Il est bientôt temps pour moi de rapporter mon costume de donneur de leçons au Kiabi du coin et de profiter enfin des vacances scolaires chères à notre pauvre corps enseignant. Mais je ne vous laisserai pas prendre le soleil de cette fin de saison sans apporter la conclusion à cette petite série de tutoriels.
Vous savez comment régler vos basses (voyez ici pour les passives et là pour les actives), il s’agit maintenant d’entendre les subtilités qui feront sonner votre ampli. Commencez par lire cet ancien dossier faisant la lumière sur les composantes de vos amplis, puis revenez sur cette page pour passer à la pratique !
Gain d’entrée et volume de sortie
Jetons-nous à corps perdu dans le vif du sujet et pour commencer, nous allons nous concentrer sur la première étape du bon réglage qui consiste à ajuster son gain et son volume de sortie (qui, nous le verrons, sera à réajuster en dernier lieu). Comme vous avez pu le lire dans le précédent guide, lorsque votre ampli propose un gain et un volume (que l’on appelle aussi Master), il vous est alors possible de faire pousser l’attaque de votre instrument.
Le master réglant le volume de sortie de l’amplificateur de puissance et le gain le niveau de sortie du préampli en amont, il est nécessaire, avant de définir votre volume final, de donner à votre signal un gain approprié. Ainsi, il vous sera possible de passer à un grain plutôt discret et clair à un son plus mordant, voire vociférant ou gerbant (pour les amateurs de distos).
La chose se passe donc ici, à cette étape préliminaire qui consiste à faire la balance entre volume général et gain d’entrée.
— Pour un signal clair, la règle est simple : le Master doit toujours dominer le gain.
— Pour un signal mordant : il faut que le niveau du gain suive ou dépasse légèrement celui du Master, jouez sur cette limite et vous allez vite entendre votre son railler. Un son mordant peut passer dans bien des styles et si votre ampli le permet, c’est une teinte sonore qui est accessible sans avoir à investir dans une pédale.
— Pour obtenir une distorsion plus ou moins élevée : pousser le gain au-dessus du master avec plus ou moins d’excès en fonction de votre humeur du jour, mais surtout, du répertoire que vous avez à jouer.
NB : Le réglage du gain influera sur la pertinence de l’égalisation et sur le rendu de certaines harmoniques.
— L’ajustement du gain se fait en fonction du jeu, de l’instrument joué et de l’ampli employé.
— Certaines marques proposent des témoins permettant de faciliter cet ajustement, vos oreilles demeurent tout de même votre meilleur allié pour mener à bien cette mission.
— Tous les amplis ne sont pas bons à faire saturer.
— Ajustez vos volumes avec précaution et surtout méfiez-vous de la position du master avant de jouer une note. Un cœur c’est fragile et les tympans le sont encore plus !
Liberté, Egalisez, Fraternité
Le niveau de votre signal étant ajusté, on va maintenant le sculpter un peu. Mais plutôt que de parler de reformer un signal déjà existant (rappelez-vous, vous avez déjà passé du temps à régler les potards de votre basse), on va juste le rendre plus pertinent (en fonction du style joué) et le sublimer un peu de manière toujours contextuelle.
Vous devez donc prendre en considération le grain de votre instrument au moment de régler l’égaliseur. Car ce qu’il faut éviter avant tout est d’avoir des réglages contradictoires ou superflus entre l’égaliseur de l’ampli et le set-up de votre basse chérie. Plutôt que de vous donner des clichés de réglages (qui ne sonneront pas de la même manière d’une basse à l’autre et d’un ampli à un autre), je vais donc commencer par vous donner la fonction de chacune des tranches de fréquences proposées sur un égaliseur. Je rappelle à chacun que la plupart des amplis proposent des égaliseurs qui poussent ou coupent les fréquences. Pour parler gaulois, je tiens juste à souligner que l’incrémentation ne part pas de zéro pour aller vers le maximum, mais de valeurs négatives vers le positif (en soi le zéro correspond à la position centrale du potard). Si vous passez en-dessous de zéro, vous allez retirer des fréquences (cut) et si vous allez dans le sens contraire, vous allez pousser leur signal (boost).
- Les grave (bass) : c’est le bouquet de fréquences qui va définir ce que les anglophones nomment le Low-bottom et ce qui constitue dans l’inconscient collectif, nos fréquences de prédilection. On ne sera donc pas surpris plus que ça de voir ce potard généralement au-dessus du zéro et rarement en-dessous. Les graves vont définir la profondeur de votre signal, son assise dans les graves (sa rondeur) ainsi que son épaisseur : les graves constituent l’un des deux extrêmes de la courbe de votre son. Il faut donc les ajuster avec précaution pour trouver un bel équilibre.
- Les médiums (mids) : sous la forme d’un seul ou de deux potards (low mids – high mids), les fréquences médiums apportent le punch de votre signal. Leur niveau va définir la clarté de votre jeu et si vous disposez d’un réglage double (ou d’un semi-paramétrique), il vous est alors possible d’ajuster les différentes tranches de médium en fonction de votre type de jeu. Les bas médiums sont, par exemple, ultra efficaces pour mettre en valeur des notes jouées aux doigts, tandis que leur tranche plus haute va sublimer un jeu plus percussif (slap, doigts). Les médiums constituent la structure centrale de votre son, si vous les montez, ce dernier sera plein, si vous les coupez, il sera creux. Pour mettre en valeur un jeu percussif il peut être intéressant de creuser le son ou au mieux de baisser les bas médiums. Pour un son punchy, il faudra au contraire en ajouter. C’est donc une tranche de fréquences que l’on peut considérer comme un réel pivot, pour donner au grain une direction.
