On peut être parfois frappé par les similitudes qui existent entre les événements de la vie et la musique. En effet, dans la vie, que l'on soit en retard ou en avance, l'on n'est pas en phase avec son environnement. Eh bien en musique, c'est pareil : qu'il s'agisse de retard ou bien d'anticipation (comme nous le verrons dans le prochain article), il y a souvent dissonance. D'où l'importance d'être … bien préparé !
Construction du retard
J’évoquais dans l’article 23 l’alternance entre les consonances et les dissonances. L’effet de retard illustre bien ce phénomène. Car le retard se construit sur une succession de trois accords : l’accord préparatoire (consonant), l’accord du retard (dissonant) et l’accord de résolution (à nouveau consonant). La fonction de chacun de ces accords est définie par une note bien précise. À ce propos, je vous invite à rejeter un œil sur la définition des notes réelles et des notes étrangères dans l’article 8, si si, vous verrez que cela pourra vous être bien utile ! Mais revenons à nos trois accords.
Dans le premier, nous avons la note dite « préparatoire », qui est une note réelle de l’accord en question. Dans le troisième, nous avons la note dite « résolutive », elle aussi une note réelle de l’accord qui la contient. Celle-ci résout la dissonance engendrée dans le deuxième accord par la note dite « attractive », dissonance due au fait que la note concernée n’est plus une note réelle mais une note étrangère à l’accord qui la contient. Et je vous révèle maintenant le grand secret du retard : la note attractive du deuxième accord n’est autre que le prolongement de la note préparatoire du premier ! Donc on peut dire que l’accord de préparation et l’accord de retard contiennent et sont définis dans leur fonction par le prolongement d’une même note créant alors une dissonance qui se résout dans le troisième accord. Nous allons voir tout de suite comment cela se traduit concrètement.
Dans l’exemple suivant, nous avons les accords de Sol majeur, Si mineur et Ré majeur. La résolution harmonique se situe ici dans le passage de la note Si du deuxième accord à la note La du troisième accord. Or, la note Si du deuxième accord est une note prolongée du premier accord. Celui-ci est donc bien l’accord de préparation, Si mineur l’accord de retard et Ré majeur l’accord de résolution.
Mais on notera que dans cet exemple, le retard ne crée pas à proprement parler de dissonance, la note attractive Si n’est pas étrangère à l’accord de retard. C’est par l’accord résolutif (ici l’accord du degré V, Ré majeur) que l’on comprend réellement la fonction de retard du deuxième accord.
En revanche, on trouvera une dissonance nette dans l’exemple suivant :
Toutefois, en règle générale, on évitera de faire entendre simultanément la note attractive et la note résolutive comme ici (la note résolutive Mi est déjà comprise dans l’accord de retard, ce qui accentue encore la dissonance). On veillera également à réaliser un retard de manière conjointe.
Une question de rythme
Le concept de retard impliquant forcément une notion de temps, le retard harmonique se trouve fortement lié au rythme du morceau. Je vous invite d’ailleurs à ce sujet à relire éventuellement l’article 10 de ce dossier concernant le rythme harmonique. Le retard se développe selon un schéma rythmique précis, qui consiste en général à déclencher le retard sur un temps fort (ou une partie forte du temps) et à le résoudre sur un temps faible ou intermédiaire (ou une partie faible du temps). Dans les deux exemples précédents, le retard se produit sur le premier temps (fort) de la seconde mesure et se résout sur le troisième temps (intermédiaire) de la même mesure.