Le précédent article nous a montré que nous pouvions faire usage des cadences afin d’opérer des modulations. Nous verrons toutefois que, cadence ou pas, une modulation fluide passe avant tout par la présence d’accords pivots.
Les « II-V-I » en série
Une formule cadencielle fréquemment utilisée pour moduler est le « II-V-I ». On peut la démultiplier à l’infini jusqu’à atteindre le nouveau centre tonal que l’on souhaite. Je vous montre.
Dans l’exemple suivant, on cherche à moduler de Do majeur à Lab majeur. Pour cela, on passera par trois cadences « II-V-I » :
Pour mettre en œuvre ce type de modulation, il faut considérer que chaque nouveau degré I de la formule « II-V-I » est en fait le degré II de la formule suivante. Les accords correspondants seront donc toujours mineurs. Le I final par contre pourra être aussi bien mineur que majeur, selon l’effet recherché. Chaque demi-cadence « II-V » intermédiaire ne sera considérée que comme… un intermédiaire, et l’on n’attribuera réellement le titre de modulation qu’à la tonalité d’arrivée.
Dans notre exemple, la demi-cadence du milieu est donc un intermédiaire. Attention donc à ne pas considérer ses altérations comme des notes caractéristiques (voir article précédent) de la tonalité finale (je sais ça peut sembler logique, mais bon…). Cette forme de modulation démontre s’il était encore nécessaire à quel point le cycle des quintes (cf. article 3) est décidément un incontournable de notre système tonal occidental.
Les accords pivots
Et cela nous amène tout naturellement au sujet des accords dits pivots. Kézako ? Ce sont des accords qui appartiennent à différentes tonalités, et qui peuvent donc servir aisément à moduler entre celles-ci. L’exemple précédent regorge littéralement de ces accords, comme on peut le voir. Ainsi, par exemple, le Ré mineur et le Sol majeur de la première demi-cadence II-V sont des accords appartenant tout aussi bien à la gamme de Do majeur (la tonalité de départ du morceau) qu’à celle de Do mineur mélodique, tonalité du I mineur qui suit, qui est lui-même en même temps le second degré de la gamme du Sib mineur qui suit, qui est lui-même en même temps le second degré de la gamme du Lab majeur final, tonique de la tonalité d’arrivée. Vous avez suivi ?
On va faire plus simple avec l’exemple suivant, dans lequel nous allons moduler simplement de la tonalité de Sol majeur à celle de Ré majeur :
L’accord de Mi mineur de la troisième mesure appartient aux deux tonalités : dans la première il s’agit du sixième degré, alors que c’est le second degré de la tonalité d’arrivée. Il agit donc comme un accord pivot. On notera bien sûr à l’occasion qu’il n’est donc pas nécessaire qu’un accord pivot soit un accord de dominante.
Comment un accord pivot agit-il exactement sur notre oreille ? Comme nous l’avons vu dans les articles précédents, l’oreille détermine une tonalité donnée en fonction de l’environnement diatonique du morceau. L’accord pivot va donc être interprété par l’oreille en premier lieu selon le rôle dudit accord dans la première tonalité. Survient la modulation dont il est le pivot : l’oreille va réinterpréter a posteriori la place de cet accord dans la nouvelle tonalité.
Nous poursuivrons la semaine prochaine nos tribulations modulatoires.