Si nous voulons commencer à dégager des mélodies et des lignes de basse à partir des renversements d'accords comme je vous l'ai promis dans l'article précédent, il convient de nous pencher sur l'épineuse question de la consonance et de sa jumelle maléfique, la dissonance... chose valable et primordiale pour l'ensemble de l'harmonie, d'ailleurs !
Pourquoi cette question est-elle épineuse ? Tout simplement parce que la perception de ce qui est consonant ou dissonant est extrêmement subjective, et qu’elle dépend de multiples facteurs personnels, historiques et socio-culturels. Outre le fait déjà que notre propre oreille ne cesse d’évoluer au cours de notre existence, ce qui paraît agréable à une oreille occidentale du XXIe siècle ne l’aurait pas été pour une oreille – toujours occidentale – du XVIIIe siècle, ou ne le sera pas forcément pour une oreille orientale contemporaine, même si dans le domaine musical également on assiste aujourd’hui à une certaine forme de mondialisation.
Tableau des consonances et dissonances
Ce préambule effectué, voyons ensemble dans le tableau ci-dessous comment se répartissent les intervalles entre consonance et dissonance selon le goût occidental d’aujourd’hui.
- seconde mineure 00:02
- seconde majeure 00:02
- septieme mineure 00:02
- septieme majeure 00:02
- triton 00:02
- quarte juste 00:02
- tierce mineure 00:02
- tierce majeure 00:02
- sixte mineure 00:02
- sixte majeure 00:02
- quinte juste 00:02
- octave juste 00:02
À ce tableau je rajoute celui des harmoniques d’un son fondamental (pour rappel de ce que sont les harmoniques, je vous renvoie une fois de plus à l’article 4 du dossier sur la synthèse sonore). À noter qu’il s’agit ici des harmoniques naturels, et non « tempérés » comme sur un piano. Je reviendrai sur cette notion dans un futur article.
Ces tableaux font ressortir trois choses.
La consonance en fonction des harmoniques du son
La première, c’est qu’un intervalle est d’autant plus consonant que l’on associe au son fondamental l’harmonique le plus proche. La consonance la plus parfaite est l’octave, puis la quinte juste, puis la tierce majeure etc. Si cette constatation peut donner un semblant de valeur scientifique à notre perception actuelle de la consonance, je rappelle que cette perception est basée sur des éléments culturels. D’ailleurs, on remarquera que la quarte (Fa dans notre exemple) ne fait pas partie des harmoniques naturels d’une note !
La consonance selon la position des notes
Et puisque nous évoquons la quarte, voici la seconde leçon que l’on peut tirer de cette classification des consonances : deux notes n’ont pas le même rapport de consonance entre elles selon leur position relative. Ainsi, la quarte Do-Fa est considérée comme une consonance mixte, alors que la quinte Fa-Do est jugée comme une consonance parfaite.
De même, si la seconde majeure Mi-Fa# est un peu fortement rugueuse à l’oreille, la neuvième Mi-Fa# à l’octave peut provoquer de nos jours une sensation d’ouverture assez agréable.
La dynamique de l’alternance dissonance/consonance
Enfin, la dernière chose que l’on constate, c’est que les intervalles qui nous semblent consonants sont ceux qui sont « agréables » à notre oreille et qui n’appellent pas de résolution particulière. En fait, on peut même considérer par effet de miroir que ce qui caractérise une dissonance, c’est précisément la tension que l’on ressent à son écoute et le besoin de résolution qu’elle provoque, comme l’exemple maintes fois cité dans ce dossier de l’accord de septième de dominante et qui semble appeler désespérément la tonique. C’est cette même tension qui confère aux intervalles dissonants leur caractère dynamique, contrairement aux intervalles consonants que l’on ressentira comme « statiques ». Cette staticité des intervalles consonants leur attribue d’ailleurs souvent les temps forts dans le cadre du rythme harmonique (dans les articles 9 et 10, les accords dits « stables » sont ceux basés sur des intervalles consonants).
On peut même considérer que depuis que l’on joue des notes simultanées dans notre système occidental (oui, j’insiste sur cet aspect culturel des choses !), l’on a toujours cherché à établir une alternance entre intervalles dynamiques et statiques, donc dissonants et consonants, et ce bien souvent pour marquer d’autant plus les temps forts de la mélodie et donc articuler d’autant mieux le discours musical.
Le prochain article nous permettra d’étudier un peu plus en profondeur les dissonances, et notamment comment les résoudre.