Nous avons débuté dans l’article précédent l’étude de deux cas particuliers parmi les modes altérés. Rappelons à ce sujet que les modes altérés sont les modes construits à partir d’une gamme mère non majeure. Les deux cas particuliers en question sont la gamme altérée et la gamme Bartok. Après avoir exploré la première dans l’article précédent, je vous propose d’étudier la seconde dans le présent article.
Les caractéristiques de la gamme Bartok
On appelle « gamme Bartok » le quatrième mode issu de la gamme mineure mélodique, soit le mode lydien b7. Elle tire son nom du fait que c’est le compositeur hongrois Béla Bartók qui l’a popularisée au début du vingtième siècle. En raison du triton créé entre sa tierce majeure et sa septième mineure, on appelle ce mode également le « mode lydien dominant », en référence au mode mixolydien naturel (cf article 51) lui aussi caractérisé par un triton entre sa tierce majeure et sa septième mineure, et qui est rattaché à l’accord de dominante de la gamme mère dans le cadre du système tonal.
Comme nous l’avons vu tout au long de ce dossier, notre oreille est habituée à ce fameux système tonal et aux résolutions des tensions engendrées par celui-ci notamment par le triton. En conséquence, dans le cadre de la gamme Bartok, il est vrai que l’enchaînement des trois derniers degrés de ce mode semble quasiment appeler une résolution traditionnelle via une cadence parfaite.
Ainsi dans l’exemple suivant, on est presque en droit d’attendre un Fa après le dernier Do.
Toutefois, la comparaison du mode lydien b7 avec le mode mixolydien naturel s’arrête là. En effet, à l’inverse de ce dernier, la gamme Bartok est totalement incapable de résoudre la tension éventuellement créée par son triton. Et ce pour une simple raison : elle ne possède pas en elle-même la note de résolution ! La note de résolution est une note étrangère à ce mode. Ainsi dans l’exemple précédent, le Fa éventuellement attendu après la fin de la montée n’existe tout simplement pas dans ce mode. À l’inverse de ce qui se produit avec le mode mixolydien naturel qui contient la note de résolution et peut donc facilement créer une cadence parfaite.
Enfin, la gamme Bartok est également particulièrement intéressante car les notes qui la composent sont en effet les sept premiers harmoniques naturels tempérés de la tonique du mode, une fois que l’on a retiré les « doublons » de la liste des harmoniques. Pour plus de clarté, je vous invite à revoir le tableau des harmoniques représenté dans l’article 23, et à le comparer à la gamme Bartok présentée dans l’exemple précédent.
L’utilisation de la gamme Bartok
Le mode Lydien b7, de par sa proximité avec le mode mixolydien naturel que nous avons évoqué ci-dessus, s’applique particulièrement à l’usage avec des accords de structure dominante 7. La quinte de ces accords peut être juste ou diminuée (accords de type 7b5), la quarte augmentée et la quinte juste de la gamme Bartok permettant de couvrir les deux cas de figure, comme on peut le voir et l’entendre dans les exemples suivants :
On notera d’ailleurs que dans cet exemple ainsi que dans le tout premier de cet article, l’accord est un b5 (Sol bémol) et non un #11 (Fa #). On considère que l’on est dans un contexte tempéré, ce qui permet d’employer justement le Fa# de Do lydien 7.
Pour finir, et pour satisfaire les amateurs d’harmonies très enrichies, sachez que l’on emploie également beaucoup cette gamme en lien avec des accords de type 13(#11) comme dans l’exemple suivant :