Nouvelle production des Canadiens AAS, Chromaphone, reposant sur leur technologie de modélisation, est consacré aux lamellophones et autres bois et métaux résonants. Entre autres. Revue de ce synthé de «percussions créatives» selon le nom donné par l’éditeur.
Devant la masse d’éditeurs se consacrant, à des degrés divers de réussite, à l’échantillonnage, basant de ce fait tout sur la « photographie » d’un instrument réel, ceux qui se dédient uniquement à la modélisation semblent bien isolés. Laissons à part les modélisations de synthés analogiques, ainsi que les « ancêtres » physiques, Yamaha VL, Korg Prophecy, Z1 et plus récents Oasys, Clavia G2, Alesis Fusion et autres Hartmann Neuron (siouplé, m’ssieurs les développeurs, reprenez le Neuron VS et mettez-le à jour pour nos plates-formes récentes !) et regardons les éditeurs qui se consacrent ou se sont consacrés à la modélisation physique : Modartt et ses pianos, ainsi que ses extensions dont une dédiée aux vibras, xylos et marimbas, cloches et autres Chromatic Percussion, Wallander, Arturia avec Brass (abandonné ?), Max/MSP, la série co-signée AAS pour Live, les plugs inclus dans Logic (dont Sculpture, synthé intéressant mais abscons), quelques modules et synthés issus de Reaktor et Applied Acoustics Systems, depuis l’aîné Tassman et ses dérivés. Et déboule aujourd’hui Chromaphone.
Introducing Chromaphone
Avantage de la modélisation par rapport aux échantillons, le programme ne pèse quasiment rien au téléchargement (moins de 15 Mo), pas plus qu’une fois installé sur le disque dur (2,8 Mo pour le standalone…). Depuis sa sortie, l’instrument est en version 1.0.2, et est devenu compatible avec la majorité des formats de plug-ins, à l’exception du tout récent AAX, a gagné une version autonome, et reste bien entendu compatible Mac et PC, et 64 bits, youpi.
On télécharge le logiciel depuis le site de l’éditeur, et à l’ouverture du logiciel, celui-ci réclamera le numéro de série, qui sera envoyé au site pour la routine d’autorisation, c’est transparent (relativement, on ne sait pas ce qui est envoyé) et surtout rapide, et l’on peut commencer à travailler quelques dizaines de secondes après avoir installé Chromaphone.
|
Pas de manuel papier, bien sûr, mais un manuel PDF assez complet disponible par la fenêtre d’information accessible via la double flèche en haut de l’interface. La bonne nouvelle est que l’on bénéficie de deux autorisations, renouvelables en cas de changement d’ordinateur, de disque dur, etc.
Sous le capot
|
Toutes les commandes du logiciel tiennent principalement dans une seule fenêtre, on ne quitte cette dernière que si l’on souhaite gérer les présets (voir encadré). Le logiciel utilise une nouvelle technologie développée par AAS, la « Coupling Technology » (voir plus avant).
La partie supérieure du logiciel offre l’accès aux diverses banques, 12 différentes, présentant les attendues Mallets, Percussions, Kits, Chimes and Bells et les plus surprenantes Plucked Strings, Basses, Keys, Strings and Pads, Synths, Organs and Pipes, Soundscapes and Textures, Effects. On le voit, le plug ne prétend pas se limiter aux seuls sons de percussions, nous verrons plus tard si les autres familles sont là pour remplir ou si elles présentent un réel intérêt. Les présets les plus nombreux sont cependant regroupés dans les familles présentant des éléments percussifs.
On dispose de plusieurs réglages globaux (mix réverbe, volume, accord, nombre de voix, ce dernier important en termes de consommation CPU) et indicateurs (crête-mètre, témoin d’activité Midi) et d’un très pratique History, permettant de naviguer parmi les changements effectués sur le synthé. L’éditeur a poussé le raffinement jusqu’à faire apparaître l’heure de la modification… D’autre part, après chaque modification, un bouton Comp pour comparaison apparaît, permettant de revenir instantanément à l’avant-dernier réglage. Bravo.
