Relégué au rang de gros iPhone par les sceptiques lors de sa première présentation, l’iPad a depuis révolutionné le marché de l’informatique nomade et donc, entre autres, celui de la MAO. Une bonne raison pour faire le point sur ce phénomène, à commencer par le détail de l’offre d’Apple en la matière.
Pionnier du marché tactile, l’iPad garde toujours une belle longueur d’avance sur les tablettes Android dès qu’on parle audio ou musique : non seulement on trouve plus de périphériques dédiés ou compatibles pour ce dernier, mais on dispose surtout de nettement plus d’applis, de la plus récréative à la plus pro et ce dans quantité de domaines : instruments ou effets virtuels, séquenceurs, surfaces de contrôle, instruments de mesure, etc.
La chose pourrait paraître surprenante dans la mesure où les tablettes utilisant l’OS de Google disposent généralement d’une connectique plus fournie et surtout plus universelle, tandis que le côté Open Source d’Android aurait a priori tout pour attirer les faveurs des développeurs… Oui, sauf que pour gérer le son sur les iDevices, Apple s’est servi des développements faits pour Mac OS X (et donc de Core MIDI et Core Audio), là où Google a négligé cette partie de son OS. Résultat : les tablettes Android sont handicapées par une latence qu’on ne trouve pas sur iPad ou iPhone. Une latence qui n’a rien de minime puisqu’on parle de plus de 370 ms là où les iDevices parviennent à se maintenir sous la barre des 10 ms, ce qui procure l’impression d’interagir en temps réel avec une appli, et non en différé. Bref, en attendant que Google corrige le tir (lors des dernières mises à jour, on se rapprochait déjà des 100 ms mais c’est encore bien trop), la plateforme Android n’a pour l’heure rien de très séduisant pour les développeurs d’applications musicales ou audio, tout comme pour les constructeurs de périphériques dédiés (bien qu’IK Multimedia vienne enfin d’annoncer le portage de sa gamme d’interfaces et contrôleurs sous Android, ce qui est de bon augure pour la suite). Et vu que Microsoft vient à peine d’arriver sur ce marché avec un produit encore pauvre en applications, l’iPad demeure bien la seule tablette envisageable pour un usage audio ou musical.
Sans même parler de latence, il faut aussi admettre que si Android comble peu à peu son retard sur iOS dans les compartiments logiciels comme matériel, il demeure dans bien des cas un cran au-dessous, notamment en ce qui concerne l’entrée de gamme : certes, les Français d’Archos vendent des tablettes à moins de 200 €, mais les produits situés dans cette gamme de prix sont inférieurs à ceux du leader sur quasiment tous les plans essentiels : qualité de l’écran, réactivité de la dalle et de l’OS. Bref, même si Samsung, Amazon et Google ont laissé entrevoir de belles choses avec leurs produits respectifs, Apple garde encore, pour l’instant, la tête…
N’allez pas après en conclure que l’iPad est un produit parfait : loin de là. Utilisateur depuis plus de deux ans d’un iPad 2, je me suis amusé à relever une liste non exhaustive et tout à fait subjective des qualités et défauts de la tablette :
Qualités
- Autonomie
- Intuitivité
- Logithèque abordable, conséquente et variée
- Une ergonomie et une intelligence dans l’interaction qui permet à nombre d’applis d’être réellement innovantes
- Qualité de l’écran
- Réactivité de la dalle tactile
- Bon choix de périphériques dédiés ou compatibles
- Pas de latence audio perceptible
- Complémentarité avec les autres iDevices
Défauts
- Connectique pauvre et propriétaire
- Prix, surtout si vous envisagez d’enregistrer de l’audio avec, le modèle 16 Go pouvant vite se montrer trop juste
- Pas de vrai multitâche et une tendance, donc, à fractionner le workflow (1 appli sert à une chose seulement et il faut donc souvent conjuguer plusieurs applis pour parvenir à accomplir certaines tâches complexes)
- Très peu de boutons physiques et dont Apple interdit fermement le détournement
- Micro embarqué et convertisseurs de piètre qualité (comprenez de qualité Smartphone)
- Beaucoup d’applis qui tiennent plus du gadget multimédia que du vrai logiciel de musique, et même quelques beaux attrape-nigauds…
- Mauvaise préhension de la tablette : certains modèles trop lourds, et dos de toute la gamme trop lisse et trop droit.
