En vis-à-vis de ses enregistreurs H1, H2, H4 et H6, Zoom a imaginé un capteur audio à la hauteur des excellents iPhone, iPod Touch et iPad de dernière génération.
Leader écrasant des enregistreurs de poche pour musiciens avec son célébrissime H2 et ses déclinaisons H1, H4n et H6, Zoom n’a finalement, dans la gamme où il se situe, qu’un seul véritable concurrent : le smartphone en général et l’iPhone, en particulier. Un téléphone ? Oui. Mais un téléphone pour lequel il existe une belle gamme de micros signés Tascam, Fostex, Blue ou Rode, pour ne citer que les principaux. Et un téléphone qui, s’il est inférieur sur bien des points aux enregistreurs de Zoom en termes d’autonomie et de connectique, n’en demeure pas moins supérieur sur quantité d’autres, tant fonctionnels qu’ergonomiques. Là où Zoom propose un enregistreur offline, Apple propose un véritable petit ordinateur de poche Multimedia et connecté. Doté d’une caméra filmant en Full HD, l’iPhone dispose d’applis et de fonctions qui renvoient tous les dictaphones du marché à l’âge de pierre : outre le Wi-Fi et la gestion des réseaux sociaux ou du cloud, il est ainsi une plateforme autrement plus efficace et puissante qu’un H2n ou même un H6 lorsqu’il s’agit de faire de l’édition, du traitement ou du montage audio et de s’inscrire dans un ‘workflow’ de production propre à certaines activités (journalisme, composition, etc.).
N’ayant ni l’aura ni les faramineux moyens d’Apple, Zoom n’en est pas moins intelligent. Et dans le sillage du proverbe anglais « if you can’t beat them, join them », le voici qui propose un micro pour iDevices de dernière génération : le Zoom iQ5. L’idée, c’est de pouvoir jouir sur son iPod Touch, son iPad ou son iPhone des technologies qui font le succès de la série H. Et c’est d’autant plus judicieux de la part de Zoom qu’il a une belle longueur d’avance sur ses concurrents en proposant, à l’heure où sont écrites ces lignes, le seul micro utilisant le connecteur Lightning, pourtant présent depuis deux générations dèjà.
Le décor étant planté, voyons l’engin d’un peu plus près.
Un Zoom au microscope
Livré sous emballage plastique sans le moindre étui, l’iQ5 a indubitablement un air de famille avec les enregistreurs du constructeur japonais et surtout avec le H1 que son capteur sphérique n’est pas sans évoquer. Capable d’enregistrer en stéréo en mode X/Y ou M/S, ce dernier est orientable sur deux axes contraints, pour s’adapter tant au mode de prise de son retenu qu’à l’orientation de l’iPhone. C’est bien vu car si l’enregistrement audio se fera souvent en mode portrait, l’usage de la caméra vidéo privilégiera quant à lui l’orientation paysage. Et pour que l’utilisateur ne soit jamais perdu, Zoom a pensé à indiquer au moyen d’une sérigraphie bien lisible ce qui correspond à la gauche, la droite et le centre de la zone de captation.
Le branchement se fait donc par le petit connecteur Lightning, qui présente l’avantage de ne pas avoir de sens de branchement mais l’inconvénient d’être sans doute plus fragile lorsqu’on utilise ce genre de protubérance, le connecteur étant plus profond et nettement moins large que l’ancien, ce qui rend physiquement les pressions sur l’accessoire plus dangereuses (on ne blâmera certainement pas Zoom sur ce fait mais bien Apple qui n’a pas pensé à ce genre de détail). Parce qu’il occupe toute la largeur de la tranche basse du téléphone, l’iQ5 se révèle hélas incompatible avec quantité de coques ou d’étui de protection. C’est donc tout nu que mon iPhone accepte l’accessoire qui, du coup, obstrue sa sortie casque. La chose n’a rien de problématique toutefois dans la mesure où l’iQ5 embarque sa propre interface audio et propose, à ce titre, une sortie casque sur le côté.
Près de cette dernière, un connecteur Micro-USB permet de relier l’iQ5 à n’importe quelle prise USB, non pour faire transiter des données, mais comme source d’alimentation supplémentaire que vous pourrez soit raccorder à un transfo prévu pour, une batterie externe ou un ordinateur. Une bonne idée qui permet, en partie, de s’affranchir des problèmes d’autonomie d’un iPhone dont la batterie est utilisée pour alimenter l’iQ5 et dont nous reparlerons.
