Bien souvent au sein d’une œuvre musicale quelle qu’elle soit, le compositeur éprouve le besoin de se détacher de la tonalité d’origine pour aller en explorer d’autres. Les raisons peuvent en être multiples : modifier l’humeur (la « tonalité », aha !) du morceau, relancer l’écoute de l’auditeur, créer des surprises, etc. C’est dans ces cas-là qu’entre en jeu le principe de la modulation, auquel nous allons nous intéresser dans les prochains articles.
Les notes caractéristiques
Une modulation se fera quasi toujours (sauf si l’on module dans la gamme relative de la tonalité d’origine – cf. article 2) par l’irruption d’au moins une nouvelle note dans la tonalité d’origine. Bien souvent, cette note pourra être la sensible de la nouvelle tonalité, mais pas nécessairement.
Ces nouvelles notes qui apparaissent dans la tonalité d’origine et qui vont définir la nouvelle tonalité sont appelées « notes caractéristiques ». L’apparition de ces notes caractéristiques n’entraîne pas pour autant une modification de l’armure générale du morceau. En effet, une modulation n’a la plupart du temps vocation qu’à être temporaire. L’armure n’est modifiée que si le changement de tonalité vient à être définitif.
Dans l’exemple suivant, nous passons de la tonalité de Do majeur à celle de Fa majeur en bonne partie grâce à l’utilisation du Sib, caractéristique de la tonalité de Fa majeur :
Mais ce n’est pas tout à fait la seule raison, comme nous allons le voir tout de suite !
Le retour de la cadence
Comme évoqué dans l’article précédent, pour qu’il y ait modulation — et non une simple ornementation telle que nous l’avons vu dans l’article 8 concernant les notes étrangères — il faut en premier lieu que l’oreille ait eu le temps d’entendre un changement de tonalité. Dans notre exemple précédent, la modulation en question s’étend sur plus de deux mesures, ce qui est largement suffisant. Mais il est également nécessaire que les changements d’altérations répondent à une logique qui définisse la nouvelle tonalité. Et c’est là que nous dégainons une fois de plus l’arme fatale de l’harmoniseur fou (ou plutôt avisé !), j’ai nommé la cadence !
Ainsi, dans notre exemple précédent, nous avons une cadence parfaite entre Do septième de dominante et Fa majeur entre la seconde et la troisième mesure. Par son pouvoir résolvant, cette cadence parfaite nous permet d’affirmer la modulation entre les deux tonalités du morceau. Mais puisque nous parlons des cadences et de leur utilisation pour moduler, il en est une qui s’impose absolument naturellement dans ce cadre, c’est la cadence rompue (cf. article 7). Dans celle-ci, en effet, nous passons d’une tonalité majeure à sa relative mineure par simple substitution du degré I attendu de la tonalité d’origine par son degré VI (qui devient le degré I de la nouvelle tonalité). Et d’ailleurs, nous avons vu dans les articles 14 et 16 que le degré VI d’une tonalité donnée portait la même fonction tonale que le degré I et pouvait donc facilement se substituer à lui. Mon dieu, tout se tient donc !
Je vous laisse sur cette ô combien troublante considération, et je vous propose de nous retrouver dès la semaine prochaine pour moduler de plus belle.