Voyez qu’Apple a une belle marge de progrès et que ce soit Microsoft avec la cover/clavier de sa surface et le vrai multitâche de Windows 8, ou encore Sony et Google avec les dos plus ergonomiques de la S2 ou de la Nexus, on sent que la concurrence est prête à s’engouffrer dans ces failles. Il faut d’ailleurs remarquer que l’iPad, depuis sa version 2 (qui elle-même n’était pas une révolution de l’iPad 1) n’a quasiment pas changé, si ce n’est en proposant plus de pixels, plus de mémoire, plus de puissance. Bref, de l’upgrade convenu, reléguant le peu d’innovation du côté d’iOS, et un leader qui semble s’endormir sur ses lauriers donc, au point que la prochaine génération d’iPad aura intérêt à apporter du neuf si elle ne veut pas se faire grignoter ses parts de marché par le conglomérat qui lui fait face.
iPad 2, 3, 4 ou iPad mini ?
Pour des raisons de performance, de logithèque ou de la richesse de l’offre en matière de périphériques dédiés, aller vers un iPad plutôt que vers une tablette Android est donc une question de bon sens, et les Applephobes seront ravis
d’apprendre que la bestiole fonctionne très bien dans le contexte de Windows, d’autant que depuis les derniers OS, on peut tout à fait se passer d’iTunes pour la gérer (une bonne nouvelle vu qu’iTunes sous Windows est une calamité). Reste à choisir l’iPad qui vous convient, Apple ayant récemment compliqué son offre. Vous aurez ainsi à choisir entre l’iPad Mini, l’iPad 2 et l’iPad 4. Chaque modèle est disponible en 3G ou en Wi-Fi et en vis-à-vis de l’iPad 2 qui n’est dispo qu’en version 16 Go, l’iPad Mini comme l’iPad 4 se décline en version 16, 32 ou 64 Go.
Evacuons déjà le choix entre Wi-Fi et 3G qui se résume à savoir si vous souhaitez disposer, au prix d’un abonnement supplémentaire et d’un surcoût non négligeable lors de l’achat de l’appareil, d’une connexion Internet permanente ou si vous pouvez vous contenter du Wi-Fi. Personnellement, j’aurais tendance à choisir cette dernière solution, vu que les Hotspots Wi-Fi gratuits sont aujourd’hui nombreux en ville et que le réseau 3G est relativement saturé. Si vous disposez d’un iPhone, sachez d’ailleurs que vous pouvez utiliser ce dernier comme modem via le Bluetooth, de façon à ce que votre iPad profite du réseau 3G. Bref, pour quantité d’usages et à moins d’avoir un usage permanent d’Internet, un modèle Wi-Fi suffira.
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Parlons à présent de la capacité de votre tablette : 16, 32 ou 64 Go ? Répondre à cela consiste à savoir ce que vous voudrez en faire : votre iPad sera-t-il consacré à la musique uniquement ou l’utiliserez-vous de manière plus généraliste, pour surfer, lire des ebooks, voir des films, etc. ? Si tel est le cas, il va sans dire qu’entre les applis et les médias, vous vous sentirez vite à l’étroit sur un modèle 16 Go, même en utilisant des systèmes de sauvegarde dans le Cloud (ce qui pose le problème de la connexion Internet en cas d’usage nomade)… Et quand bien même vous auriez un usage uniquement musical de votre tablette, faites attention aux limites posées par un iPad à 16Go : s’il ne s’agit que de faire du contrôle MIDI, cette contenance suffira, mais si vous comptez utiliser votre tablette pour faire de l’enregistrement audio, vous pouvez vite arriver à saturer votre mémoire.
Penchons-nous enfin sur les différences entre les 3 modèles, en termes de processeur et d’écran : si l’iPad Mini est, de par son gabarit, beaucoup plus portable et enclin à un usage nomade, rappelons que ce dernier n’est jamais rien qu’un petit iPad 2 en termes de specs : mu par le même processeur que ce dernier, il dispose du même écran (non Retina) en plus petit. De fait, à l’usage, on passe beaucoup de temps à zoomer et dézoomer sur iPad Mini et à moins de valoriser fortement sa compacité, il est urgent d’attendre l’iPad Mini 2 qui, selon toute vraisemblance, évoluera vers un écran Retina et un processeur plus puissant.
D’ailleurs, puisqu’on en parle du processeur, signalons là encore que la chose est question de l’application que vous utiliserez : une appli de contrôle MIDI simple pourra très bien se satisfaire du processeur d’un iPad 2 tandis qu’une DAW comme Auria, intégrant un traitement à convolution, tirera partie de la puissance de calcul du dernier iPad 4.
