant et auto-oscillant (et donc zero delay feedback). Au menu, des topologies LP (12 ou 24 dB/oct.), HP 12 dB/oct. et BP (6 ou 12 dB/oct.), avec une plage de fréquences de 5 Hz à 18 kHz (tiens donc ?), résonance, saturation (Drive) pré- ou post-filtrage, suivi de clavier et d’enveloppe.
Voilà un balayage automatisé avec résonance à fond sur le LP24.
On entend quelques paliers, un peu plus que chez la concurrence, majoritairement due à la résolution Midi, très faible. Ce n’est pas interne au synthé, puisqu’il suffit de moduler le filtre en interne, via un LFO très lent par exemple, pour vérifier qu’il n’y a pas de paliers. Le son est musical, chantant et plutôt doux. Et puis voici un petit coup d’auto-oscillation, c’est-à-dire que le filtre génère sa propre forme d’onde, les volumes des oscillateurs sont ici à zéro (l’effet de base d’abord, puis avec un Unison, un peu de Vintage et un p’tit délai, et par ici Planète Interdite…).
Le deuxième filtre (résonant lui aussi) permet quant à lui de choisir entre LP et HP 12 dB/oct., BP du premier ordre, ou filtre formantique ce dernier permettant via les différents dosages de Frq et Res (prenant dans ce cas l’appellation Vowel et Art) d’obtenir toutes sortes de sons vocaux à base de voyelles. Un exemple via quelques notes et la manipulation en temps réel des deux paramètres Frq et Res.
Viennent ensuite les premiers éléments de modulation, parmi lesquels trois enveloppes ADSR, complétées d’un premier paramètre, Delay (valeurs en ms, de 0 à 10 000, et possibilité de synchro au tempo de l’hôte), la première dédiée au volume, les suivantes au filtre et à des fonctions que l’on choisira ailleurs. Ces deux dernières peuvent aussi être lues en boucle, et l’enveloppe Filter être aussi assignée au filtre 2, mais hélas pas de façon indépendante (elle appliquera les réglages pour le filtre 1).
Autre élément indispensable à tout synthé qui se respecte, le LFO, ici au nombre de trois, tous conçus à l’identique : choix de la vitesse, temps d’entrée en action (Delay) et temps de montée maximum (Fade), les classiques Retrigg, Sync et le passage en Mono (le LFO module toutes les voix de la même façon). Et l’on dispose de six formes, de l’utile sinus à la toujours appréciée Sample & Hold, avec une des grandes forces de l’implémentation Xils-Lab, la possibilité de sélectionner plusieurs formes d’ondes simultanément, ce qui peut générer des résultats totalement… imprévisibles. Un très bon point en tout cas.
Effets et modulations
Comme tout synthé moderne (virtuel ou non), Oxium embarque des effets indépendants (désactivés sur tous les exemples précédents), quatre ici : un Chorus (offrant trois types, assez agréable), un Delay (avec Cross Feedback), un Phaser très complet et un EQ paramétrique deux bandes (de 50 à 20 000 Hz et de 30 à 10 000 Hz, plus ou moins 30 dB).
Voici un exemple avant/après sur un son basique de clavier.
Ensuite, on dispose d’une petite matrice de modulation (six sources, six destinations avec taux variable bipolaire), offrant quasiment toutes les cibles du synthé, y compris les effets, un petit arsenal d’évolution bien pensé et réalisé. Ensuite l’éditeur a inclus un ensemble de préassignations, ce qui permet de programmer Vibrato, Tremolo et Auto-Wah d’un simple cliqué-tiré, tout en restant totalement libre de revoir les sources (les LFO ici). On pourra visualiser et assigner les destinations ainsi que le taux de modification du Bend, de la molette, de la vélocité et de l’expression (aftertouch ou breath controller), c’est très clair et efficace, rien à redire de ce côté-là, l’éditeur a simplifié la vie du programmeur/sound designer, tout en proposant pour les trois derniers contrôleurs une double assignation bipolaire (par exemple, à la fois baisser la fréquence de l’oscillateur 1 et monter celle de l’oscillateur 2 avec l’aftertouch).