La partie inférieure regroupe enveloppe et effets. La première, Noise Envelope, offre une classique ADSR, précédée d’un retard, Delay. Il est évident qu’une enveloppe pour un synthé percussif se doit d’être extrêmement rapide, même si son utilisation réservée au module Noise est plus subtile. On appréciera donc les temps proposés, de 0,005 seconde à 10 secondes. On trouve ensuite un vibrato, avec vitesse, retard et taux d’action ainsi qu’une fourchette d’action de la molette de modulation. On notera la belle qualité graphique des réglages, que l’on retrouvera sur toutes les sections du logiciel.
Viennent ensuite un LFO avec possibilité de synchro, cinq formes d’ondes, vitesse, retard, offset et largeur. Quand on bascule en mode Sync, Rate bascule de l’affichage en Hz à un affichage en valeurs de note. Et l’on finit par un double multieffet (un seul à la fois dans chaque) avec réverbes, chorus, flangers, wah wah, EQ, distorsion, overdrive, délais et tremolos, et possibilités de synchro. Les trois boutons changent suivant le type d’effet. Ces trois dernières sections peuvent être désactivées. Les petites flèches reviennent quand on survole les menus.
Petites et grandes frappes
Bien entendu, les fonctions vues précédemment ne servent à rien si l’on n’a pas de modules de productions sonores. Ces derniers sont réunis au centre de l’interface, en gris clair tranchant avec le noir de l’interface. Un petit mot sur les réglages et leur lecture sur l’interface : la plupart des rotatifs du synthé affichent deux lignes colorées, bleue et rose. Il s’agit là des fourchettes d’action bipolaires et réversibles sur le paramètre du rotatif de deux sources, la hauteur de note (suivi de clavier, Key sur l’interface) et la vélocité (Vel). Il suffit de cliquer/maintenir/tirer sur l’une des deux pastilles colorées pour faire varier les paramètres, qui s’affichent en lieu et place du nom du rotatif. D’autres sources sont aussi disponibles suivant les réglages, comme Env, LFO et RDM (aléatoire).
Comme dans la plupart des synthés à modélisation physique, il faut un « exciteur », quelque chose qui fera entrer en résonance les éléments sonores modélisés (les résonateurs). À cet effet, AAS a implanté deux de ces exciteurs, l’un nommé Mallet, l’autre Noise. Le premier reproduit l’effet d’une frappe d’un résonateur par une mailloche, dont la force d’impact et la dureté sont déterminées par les paramètres Volume et Stiffness.
Voici quelques exemples de modifications du paramètre, que l’on entendra seul, grâce au curseur de volume dédié, Direct :
L’interaction de ce paramètre et du Volume, tous deux commandés par la vélocité et le suivi de clavier seront une garantie de réalisme et de subtilité dans le jeu. On peut aussi y ajouter un bruit, grâce au rotatif Noise, dont on déterminera le type grâce à Color, ce qui permet encore plus de variété. Bug ou pas, le crête-mètre a du mal à indiquer les niveaux moyens, on ne voit qu’une seule ligne figurant la crête.
Évidemment, tout prend son sens à partir du moment où l’on utilise au moins un Resonator. Ici, un marimba simple avec les paramètres les plus basiques possible, et différents mouvements des paramètres de Mallet. Le crête-mètre remplit normalement son office, donc bug (voir plus haut).
Autre exciteur, le module Noise, intégrant générateur de bruit blanc passant dans un filtre multimode résonant, à choisir entre LP, HP, BP et LP/HP en cascade. Très important, le dernier rotatif, Density, agit comme une sorte de porte laissant passer de manière aléatoire plus ou moins de « matière sonore ». L’exemple suivant montre le bruit passant par un LP, et l’action de Density, tout en modifiant cutoff et resonance, ainsi que l’enveloppe dédiée déjà évoquée.
