Musique : art ou science ?
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a.k.a
Je me pose régulièrement la question, sans jamais pouvoir y répondre. Des avis éclairés et divergents si possibles seraient les bienvenus. Il est bien entendu que ce topic ne concerne que la musique, et en aucun cas la peinture ou la sculpture. Il n'est bien sûr pas interdit de citer des oeuvres pour étayer son propos, mais notre "objet d'étude" reste la musique
Il est évident que j'attends des positions solidement argumentées , courtoises et bienveillantes (même si je sais qu'à un moment ou à un autre, ça va chauffer...).
J'ouvre le débat :
En considérant l'exemple du dodécaphonisme, peut-on dire que la musique devient une science ? Pour moi, oui car le microcosme "organisationnel" qu'est la série dans l'organisation macrocosmique qu'est déjà la musique relève d'une scientificité : il faut recenser les occurences de chaque demi-ton afin de ne pas le répéter avant l'exposition de la série entière, se tenir à un principe compositionnel strict. Même dans le traitement de la série, par exemple en la rétrogradant, il faut le faire strictement. Cela ne relève-t-il pas d'une certaine scientificité ?
Cette remarque s'applique également dans le système tonal, puisqu'on ne peut rien écrire sans tenir compte de ce qui précède. Le seul art serait-il dans le Tristan de Wagner et dans le post-romantisme (période charnière entre la tonalité et l'atonalité ?
a.k.a
Autour du temps : je ne crois pas que la science ne serve qu'à prévoir, ou alors prévoir serait comprendre. Tes exemples sont on ne peut plus justes, simplement, comment peut-on affirmerque les sciences servent uniquement à prévoir.
Par ailleurs, les sciences humaines n'ont pas de science que le nom. C'est mal les connaître. A moins de garder la définition que tu donnes de la science, à savoir de prévoir...
Laisse-moi à présent te poser une question : la logique est-elle une science ?
si tu réponds oui, je suis d'accord avec toi. Aristote (IVè av Jean-Christophe) la considère comme un organon, c'est à dire un outil qui ne sert qu'à épauler le philosophe et à réfuter les sophistes (d'où les Réfutations sophistiques). Seulement, au début du XXè, l'école analytique (Russell, Frege, Carnap, Quine) remettent la logique au goût du jour en la rénovant considérablement : on passe d'une logique aristotélicienne des prédicats à une logique frégéo-russellienne des relations. Qu'en ont-ils fait, de cette logique ? Un organon, comme celui d'Aristote. La logique sert la philosophie. Foucault explique d'ailleurs très bien ce passage des sciences aux sciences humaines dans Les mots et les choses. Les sciences humaines, des sciences molles ???
Citation : La seule qui peut sembler un peu à part c'est les mathématiques : il y a essentiellement des déductions logiques de postulats de départ donc on a l'impression que ce sont les humains qui élaborent des trucs, alors que dans les autres sciences on observe les phénomènes bien avant d'avoir une explication.
Mais en fait il y a des cas connus d'observations / expérimentations : des affirmations qui semblent vraies, sur lesquelles on est tombé plus ou moins par hasard, et que l'on a justifié (ou pas) par la suite. (...) En math on appelle ce genre de trucs "la conjecture de xx".
Oui, et Kant appelle ça la logique transcendantale dans la Critique de la raison pure...
Autre chose, la définition du dictionnaire Hachette, on s'en fout, sinon, la philo ne servirait à rien... (je ne m'emporte pas contre toi, DR Pouet). Ce qui importe, c'est ce qu'on dit, là, tout de suite : on essaie de rénover des définitions figées dans le dico, de les éprouver et de "faire jouer les concepts" comme dirait Deleuze...
Anonyme
Citation : comment peut-on affirmerque les sciences servent uniquement à prévoir.
Je n'ai pas dit que les sciences ne servaient qu'à prévoir mais, pour affirmer une théorie, il faut bien s'appuyer sur une preuve et la preuve consiste bien à prévoir le comportement d'un phénomène dynamique. Cette preuve est contenue dans les équations. C'est un peu le déterminisme laplacien. Certes, depuis Laplace, on sait qu'il existe des éléments imprévibles, ne serait-ce que ceux dont s'occupe la physique quantique par exemple mais, là encore, les équations qui régissent les phénomènes quantiques sont de type probabilistes. D'une certaine façon, il n'y a pas de hasard sinon un hasard maîtrisé. Si la musique était une science, rien ne serait inconnu en musique, tout serait prévisible ou, pour le moins, contenu dans des équations. On peut m'opposer que, quoi que nous fassions en musique, nous utilisons des sons, des rythmes, des fréquences... cad des phénomènes physiques quantifiables. Mais rien ne permet de prévoir le destin d'une oeuvre musicale, d'une oeuvre artistique en générale, sauf si l'on fonctionne avec des plans tel qu'il en existe dans le système tonal par exemple où une tension sera à peu près certainement suivie d'une résolution. Mais le système tonal est dépassé, et depuis bien longtemps. C'est en cela que je dis que la musique n'est pas une science. Elle ne sert ni à prévoir, ni à expliquer. Elle ne fait qu'exprimer des émotions, un vécu... Rien de scientifique dans la musique.
