Alors voilà une situation bien connue des compositeurs… et la raison d’être de cette série d’articles !
Vous avez trouvé une phrase musicale qui vous botte, plus que ça même : LE thème qui touchera le cœur et/ou fera bouger les fesses de la planète entière, vous en êtes persuadé. Sauf que toute seule, comme ça, malgré sa puissance évocatrice évidente, votre trouvaille mélodique manque un peu d’épaisseur, de matière. Vous aimeriez la rendre plus charnue, quoi ! C’est justement là qu’intervient l’harmonisation, avec son arme de prédilection : les accords (nous n’aborderons pas le contrepoint tout de suite). Sauf que ces accords, il ne s’agit évidemment pas de les placer au hasard. Or, nous l’avons vu dans les articles précédents, non seulement chaque note d’une gamme (donc de la tonalité d’un morceau) peut être harmonisée par un accord, mais en plus elle possède une fonction particulière. C’est là-dessus que nous allons nous pencher plus profondément.
Les degrés
Quand on décide d’harmoniser un morceau, il faut veiller à ne pas forcément coller un accord à chacune des notes que l’on trouve : on risquerait surtout d’aboutir à un résultat… tout sauf harmonieux ! Il faut donc agir avec discernement. Après avoir défini la tonalité d’un morceau (voir article 3), la seconde étape d’une harmonisation consiste donc à repérer la fonction des différentes notes de sa mélodie.
Dans le système tonal, les degrés principaux sont le Ier et le Ve degré d’une gamme (tous les autres sont plus ou moins dépendants de ces deux-là, comme nous le verrons dans un futur article). La note du premier degré d’une gamme est appelée la « tonique », car c’est elle qui porte la « tonalité ». Le Ve degré, appelé dominante, est là pour renforcer le caractère de la tonalité. En effet, par un effet psychoacoustique – en tous cas en ce qui concerne notre oreille occidentale – chaque note est « attirée » par celle se situant une quinte juste en dessous d’elle. Vous pouvez tenter l’expérience. En-dehors de tout contexte de morceau, jouez une note, n’importe laquelle, et faites-la suivre de celle située exactement une quinte juste (3 tons et demi, cf article 1) en dessous d’elle : vous obtiendrez immédiatement une sensation de résolution, de fin si vous préférez. La seconde note jouée par vous sera alors la tonique de la tonalité. La dominante sera la première note jouée.
Ce mouvement du Ve vers le Ier degré de la gamme est appelé une cadence (du latin « cadere », tomber) parfaite. Cette formule est souvent utilisée pour terminer un morceau. Donc, dans de nombreux cas, les deux degrés employés à la fin de la mélodie d’un morceau sont donc la dominante (ou l’une des notes constituantes de l’accord de dominante, comme nous le verrons prochainement) et la tonique (ou l’une des notes constituantes de l’accord de tonique). Il existe bien d’autres cadences, et chacune possède un rôle bien précis dans la composition et l’harmonisation d’un morceau, ce qui fera l’objet d’un prochain article. Pour l’instant, poursuivons notre première étude sommaire des degrés d’une tonalité donnée.
Après les degrés I et V, le plus important est le IVe, celui de la sous-dominante. Il a pour fonction de renforcer le Ve degré. On trouvera dans de nombreux morceaux un accord de sous-dominante précédant la cadence parfaite V-I.
Ici, 2 exemples illustrant la même cadence IV-V-I, d’abord avec les degrés « nus », puis sommairement harmonisés :
Si vous vous reportez à l’article précédent, vous constaterez deux choses concernant les accords correspondant aux degrés I, IV et V d’une gamme majeure La première, c’est qu’ils sont tous majeurs, justement. La seconde, c’est qu’ils regroupent à eux trois toutes les notes de la gamme, comme on peut le voir dans l’exemple suivant :
On peut donc, dans l’absolu, harmoniser basiquement n’importe quel morceau « classique » occidental en ne s’appuyant que sur les accords de ces degrés-là.
Si l’on se rappelle l’article 3 de cette série, on constate également que les degrés IV et V d’une tonalité sont des tons voisins de la tonique, situés immédiatement à gauche et à droite de la tonique sur le cycle des quintes. Il est donc facile, à partir de ce dernier, de repérer les degrés IV et V de n’importe quelle gamme et ainsi de débuter l’harmonisation d’un morceau, quelle que soit sa tonique.
La prochaine fois, nous étudierons les autres degrés de la gamme, et évoquerons rapidement le cas de l’harmonisation en mode mineur.