Dans l'article précédent, je vous avais parlé des renversements dans le cadre des modulations par enharmonie. J'en profite donc, par une transition d'une époustouflante subtilité, pour explorer avec vous plus en détail dans le présent article et les suivants les diverses manières dont nous pouvons tirer parti desdits renversements.
Mais pour cela, nous allons d’abord devoir nous intéresser aux « mouvements ».
Les mouvements
Comme nous l’avons vu par le passé, les accords sont des ensembles de notes jouées simultanément. Or, on peut considérer que chaque note d’un accord représente une voix distincte, et que la succession de plusieurs accords marque également la progression individuelle de chacune de ces voix.
Nous avons vu ensemble dans les articles 11 à 13 (ici le 12) de cette série quelles étaient les règles définissant les progressions d’accords et les « attirances » entre eux. Toutefois, les règles que je vous ai présentées à l’époque ne tenaient pas compte de la progression individuelle de chaque « voix » entre les accords. Ce sont ces progressions que l’on appelle des « mouvements ». Ces mouvements sont dits « mélodiques » quand ils n’impliquent qu’une seule voix et « harmoniques » quand ils en impliquent plusieurs.
Les mouvements mélodiques
C’est très simple, ils disposent de deux caractéristiques: leur direction (ascendante ou descendante) et leur nature (conjointe ou disjointe). Je pense qu’il est clair pour tout le monde que la direction d’un mouvement mélodique définit si celui-ci monte ou descend en termes de hauteur de notes. Pour ce qui est de la nature de ce mouvement, les termes « conjoint » et « disjoint » se rapportent tout simplement à l’intervalle entre deux notes consécutives. Si cet intervalle est inférieur ou égal à la seconde majeure, on parlera de mouvement conjoint. Sinon on parlera de mouvement disjoint.
- mouvement conjoint ascendant 00:07
- mouvement conjoint descendant 00:07
- mouvement disjoint ascendant et descendant 00:05
Les mouvements harmoniques
On distingue quatre types de mouvements harmoniques différents : le mouvement parallèle, le mouvement contraire, le mouvement oblique et enfin le mouvement direct, parfois associé au mouvement oblique par certains auteurs. Ces termes peuvent sembler un peu abscons comme ça, mais ne vous inquiétez pas, vous allez voir qu’ils recouvrent des réalités sonores très simples que vous avez forcément déjà croisées.
- mouvement parallèle 00:05
- mouvement contraire 00:05
- mouvement oblique 00:02
- mouvement direct 00:02
Le mouvement parallèle implique une progression dans laquelle l’intervalle entre les voix restera toujours le même: la seconde voix suivra donc toujours fidèlement la première. Évidemment, il faudra veiller à adapter les intervalles en question pour ne pas sortir involontairement de la tonalité, comme dans l’exemple où se succèdent des tierces majeures et des tierces mineures.
Les théories d’harmonisation classique ont interdit les progressions de quintes et d’octaves pour de multiples raisons sur lesquelles nous reviendrons dans un futur article, pour favoriser celles de tierces et de sixtes (majeures ou mineures). Toutefois, dans les musiques actuelles, les progressions de quintes et d’octaves sont monnaie courante (cf les powerchords dans le rock !). Le mouvement contraire implique que les deux voix empruntent des chemins inverses l’une par rapport à l’autre. Quand les deux voix se croisent, on parle d’échange. Un mouvement harmonique est dit oblique lorsque la hauteur de l’une des voix reste statique alors que l’autre évolue. Enfin, le mouvement direct désigne un mouvement où les deux voix évoluent dans le même sens mais où les intervalles entre les voix diffèrent.
Tout ceci ouvre la voie vers l’étude du contrepoint, que nous verrons ultérieurement. Mais dans les tout prochains articles, nous étudierons comment nous pouvons tirer partie de ces « mouvements » pour harmoniser une mélodie, dégager une ligne de basse, etc.