Enfin, Xils-Lab a ajouté à son synthé un dérivé de Le Masque : Delay, qui permet de créer de façon simplifiée jusqu’à 16 sources de modulation un peu spéciales (les Masks, nom des zones créées), dans une grille de quatre à 32 mesures, avec une aide au placement affichant une grille du triolet de blanches à la double croche, sachant que les Masks peuvent être placées librement dans cette grille (ou au contraire placées avec les Snaps).
Ces Masks disposent d’une durée, réglable par cliqué-tiré de la zone, et de paramètres de niveaux, sur un axe vertical à l’intérieur de la zone. Ces zones permettent donc de créer une séquence (pas de zones, pas d’action), avec des éléments de durée et de modulation. Cela suivant deux possibilités : les niveaux fixes (que l’on retrouve dans la matrice sous l’appellation MsqFix1 ou 2), ou suivant les réglages d’enveloppe disponibles sous la grille (AR 1 et 2, que l’on retrouve dans la matrice sous l’appellation MsqEnv1 ou 2). Un Rate permet d’être synchro au tempo de l’hôte suivant plusieurs divisions, ou au contraire d’avoir un comportement libre. Une façon originale d’agir, et qui se maîtrise très vite, la représentation principalement graphique permettant de comprendre l’action des paramètres sur les cibles. Bien vu.
Ajoutons-y un arpégiateur simple mais efficace, et l’on dispose là d’outils suffisamment nombreux et divers pour maltraiter le son de tous les côtés.
En situation
Ne reste plus qu’à écouter ce que propose Oxium, qui offre un certain nombre de présets regroupés dans les familles Arpeggio, Bass, Bell, Brass, Chord, FX, Keys, Lead, Pad, Perc, Pluck, Sequence, Strings, Synth, Vox et Wind, ouf.
On reprochera, comme d’habitude, le manque d’attention accordé au niveau global, car certains présets demandant à être joués en accord devraient être réglés beaucoup moins fort qu’ils ne le sont actuellement.
Autre reproche (qui repose plus sur des habitudes de jeu que sur un défaut fonctionnel…), l’aftertouch souvent programmé en coupure de filtre ou de volume, alors qu’il est plus logique que ce soit l’inverse. Mais ça se corrige d’un tour de potard. Il y a aussi un temps d’attente (très court, mais remarquable quand même) entre deux présets, et parfois quelques clics lors de changements.
On appréciera en revanche le gros son sur certains programmes, le côté « analogique » d’autres. Ainsi que les présets « animés » avec Le Masque ou l’arpégiateur, très réussis.
Voilà quelques autres exemples de sons, piochés dans les différentes familles et modifiés si besoin était.
Bilan
Grâce à ses nombreuses possibilités de modulation et de réponse aux contrôleurs, ses différents routings et son Midi Learn très simple à mettre en œuvre, Oxium mérite sa définition de Performance Synthesizer. Le son est là, peut-être pas aussi gros et rond que chez Diva par exemple, cependant au-dessus de nombreux autres concurrents et dans le peloton de tête. Les possibilités de synthèse sont assez variées, notamment grâce aux très bonnes idées que sont le cumul de formes d’ondes, les deux mixeurs et les deux filtres.
Oxium ne sera peut-être pas indispensable à ceux qui disposent déjà d’un arsenal de synthèses variées. Mais il est à envisager si l’on ne dispose que de peu d’instruments virtuels, avec un manque du côté Virtual Analog et si les synthés à disposition n’offrent pas de possibilités de séquences et d’arpégiateur. Une démo est téléchargeable chez l’éditeur, vous pourrez de toute façon vous faire votre propre idée.