- Les aigus (treble) : On a beau être bassistes, les aigus sont nos amis, ne les condamnons pas ! Même s’il n’est pas nécessaire de mettre à tout prix en exergue le registre le plus haut de nos fréquences, il faut rappeler qu’un peu de brillance ne nuit jamais au signal. La dynamique qu’apportent les aigus est à la fois primordiale à la pulsion qui caractérise notre jeu, elle est aussi tout à fait complémentaire aux réglages des médiums. Car un bon ajustement des fréquences hautes mettra en valeur les fréquences intermédiaires.
Mes conseils pour ajuster l’égaliseur:
— L’égaliseur est pour moi le moyen de combler certains vides propres au type d’instrument utilisé ou au jeu pratiqué. Il faut donc bien connaître son instrument et prendre du recul sur son jeu personnel pour combler les fréquences qui manquent et couper celles qui paraissent excessives. Jouez la carte de la modération quand vous tournez les potards de votre ampli, sublimez votre grain, ne le surchargez pas et ne le bâillonnez pas. L’équilibre reste le maître mot.
— Quand vous jouez sur un ampli pour la première fois, je vous conseille de tester chaque bande indépendamment, en plaçant les deux autres sur le zéro afin de vous familiariser avec les corrections particulières qu’apporte chaque ampli. Partez de la valeur la plus négative tout en jouant un Ré ou un Sol à vide et poussez la bande à fond, juste pour entendre son effet sur le signal. Puis passez à la seconde bande et la troisième. Il sera plus aisé de procéder à l’égalisation.
— Évitez les clichés : ça n’est pas parce que votre collègue règle son ampli comme ci que vous sonnerez comme ça ! On joue de la musique, on ne fait pas de la chimie. Il n’y a pas de formule miracle, si ce n’est le travail de vos oreilles et votre aptitude à comprendre un son entendu. Apprenez à le reproduire en fonction de votre matos personnel et de votre jeu, c’est plus fastidieux que de copier bêtement sur le voisin, mais cela a le mérite de faire grandir le musicien intelligent qui est en vous. Chaque musicien à une manière d’entendre et de jouer différente, personnellement je trouve qu’une bonne égalisation doit aussi mettre en valeur cette spécificité sonore. Et n’oubliez pas, même si vous jouez un style particulier, rien ne vous empêche de sortir des sentiers battus. Jouer du reggae ne veut pas forcément dire avoir un grain rond et mou, faire du rock ne se traduit pas forcément par régler son ampli à toutes blindes…
— Évitez de couper drastiquement l’une des bandes, les extrêmes n’étant pas plus efficaces en musique qu’en politique. Il n’y a rien de pire qu’un son trop sourd ou trop brillant à la basse et ces deux maux commencent généralement par un mauvais réglage d’ampli, pour être parfois relayé par une ingénierie sonore médiocre.
— Prenez en compte l’avis et le grain de vos collègues au sein de l’orchestre : votre signal doit passer à travers l’ensemble sans écraser les autres ou se confondre avec eux dans les fréquences diffusées. On est souvent à cheval sur les mêmes fréquences avec les guitaristes, certains pianos électriques (comme le Rhodes), ou d’autres instruments qui partagent des plages de fréquences similaires aux nôtres.
— Les filtres supplémentaires, Boost ou Cut sont à utiliser avec parcimonie : personnellement je ne les emploie pas du tout. Même si la chose peut rendre service en dernière minute, elle reste définitivement moins précise qu’un bon vieux potard ou un égaliseur graphique. Au pire, vous pouvez l’employer pour gagner du temps si, pour une raison ou pour une autre vous deviez pousser certaines fréquences de votre signal, au mieux vous vous en passerez, car leur action est souvent trop excessive.
— Prenez aussi en compte les spécificités sonores de votre environnement : le type de salle dans laquelle vous jouerez, son revêtement de sol, ses murs, son taux de remplissage vous obligeront forcément à réajuster vos réglages.
Réajustez votre volume général et…
Vous êtes prêts ! Comme les fréquences ont poussé un peu le niveau du gain, il est nécessaire d’ajuster le volume de sortie par rapport à ce dernier, mais aussi en fonction du niveau de l’orchestre. Pour cela, partez du principe qu’on entend toujours trop la basse et modérez le niveau de votre signal personnel. Pour ma part, je joue toujours trop fort, à ce que l’on raconte, mais c’est aussi parce que je suis à moitié sourd ! Travaillez en intelligence (si cela est possible) avec l’ingénieur du son (s’il y a un). Partez du principe que c’est lui qui gèrera votre grain passant par la sono, soyez toujours attentif à son travail, car en fonction de lui dépendra l’écoute finale du public. Profitez de la balance pour obtenir un grain plaisant pour vous, mais aussi et surtout pour les autres. Car n’oubliez pas qu’on joue aussi pour eux !