Les précédents articles nous ont présenté certaines des méthodes permettant de moduler d'une tonalité vers l'autre, notamment en usant d’accords pivots pour assurer une transition fluide. Mais maintenant que nous avons vu comment moduler, il serait intéressant de savoir vers quoi nous pouvons moduler.
C’est ce à quoi nous allons nous atteler dès à présent. Et après le « retour des cadences » dans l’article 18, voici donc…
Le retour des tons voisins
Souvenez-vous, nous les avions évoqués dans l’article 3, en relation avec le cycle des quintes. Rappelons rapidement que les tons voisins d’une tonalité donnée sont la tonalité basée sur la quinte supérieure (ou quarte inférieure), celle basée sur la quinte inférieure (ou quarte supérieure) et les gammes relatives de ces dernières ainsi que de la tonalité d’origine. Comme nous l’avions déjà constaté, les armures des tonalités voisines d’une gamme ne diffèrent que d’une altération (hors les altérations accidentelles des gammes mineures harmonique et mélodique). Ces faibles différences d’armures permettent donc des modulations très fluides d’une tonalité à l’autre : plus les tonalités sont voisines entre elles, plus la modulation sera douce. D’ailleurs, si l’on reprend l’exemple de l’article 18, on constate que l’on a modulé d’une tonalité (Do majeur) vers l’une de ses tonalités voisines (Fa majeur), et ce par l’emploi d’une seule altération, la bemolisation du Si.
Le petit exemple suivant présente deux autres modulation vers des tonalités voisines de celle de départ :
La modulation aux tons voisins a longtemps été le seul type de modulation utilisé. Ce n’est qu’après le XVIIIe siècle, à l’époque où se termine la période baroque et où débute la période classique, que l’on a commencé à s’aventurer à moduler vers des tonalités hors de cet ensemble.
Les modulations aux tons éloignés
Il est important de souligner ici que plus l’on s’éloigne des tonalités voisines, plus l’on s’éloigne du contenu harmonique d’origine, et donc plus la modulation sera prononcée. On considère que l’on module vers les tons éloignés à partir du moment où l’on constate une différence d’au moins deux altérations (toujours hors altérations accidentelles, cf plus haut) entre les tonalités de départ et d’arrivée. On peut aller ainsi jusqu’à six altérations d’écart, avant de tomber dans le domaine de l’enharmonie… dont je parlerai dans le prochain article, ne soyez pas impatients !
Dans l’exemple suivant, on passe de Do majeur à Mi majeur. Il y a 4 altérations d’écart, donc 4 degrés d’écart sur le cycle des quintes :
Les modulations chromatiques
Mais parfois, nous pouvons éprouver le besoin d’opérer un changement encore plus radical. Et pour cela, rien de tel qu’une modulation chromatique, c’est à dire d’un demi-ton vers le haut ou vers le bas à partir de la tonalité de départ. Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, une modulation chromatique est très brusque, car c’est elle qui engage le plus gros changement d’altérations !
Dans l’exemple suivant, nous passons ainsi brutalement de Do mineur à Do# mineur (7 degrés d’écart sur le cycle des quintes), je vous laisse entendre l’effet produit. Les deux dernières notes de la première ligne font office d’ornementation :
Ce type de modulation est très souvent employé pour relancer l’intérêt d’une mélodie en se contentant de la décaler vers une autre tonalité. Bien souvent, comme dans l’exemple ci-dessus, ce genre de modulation est définitif et entraîne un changement d’armure.
Pour conclure cet article je vous laisse avec les deux règles suivantes :
- Plus les tonalités de départ et d’arrivée sont voisines entre elles sur le cycle des quintes, et plus la modulation sera douce.
- Plus les tonalités de départ et d’arrivée sont proches les unes des autres en termes d’intervalles, et plus la modulation sera brutale.