Connu pour ses excellents effets utilisant une technologie propriétaire qui combine réponse impulsionnelle et approche algorithmique, Acustica a surpris tout le monde en présentant son premier instrument virtuel : le Thing, une émulation du Roland Jupiter-8 qui inaugure la série Marea.

Depuis ses débuts, Acustica Audio s’est bâti une solide réputation grâce à ses plug-ins de traitement audio, fondés sur une technologie unique mêlant convolution et modélisation. Si ces outils ont souvent séduit par leur capacité à restituer un grain analogique vraisemblable et par la qualité de leurs traitements, ils ont aussi régulièrement été critiqués pour leur ergonomie plutôt moyenne. Leurs interfaces skeuomorphiques, bien que visuellement réussies, se révèlent parfois lentes et peu réactives. Avec Thing, premier instrument virtuel de la série Marea, la marque italienne s’attaque désormais au monde des instruments virtuels, en visant une réplique sonore du légendaire Roland Jupiter‑8.
Cette nouvelle émulation est-elle à la hauteur des attentes ? L’instrument est-il plaisant à utiliser ?
Jupiter 8 : un peu d’histoire pour comprendre le contexte
À la fin des années 70, sous l’impulsion du révolutionnaire Sequential Circuits Prophet-5 en 1978, rapidement suivi par l’Oberheim OB-X, apparaissent les premiers synthétiseurs analogiques polyphoniques à mémoires et sous contrôle numérique. Roland, alors fabricant japonais encore relativement confidentiel d’instruments électroniques, n’entend pas laisser passer ce train.
Dès 1978, le constructeur lance le Jupiter-4, son premier synthétiseur analogique polyphonique à contrôle numérique. Si l’instrument est salué pour son gros son, sa facilité d’utilisation et son arpégiateur efficace (encore peu courant sur les premiers polyphoniques), sa polyphonie limitée à quatre voix, son unique VCO par voix (complété par un sub on/off), sa connectique restreinte et son design un peu pataud — évoquant davantage un orgue électronique — ne jouent pas en sa faveur face aux mastodontes américains.
Avec ses huit voix de polyphonie, deux oscillateurs par voix avec synchronisation et cross mod, un filtre passe-bas résonant commutable en 12 ou 24 dB, une architecture bi-timbrale fonctionnant en layers ou en split, un arpégiateur, un nombre généreux de commandes invitant à la programmation, une grande polyvalence et un son qui trouve facilement sa place dans un mix, il fut rapidement adopté par de nombreux musiciens à travers le monde. De Duran Duran à Talk Talk, de Depeche Mode à Tangerine Dream, et en France par Jean-Michel Jarre ou Indochine, le Jupiter-8 devient l’incarnation sonore d’une large part de la pop des années 80.
Installation, ergonomie et interface utilisateur de Thing
Thing est un plug-in aux formats VST3, AU et AAX et s’installe via le gestionnaire Aquarius d’Acustica. Ce dernier n’est pas le plus intuitif du marché : la validation du produit et le téléchargement peuvent rapidement paraître fastidieux. De plus, la technologie à base de convolution utilisée par Acustica a son revers : le poids. Il peut facilement atteindre les 2 Go d’espace disque, selon les options sélectionnées.
Le manuel PDF, visuellement soigné, reprend l’apparence des vieilles documentations. C’est très sympa et fun, mais il souffre malheureusement de quelques lacunes.
Mais pourquoi la priver de l’arpégiateur et la limiter à cinq voix (huit sur le TH8) ? La suppression de certaines fonctions entraîne une certaine frustration, d’autant plus que l’interface reste tout aussi lente, ce qui limite fortement l’intérêt d’une version pourtant censée être plus accessible. Dans les faits, on peut supposer que peu d’utilisateurs se tourneront vers cette déclinaison. Ce test se concentre donc sur le TH8.
L’interface est visuellement réussie, avec une charte graphique fidèle à l’original. En plus de la barre d’outils (avec accès aux présets, comparaison A/B, copier-coller, options), elle s’organise en quatre étages.
Sur l’étage inférieur se trouvent les sections oscillateurs, avec leurs modulations. Une section mixeur est présente, réduite à un unique potentiomètre de mix entre les deux oscillateurs. Suivent les filtres : un filtre passe-haut, puis le passe-bas résonant emblématique. L’étage se termine par la section VCA.
Juste en dessous, on retrouve les sections Master et Arpégiateur, les contrôles d’assignation aux molettes pitch bend et mod wheel (pas de joystick comme sur le Jupiter-8), ainsi que deux enveloppes ADSR.
Enfin, le dernier étage, tout en bas, est occupé par le clavier virtuel et ses deux molettes de contrôle.
Tout semble donc logique et bien organisé, mais l’interface manque un peu d’air : tout paraît chargé et pas vraiment engageant, à l’inverse d’un vrai Jupiter-8 et de ses commandes bien espacées. Par ailleurs, on retrouve le défaut habituel des plug-ins d’Acustica (même si l’éditeur a fait de nets progrès à ce sujet, soulignons-le) : une interface lourde et une réactivité parfois poussive. Même le changement de préset s’effectue avec une latence perceptible. D’ailleurs, le navigateur de présets, bien qu’il inclue une fonction de recherche, un système de tags et de favoris, semble daté et pas très bien optimisé.