Sur le côté opposé, une molette sert à régler le gain des microphones tandis que sur le dessus, on dispose de deux switchs : l’un pour sélectionner le mode de prise de son (MS ou XY avec un angle de 90 ou 120 degrés) et un autre pour activer l’auto-gain ou le limiteur, ou désactiver les deux. Précisons pour finir qu’une petite LED rouge située au centre témoigne de la mise sous tension de l’iQ5, et de cette dernière seulement : il ne s’agit en rien d’un voyant dont l’intensité ou les couleurs pourraient vous renseigner sur le niveau du signal capté.
Bref, inutile de dire que l’ensemble est plutôt complet pour la taille de l’engin. Voyons maintenant comment il se comporte à l’usage.
Test de iQ
Le branchement ne pose aucun problème particulier et l’iQ5 est correctement reconnu par l’iPhone 5 qui nous sert pour ce test. La première déconvenue concerne la compatibilité toute relative de l’accessoire avec certaines applis. Comprenez que si l’appareil ne pose aucun problème dans quantités d’appli, il se voit bridé par certaines autres : dans la très complète appli FiRe 2 (qui, depuis son rachat par Rode, a été renommée Rode Rec), il m’a ainsi été impossible d’avoir un retour son dans mon casque pendant un enregistrement même si le micro fonctionnait parfaitement, ce qui peut s’avérer gênant. Fort heureusement, je n’ai eu aucun problème de ce type avec MultiTrack DAW, Beatmaker ou Loopy HD, pour n’en citer que quelques-uns.
Par ailleurs, Zoom propose HandyRecorder, une appli gratuite dédiée aux possesseurs de l’iQ5. Cette dernière reprend de manière photoréaliste le design et l’ergonomie des enregistreurs Zoom de la série H : une bonne chose pour ceux qui les connaissent et ne seront ainsi pas trop dépaysés mais une bien mauvaise chose dans la mesure où, fonctionnellement comme ergonomiquement, tout cela est très rustique : de la navigation dans les menus et sous-menus old school à l’impossibilité de renommer les fichiers en passant par les lacunes en termes de formats disponibles (WAV & AAC only) et d’options de partage (Soundcloud seulement, mais pas d’e-mail, de Dropbox, de Google Drive ou de FTP), c’est peu dire que Zoom n’est pas à la hauteur de ce que permet logiciellement un iPhone. Et on a beau disposer d’une section d’effets toujours bonne à prendre (EQ, Reverb et Mastering qui rassemble des traitements dynamiques et de spatialisation), les fonctions d’édition simplistes couplées à l’impossibilité de se mettre en vue paysage font qu’on s’agace plus qu’autre chose à utiliser cette appli quand il y a tellement mieux ailleurs.
Au rayon autonomie, un petit test confirme que le couple iQ5 + iPhone s’en sort plutôt pas mal même s’il est loin d’offrir la longévité des enregistreurs à piles (d’autant que changer des piles se fait autrement plus vite que de recharger un appareil). Avec 5% de la batterie de mon téléphone, j’ai pu enregistrer un tout petit peu moins de 15 minutes d’audio en WAV avec les micros configurés en XY à 90° et le préamp sur auto-gain, tout en monitorant le tout avec mon casque. Le résultat est d’autant plus honorable que je n’ai pas spécialement cherché à optimiser la consommation électrique de l’appareil : luminosité normale réglée au tiers, et géolocalisation, Bluetooth, Wi-Fi et réseau cellulaire activés.
15 mn pour 5 % ? Voici qui nous promet une autonomie moyenne de 5 heures pour l’iPhone et l’iQ5, même s’il s’agit là d’une projection dont il faudra se méfier tant elle est soumise au contexte : suivant l’état de votre batterie (mon iPhone est neuf), le fait que vous vous déplaciez ou non ou encore l’appli utilisée, cette donnée tout indicative sera soumise à de grosses variations. Lorsqu’on passe en mode vidéo, on se rapproche d’ailleurs dans les mêmes conditions d’un ratio d’1 % d’autonomie pour un peu plus d’1 minute d’enregistrement en 1080P en 24 images secondes, ce qui n’étonnera personne…
Bref, l’iQ5 n’est pas aussi énergivore qu’on aurait pu le penser, mais dans un contexte nomade et sans possibilité de recharge, il montrera ses limites en termes d’autonomie face aux batteries amovibles des enregistreurs de poche et des caméscopes, à moins bien sûr de lui adjoindre une de ces batteries USB qu’on trouve pour une cinquantaine d’euros, mais qui peuvent vite s’avérer encombrantes lors d’un enregistrement ou d’un tournage mobile.