Citation : Laisse-moi à présent te poser une question : la logique est-elle une science ?
La logique est un outil de la science, comme les mathématiques, mais ces outils ne sont pas la science elle-même. Il n'y a pas de science sans logique ou sans mathématique mais il peut y avoir logique sans science. Un programme informatique est logique mais ne sait rien de ce qu'il opère. C'est de la science sans conscience en quelque sorte. Donc, je suis d'accord avec Aristote sur ce coup.
Les sciences molles ne sont pas des sciences même si, à titre personnel, j'en use et en abuse. Je ne suis pas un scientifique même si mon métier consiste à élaborer des modèles mathématiques, de prévoir l'écoulement des fluides, les variations des pressions... Je ne mélange pas les genres.
a.k.a
Je n'ai pas dit non plus que la musique était science seule, je cherche à comprendre.
N'y a-t-il pas una autre moyen de dire que la musique est une activité scientifique, en laissant de côté le déterminisme (auquel je n'ai rien à opposer) ?
La logique compositionnelle ne relève-t-elle pas d'une science ?
Evidemment, je ne fais que poser des questions...
Tu ne donnes pas d'argument en ce qui concerne les sciences "molles" humaines...
Anonyme
J'ai bien compris le sens de ton questionnement et, évidemment, tu n'affirmes rien.
Citation : La logique compositionnelle ne relève-t-elle pas d'une science ?
Je dirai qu'elle relève d'une technique essentiellement. De la même façon que relèvent d'une technique les "règles de l'art" que l'on retrouve dans les corps de métiers ou dans la composition. Ces techniques, bien évidemment, sont des connaissances qui nécessitent sans doute un minimum d'esprit d'analyse mais il ne s'agit pas d'une démarche scientifique, du moins, c'est mon avis.
Citation : Tu ne donnes pas d'argument en ce qui concerne les sciences "molles" humaines...
Les sciences humaines sont dites molles en ce qu'elles manquent de rigueur. Ce n'est pas un reproche que je leur fait ; elles ont leurs utilités et on montré leurs pertinences dans la compréhension de certains phénomène, mais les résultats des recherches dans ce domaine ne sont pas reproductibles.
a.k.a
Tu ne donnes pas plus d'argumrnt quant à la composition...
Anonyme
Les sciences humaines ont sans doute un objectif de rigueur et des théories sont proposées mais les résultats que l'on observe ne sont pas probants. Dès lors qu'une théorie n'est pas validée par une expérience reproductible indéfiniment et en double aveugle, ce n'est qu'une théorie bancale, qui fonctionne bien dans certains cas, et pas du tout dans d'autres. Pour moi, ce ne sont pas des sciences. C'est discutable, mais c'est mon approche.
La composition n'est pas une démarche scientifique car elle n'a pas l'objectif des sciences. Elle se définit par l'application de règles plus ou moins strictes mais ce n'est qu'une méthode d'application. Pour moi, ce n'est pas de la science.
Titoulevrai
Connaitre puis comprendre, c'est pouvoir expliquer...
Analyser et recomposer les connaissances, c'est pouvoir prévoir...
Pouvoir... être capable de... n'implique pas qu'on franchisse l'étape!
ça me semble vrai en tout, science "exacte" ou science "molle".
Et la musique?
Et bien, il me semble que composer sans aucune connaissance est à la source d'un art musical absolu... tandis que composer en ayant franchi tout ou partie des étapes ci dessus est forcément un compromis où science et art se marient!
Je ne commente pas, je constate, après on verra...
Heureux les musiciens sans connaissance?!
Heureux les simples d'esprit car....
a.k.a
Citation : Hhhhmmmmmmmmmmmm.... quel beau sujet!
Merci, et merci de te joindre à nous !
Science "molle" s'opposait ici à "dure", dans lesquels on fait de la vraie science, puisqu'on manie des équations, des chiffres, des symboles, et des trucs abstraits...tiens, c'est marrant, j'ai l'impression que c'est aussi ce qu'on fait en philo...
a.k.a
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