Dans le dernier article, je vous ai proposé une introduction aux modes issus des gammes mineures mélodique et harmonique. Avant de nous plonger dans l'étude de chacun d'entre eux en détail, je vous invite à vous pencher avec moi sur deux d'entre eux plus spécifiquement respectivement appelés : la gamme altérée et la gamme Bartok. Nous commencerons aujourd'hui par l'étude de la première.
Les caractéristiques de la gamme altérée
La gamme altérée est construite sur le septième mode issu de la gamme mineure mélodique que nous avons vue dans l’article précédent. Il s’agit donc du mode intitulé « mode locrien bémol 4 ». On appelle également ce mode le « mode superlocrien ».
On retrouve dans le mode superlocrien toute l’ambiguïté de l’usage du locrien que nous avons déjà évoquée dans le cadre des modes naturels issus d’une gamme mère majeure (cf article 52). Bien évidemment, cette ambiguïté, cette instabilité du mode locrien bémol 4 est principalement amenée par l’absence de quinte juste, plus exactement par l’altération de la quinte. Jusque-là, nous restons dans le même cadre que pour le mode locrien des gammes mères majeures, le mode locrien naturel. Mais l’altération du quatrième degré de la gamme altérée, le fameux « b4 », correspond à l’altération du dernier degré qui restait encore intact dans le mode locrien naturel, en-dehors de la tonique du mode bien sûr. Dans la gamme altérée, ce sont donc tous les degrés hors tonique qui sont susceptibles de porter une tension !
Comment, on ose parler de tension dans le système modal !? Eh oui, c’est d’ailleurs bien pour cela que l’on n’emploiera la gamme altérée qu’assez rarement dans un contexte strictement modal, tout comme le mode locrien naturel d’ailleurs (cf article 52).
L’utilisation de la gamme altérée
La gamme altérée sera en effet bien plus utilement employée comme une modulation dans un cadre tonal. Plus spécifiquement, le mode superlocrien s’emploie avec des accords de septième de dominante enrichis (cf article 33), notamment avec une neuvième et/ou une treizième mineure comme dans l’exemple ci-dessous, basé sur le classique schéma du système tonal, le II-V-I :
Dans l’exemple précédent, la montée diatonique à partir de l’accord de Sol 7 b9 b13 reprend toutes les notes de la gamme altérée de Sol : Sol, Lab, Sib, Dob (Si), Réb, Mib, Fa et retour sur le Sol.
Et l’on notera que l’on a bien les notes principales d’un accord de septième, à savoir la fondamentale (ici Sol), la tierce (ici sous la forme b4, Dob donc Si sur les instruments tempérés) et la septième (ici Fa).
L’utilisation de la gamme altérée fonctionne aussi avec des accords enrichis d’une neuvième augmentée (#9) ou d’une onzième augmentée (#11).
Astuce
Je terminerai cet article par une petite astuce à destination des improvisateurs. Cette astuce découle du faible intervalle (un demi-ton) entre la tonique de la gamme altérée et celle de sa gamme mère mineure mélodique. Lorsque vous vous trouvez en situation d’utiliser une gamme altérée, pensez celle-ci plutôt comme une gamme mineure mélodique située un demi-ton au-dessus. Dans l’exemple précédent, imaginez plutôt un Lab mineur mélodique qui démarrerait sur son septième degré. Le résultat sonore sera strictement le même mais dans bien des cas vous visualiserez les notes à jouer de manière plus efficace.