L'article précédent nous a permis de faire plus ample connaissance avec les accords grâce à l'ouverture des accords et la création d'accords drops. Cette semaine, nous allons nous pencher sur le cas de figure où des voix évoluent de manière parallèle, et notamment du cas des octaves et des quintes. J'entends déjà les tenants de l'harmonie classique commencer à tiquer : comment, il nous parle d'octaves et de quintes parallèles ? Mais savez-vous bien que c'est interdit ? Oui, enfin, quand on souhaite rester dans le cadre établi par l'harmonie classique, justement. Explorons tout cela.
Le tabou du parallélisme
L’harmonie classique entretient avec le concept de parallélisme des voix un rapport de méfiance assez prononcé. En règle générale, elle préfère les mouvements contraires et obliques, comme déjà évoqué dans l’article 22 de cette série. Pourquoi ? Tout d’abord, en harmonie classique, on cherche avant tout à obtenir une indépendance des voix. Cette indépendance se perd évidemment dès l’instant que l’on fait progresser les voix de manière parallèle. Toutefois, comme toujours évoqué dans le même article 22 de cette série, les progressions parallèles de tierces et de sixtes sont malgré tout tolérées, car on considère que même si l’on perd l’indépendance des voix, la tierce et la sixte d’une note donnée ont au moins le mérite d’enrichir harmoniquement ladite note.
Le cas est différent concernant la quinte et l’octave. En effet, l’octave et la quinte sont les deux harmoniques les plus présentes dans une note (cf article 4 de la série Tout sur la synthèse sonore). Ajouter sa quinte ou son octave à une note donnée n’apporte donc que peu ou pas du tout d’enrichissement harmonique à la note en question.
Il est à noter les progressions de quinte sont encore plus spécifiquement prohibées que celles d’octave (auxquelles on peut reconnaître une certaine puissance), car elles sont « accusées » de porter une couleur médiévale que l’harmonie classique tend à effacer.
Toutefois, il existe une exception à cette règle : lorsque la seconde quinte est diminuée, et que le mouvement est descendant. Dans l’exemple suivant, la quinte juste Do-Sol est suivie de la quinte diminuée Si-Fa sur un mouvement descendant :
Enfin, nous avons vu dans l’article 23 que les intervalles de seconde et de septième sont parmi les plus dissonants qui soient. Ces derniers appellent absolument une résolution. Ils ne peuvent donc en aucun cas faire l’objet d’une progression parallèle, comme nous pouvons l’entendre dans les exemples suivants :
Le parallélisme aujourd’hui
Bien évidemment, ces derniers intervalles nous semblent aujourd’hui toujours aussi dissonants qu’au XIXe siècle. Les règles les concernant ont donc peu évolué. En revanche, celles concernant les progressions parallèles de quintes ou d’octaves ne s’appliquent plus guère aux styles musicaux modernes, dans lesquels on recherche parfois même la simplicité harmonique et la puissance d’une progression d’octaves ou la rudesse d’une progression de quintes.
L’exemple le plus frappant est naturellement l’utilisation des « powerchords » en rock, comme ici :
Mais également de manière plus subtile en jazz, comme dans cette succession de voicings basés sur des accords mineurs enrichis de leur neuvième et de leur 13e, et dont les deux voix les plus basses sont espacées d’une quinte juste :