Reste à parler audio.
Play Record
L’enregistrement tient toutes ses promesses dans la mesure où l’on fait un bond quantitatif non négligeable en passant du micro de base de l’iPhone à l’iQ5 : au-delà de la stéréo, les hauts médiums sont nettement moins agressifs et on gagne beaucoup de détails aux deux extrémités du spectre, cependant que le bruit de fond, bien que présent (un micro stéréo n’est pas un micro canon, même en mode MS), compromet beaucoup moins l’intelligibilité du sujet de l’enregistrement. Bref, on passe vraiment d’un son de téléphone à celui d’un enregistreur de champ type Zoom H1 et c’est vraiment le jour et la nuit en toute situation : que ce soit pour enregistrer une guitare/voix à la maison, reprendre un concert bruyant dans une salle de concert (merci le limiteur intégré et le réglage du gain manuel), une interview ou encore une mélodie fredonnée dans le métro.
Voyez d’ailleurs la comparaison entre le micro de l’iPhone et l’iQ5 sur une même source (les deux iPhones étant posés l’un sur l’autre pour que les capteurs soient les plus proches possibles, et l’iQ5 en configuration XY à 120° avec le mode Auto-gain enclenché).
- 1 iPhone OriginalMic 00:24
- 2 iQ5 00:24
En comparaison d’un H4n du même constructeur, force est de constater que les deux appareils ont un air de famille, favorisant le bas du spectre plutôt que le haut, contrairement à ce qu’on trouve chez Olympus par exemple. Il y a certes des différences sur le plan spectral, mais on se gardera toutefois de les interpréter à la va-vite. Là encore, les deux appareils sont posé l’un sur l’autre et du coup, les quelques centimètres de différence pouvant expliquer ces disparités.
Loin de moi l’idée toutefois de dire que l’iQ5 transforme l’iPhone en H4n. Disons juste qu’à choisir, l’iQ5 est nettement plus proche du son d’un Zoom H que de celui du capteur de base dont Apple équipe ses téléphones.
- 3 iPhoneIQ5 00:28
- 4 H4n 00:28
Il n’est pas inutile de le souligner : ce gain qualitatif de la captation audio profite grandement aux vidéos que vous pouvez tourner avec votre téléphone. La possibilité d’orienter la capsule pour s’adapter à l’usage en mode portrait prend alors tout son sens. Pour peu que vous soyez équipé d’un complément d’optique comme l’Olloclip par exemple, vous voilà ainsi à la tête d’une solution qui, si elle ne fera pas d’ombre aux camescopes dédiés (à plus forte raison quand ces derniers disposent d’une stabilisation optique), ridiculise plus d’un PocketCam en termes de qualité comme de fonctionnalités. Seul bémol : l’autonomie comme évoquée plus haut, et les contraintes que peuvent poser ces différents accessoires en termes de compatibilité avec les coques de protection.
Mais encore une fois, le vrai plus du couple iPhone + iQ5 tient surtout à la richesse de l’écosystème logiciel iOS et au concentré de fonctionnalités dont disposent les smartphones Apple : avec quelques bonnes applis, vous voilà capable de faire relativement simplement n’importe quelle tâche d’édition, traitement, conversion ou transfert. Et c’est très agréable de ne pas avoir à s’encombrer d’une ordinateur portable juste pour pouvoir nettoyer et découper un enregistrement puis mettre le tout sur un FTP ou une Dropbox…
Conclusion
Sans parler du fait qu’il est pour l’heure le seul micro disponible au format Lightning, il n’y a pas grand-chose à dire de négatif sur le Zoom iQ5 qui tient toutes ses promesses. D’aucuns lui préfèreront sans doute l’usage d’un bon vieux H2 ou H4 pour des raisons d’autonomie, mais force est d’admettre que le petit accessoire de Zoom complète idéalement l’iPhone et devrait faire le bonheur de plus d’un utilisateur, qu’il s’agisse d’un musicien nomade, d’un journaliste ou d’un blogueur. C’est sans doute sur la partie logicielle qu’on aura le plus de regret, Zoom s’étant vraiment contenté du minimum syndical quand il aurait été plus simple et productif de s’attacher les services de développeurs iOS spécialisés. Mais la chose se compense aisément pour quelques euros et pour le reste, c’est du tout bon…
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