On comprendra tout l’intérêt de ces deux exciteurs, d’autant que l’on peut les mélanger très précisément, et disposer de nombreuses modulations indépendantes bipolaires et réversibles. Par exemple, en reprenant simplement le module Marimba précédent, et en le déclenchant via Noise+Density, tout en modifiant les différents paramètres.
Une première section très performante, et offrant de nombreux débouchés sonores.
Résonances couplées
Après ces exciteurs, voici les Resonators, deux, pouvant être configurés en parallèle, mais aussi suivant le nouveau principe développé par AAS, en mode « couplé ». C’est-à-dire que le premier résonateur entre en action puis l’énergie ainsi créée se diffuse dans le deuxième résonateur, les deux interagissant alors, ce qui permet de créer de nouveaux objets sonores, comme une corde-poutre. Oui, bon…
Voyons d’abord ce que recèlent ces deux modules. Resonator A et B partagent de nombreuses fonctions, comme le choix du… résonateur, de la corde au tube clos, en passant par une poutre, une lamelle façon marimba, une plaque rectangulaire, une membrane de type peau de tambour, un tube ouvert et un mode Manual, permettant de régler les fréquences de jusqu’à quatre partiels. Un paramètre Quality représenté par quatre points à activer/désactiver permet de choisir le nombre de modes propres pris en compte (4, 16, 40 ou 70), augmentant ainsi la qualité de la synthèse et la richesse du son (attention au CPU…). Pour plus d’infos, le manuel est assez complet, et on peut aussi se référer à cette page sous réserve d’erreurs. Partagés aussi, les Pitch, Key (suivi de clavier), Decay (qui peut être piloté par le suivi de clavier) et Release. Ensuite, selon le résonateur, on trouvera Material (permettant de modifier la chute du volume des partiels), Radius pour les tubes, Tone et Hit Pt, pour point de frappe, qui peut être déterminé par le suivi de clavier, la vélocité ou de façon aléatoire. Ou les trois à la fois. Resonator A dispose aussi d’une enveloppe de pitch, idéale pour les effets de Talking Drum ou de Timbale par exemple.
Prenons la Membrane, excitée par une mailloche dure, et faisons varier les différents paramètres du Resonator, y compris en passant le Hit Point en aléatoire.
Aucun effet, et on l’entend, les possibilités sont déjà très nombreuses. Essayons maintenant avec une Plate en Resonator B, en mode coupling.
Le champ de synthèse se révèle alors très vaste, et les interactions possibles entre Mallet/Noise et les résonateurs, en parallèle comme en « coupling » sont assez impressionnantes et sources de nombreuses surprises. On pourra aller écouter différentes démos sur le site de l’éditeur, afin de se faire une idée de quelques esthétiques possibles, sur cette page.
Bilan
Ce Chromaphone est une bonne petite surprise. Très riche en possibilités, il permet de produire des sons à mi-chemin entre réalité et fiction sonore (pour autant que le terme existe…), tout en ayant une qualité « vraie » quasi toujours présente.
Peu de reproches à vrai dire, mais une incompréhensible absence, en 2012, de pitch-bend et l’impossibilité d’assigner des contrôleurs Midi aux paramètres du synthé. L’automation est cependant accessible via celle de l’hôte quand le logiciel est utilisé sous forme de plug-in, mais cela veut dire aucune solution avec le standalone. Étonnant…
Bref. Vendu l’équivalent de 150 euros, Chromaphone remplit sa mission, en offrant à des sonorités familières (rien qui ne soit accessible à un bon synthé multisynthèse en termes de type de son) une patte unique, celle de la modélisation qui donnera toujours un supplément de réalisme à des sons se voulant tels, et un supplément d’étrangeté par son rappel de sons réels à des sonorités se voulant plus synthétiques.
N’hésitez pas à télécharger la version de démo qui vous permettra de vous faire une idée très rapidement quant aux possibilités de ce sympathique logiciel.