Nous avons observé dans l'article précédent que les résolutions pouvaient être régulières ou… irrégulières. Ce sont ces dernières que nous allons commencer à explorer aujourd'hui. Ce faisant, nous allons pouvoir à nouveau constater à quel point tout est lié dans le domaine de l'harmonie musicale. Car en effet, nous allons retrouver ici des notions que nous avons déjà abordées, à savoir celles concernant les cadences et les substitutions d’accords. Allons-y.
Résolution indirecte consonante
Nous avons vu la dernière fois que l’une des principales raisons d’être d’une résolution irrégulière est de retarder l’apparition de la résolution finale. Et nous avons également vu qu’une résolution irrégulière peut aboutir certes à une dissonance, mais dans certains cas également à une consonance. Mais si vous avez bien suivi depuis le début de ce dossier, peut-être avez-vous été alors frappé par la foudre de la soudaine illumination, et vous êtes-vous dit : « ventrebleu, ne parlerait-on pas ici de cadence rompue ? »
Eh bien oui, la cadence rompue est une forme de résolution irrégulière, puisque si elle n’aboutit pas à une dissonance à proprement parler, elle permet d’obtenir une nouvelle consonance, autre que celle initialement prévue, et ainsi de retarder la résolution attendue (et accessoirement de moduler par exemple dans une tonalité relative à celle d’origine – cf article 18).
Ainsi, dans l’exemple ci-dessous en Fa majeur, la demi-cadence IV-V de la première mesure ne s’enchaîne pas sur une cadence parfaite V-I comme on l’attendrait, mais sur une cadence rompue V-III. La cadence parfaite – et donc la véritable résolution – n’intervient qu’en fin de morceau.
Résolution indirecte dissonante
Mais comme je l’ai dit précédemment, une résolution irrégulière présente en général la particularité de résoudre non sur une consonance, mais bien sur une nouvelle dissonance. La résolution indirecte – et dissonante – la plus simple à obtenir est encore et toujours au niveau de la cadence parfaite, en adjoignant à la dominante normale la dominante de substitution que l’on emploie habituellement… pour la remplacer (cf article 15). Pourquoi ? Tout simplement parce que les deux accords possèdent le même triton, et donc la même dissonance. On conserve donc la dissonance en passant d’un accord à l’autre.
Dans l’exemple ci-dessous en Do majeur, l’accord Sol septième de dominante ne résout pas immédiatement sur l’accord de tonique. On passe par une résolution indirecte via la l’accord de substitution Réb 7. La dissonance commune se situe au niveau du triton Fa-Si. Sol 7 résout donc indirectement et de manière dissonante sur Réb 7, qui résout ensuite directement sur Do majeur.
Enfin, les mouvements obligés évoqués dans l’article 25 s’appliquent aux résolutions directes. Si l’on n’applique pas la totalité des mouvements obligés à un accord, on peut obtenir une résolution indirecte et dissonante. Ainsi, avec un accord de septième de dominante, on résout sur un accord dissonant si l’on se contente de ne baisser que la septième, comme dans l’exemple suivant :
La dissonance n’est ici bien sûr pas liée directement au degré III qui n’est pas dissonant en soi lorsqu’il est en position fondamentale, mais à son renversement qui place une seconde majeure en haut de l’accord.