Signature sonore, moteur de synthèse et spécificités techniques
Le TH8 offre deux oscillateurs par voix, qui modélisent les VCO discrets du Jupiter‑8. Leur comportement est très convaincant : ils sonnent de manière organique. Comme sur l’instrument original, le premier propose les formes d’onde Triangle, Dent de scie, Impulsion à largeur réglable et Rectangle, tandis que le second offre Sine, Dent de scie, Impulsion également à largeur modulable, et Noise. L’ajout de bruit passe donc par le second oscillateur. Cela peut sembler un peu restrictif, mais c’est parfaitement conforme au fonctionnement du Jupiter‑8. En revanche, la possibilité de passer du bruit blanc au bruit rose, en plaçant le VCO 2 en mode low, n’est pas reprise. Cela prive Thing de certains timbres que pouvait produire le synthé original.
Cette section oscillateur reste néanmoins l’une des plus puissantes des synthétiseurs du début des années 80. Les largeurs d’impulsion peuvent être modulées par la première enveloppe ou par le LFO, qui peut également moduler la hauteur. Synchro et crossmod sont aussi de la partie. On notera également que le VCO 2 peut être commuté en mode low pour seconder le LFO.
Ce dernier, doté d’un réglage de délai et de quatre formes d’onde (dont une aléatoire), s’avère relativement complet. Il peut fonctionner en mode libre ou être synchronisé au tempo de l’hôte. Malheureusement, seuls quatre choix de subdivisions rythmiques sont proposés.
Contrairement au Jupiter‑8, dont le filtre n’est pas auto-oscillant, Thing propose un réglage Resonance Extender permettant de pousser la résonance très haut, jusqu’à l’auto-oscillation. Un mot sur les deux enveloppes, particulièrement réussies et rapides.
Comme mentionné plus haut, la section générale intègre un potentiomètre Age, très utile pour apporter une patine sonore. On y trouve également un suboscillateur (formes Sine et Carrée), parfait pour épaissir les sons de basse, par exemple. Un mode Superstereo est également inclus, avec un réglage de Spread. Ce mode, indéniablement efficace, est à utiliser avec modération, au risque de trop élargir le signal dans un mix. À noter : l’activation/désactivation de cette fonction coupe le son.
Terminons ce tour d’horizon en précisant que, si les différents modes de jeu (Solo, Unison, Poly 1 et Poly 2) sont bien présents, le mode Double, lui, est aux abonnés absents. Un petit mot également sur la consommation CPU, qui semble supérieure à la moyenne : une machine puissante est conseillée pour en tirer pleinement parti.
Thing : de très bons effets pour polir et sublimer vos sons
Le délai proposé va bien plus loin en intégrant vingt modes. Le champ d’action est vaste, avec des échos à bandes ou à disque de type Binson, des délais numériques de type AMS ou Lexicon… Un mode Ping Pong et une synchronisation au tempo sont bien entendu de la partie. La réverbe, tout aussi fournie, propose elle aussi vingt modes (en réalité 10 × 2, chaque type étant décliné en version « light »).
Il n’est pas possible de modifier l’ordre des effets, mais celui proposé par défaut est cohérent et efficace. Tous ces effets méritent une mention spéciale, car ils complètent efficacement l’émulation en renforçant la cohérence du timbre.
FAQ
Qu’est-ce qu’Acustica Audio Thing ?
Thing est un plug-in de synthèse virtuelle développé par Acustica Audio, inspiré du Roland Jupiter-8. Il utilise une technologie hybride de modélisation et de convolution.
Thing est-il une émulation fidèle du Jupiter-8 ?
Son moteur sonore reproduit fidèlement les caractéristiques du Jupiter-8, avec des sons organiques et une grande richesse harmonique. Cependant, certains détails, comme le mode double ou le bruit rose, manquent à l’appel.
Quelles sont les limitations de Thing ?
Thing souffre d’une interface peu réactive, d’un poids conséquent à l’installation (jusqu’à 2 Go), et d’une consommation CPU élevée. La gestion des présets est également datée.
Existe-t-il une version simplifiée de Thing ?
Oui, le bundle inclut Thing 5, une version allégée destinée aux débutants ou à un usage live, mais amputée de certaines fonctions essentielles, comme l’arpégiateur.
À qui s’adresse ce plug-in ?
Aux musiciens, producteurs et sound designers qui cherchent une émulation du Jupiter-8 avec un grain analogique marqué et des effets de qualité, à condition de disposer d’une machine puissante.
Caractéristiques techniques
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Formats : VST3, AU, AAX
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Plateformes : macOS, Windows
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Installation via le gestionnaire Aquarius d’Acustica
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Taille à l’installation : jusqu’à 2 Go
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Moteur sonore : technologie MUST (modulation + convolution)
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Polyphonie : 8 voix
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Oscillateurs : 2 VCO par voix, formes Triangle, Dent de scie, Rectangle, Sine, Bruit (VCO2)
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Filtres : filtre du Jupiter-8 + 3 modèles alternatifs (12 ou 24 dB)
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Effets intégrés :
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15 types de saturation
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EQ 3 bandes
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Chorus BBD (style Juno-60)
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Delay (20 modèles, dont Binson, AMS, Lexicon…)
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Réverbe (20 variantes)
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Modulation :
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LFO (4 formes, synchro tempo, délai)
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2 enveloppes ADSR
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Autres fonctions :
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Potentiomètre « Age » (patine analogique)
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Sub-oscillateur
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Mode Super Stereo
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Arpégiateur complet
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Modes de jeu : Solo, Unison, Poly 1 & 2 (pas de mode Double)