Reste un micro-détail à évoquer et qui a pourtant une grande importance : le connecteur de l’iPad. Changé sur les dernières générations d’appareil (iPad 4 et Mini donc, ainsi qu’iPhone 5), il est un bon moyen pour Apple de rendre obsolète quantité de périphériques dédiés aux iPad des trois premières générations… et de vendre de nouveaux cordons, de nouveaux adaptateurs, de nouveaux périphériques ou coque, soit tous ces accessoires sur lesquels Apple fait son beurre, et ses épinards. Quoi qu’on pense de la chose, on se retrouve donc dans une situation particulière : l’iPad 2 dispose d’un très grand nombre de périphériques dédiés là où l’iPad 4 et l’iPad Mini ne proposent pas grand-chose d’autre que du bricolage à coup d’adaptateur.
De fait, voilà qui redonne de la pertinence à l’iPad 2, voire à l’iPad 3 même si ce dernier n’est qu’un iPad 2 Retina.
A la lueur de ce bazar pommesque, on attendra avec impatience les prochains salons NAMM et Musikmesse pour voir ce qu’Alesis, Tascam, M-Audio, IK Multimedia ou Fostex vont proposer pour exploiter ce nouveau connecteur. Mais pour l’heure, c’est le néant et le règne de l’obsolescence programmée quoi que vous achetiez. Carton rouge à Apple pour ça.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, voici un résumé de l’offre qui vous aidera à choisir en fonction de vos besoins et de votre budget :
Modèle |
Taille |
Retina |
Proc. |
Capacité |
Connecteur |
Prix |
iPad Mini Wi-Fi |
7,9“ |
Non |
A5 |
16, 32 ou 64 GB |
Lightning |
De 339 à 544 € |
iPad Mini Wi-Fi 3G |
7,9“ |
Non |
A5 |
16, 32 ou 64 GB |
Lightning |
De 469 à 574 € |
iPad 2 Wi-Fi |
9,7" |
Non |
A5 |
16 GB |
30 broches |
409 € |
iPad 2 3G |
9,7" |
Non |
A5 |
16 GB |
30 broches |
529 € |
iPad 4 Wi-Fi |
9,7" |
Oui |
A6X |
16, 32 ou 64 GB |
Lightning |
De 509 à 714 € |
iPad 4 3G |
9,7" |
Oui |
A6X |
16, 32 ou 64 GB |
Lightning |
De 639 à 844 € |
Notez qu’il existe bien d’autres différences entre les modèles (résolution des caméras vidéo, processeur graphique, etc.) mais ces dernières étant peu pertinentes pour un usage audio ou musical, j’ai préféré faire simple. Et comme Apple dresse sur son site un comparatif exhaustif de ses différents modèles, je vous renvoie sur cette page.
Et qu’est ce que je vous conseillerais moi ? D’opter pour un modèle 32 Go qui me semble un bon compromis en termes de capacité. D’éviter l’iPad 1 à moins de le trouver à un prix dérisoire car il est clairement obsolète aujourd’hui. D’éviter l’iPad Mini également puisqu’en dehors de sa compacité, ce n’est qu’un bête iPad 2 un peu trop cher pour ce qu’il propose. Et de porter votre attention sur 3 possibilités : iPad 4 si vous avez les moyens, et iPad 3 ou iPad 2 si vous en trouvez d’occasion. A vous de voir.
La seule question qui ne se pose pas en revanche, c’est de savoir s’il vaut mieux acheter un iPad ou un ordinateur portable, la comparaison des deux n’ayant pas lieu d’être.
iPad vs ordinateur…
A considérer le prix du haut de gamme iPad par rapport à celui d’un PC portable ou d’un MacBook Air autrement plus puissants et polyvalents, il ne fait aucun doute que l’iPad semblera cher aux yeux de certains. Toutefois, il faut bien comprendre que tout en ayant des domaines de recouvrement (activités Web notamment) qui font qu’une partie du grand public va acheter une tablette plutôt qu’un ordinateur, l’iPad et le portable ne sont pas du tout comparables, que ce soit en termes de performances, de logithèque ou de fonctionnalités. Ils sont de fait réellement complémentaires, l’un ou l’autre étant plus pratique pour certaines tâches. D’ailleurs, si l’iPad devait être concurrent de quelque chose, ce serait bien plus de la souris que de l’ordinateur : entre sa dimension tactile et ses capteurs de mouvement, d’image ou de son, il offre une expérience autrement plus riche en termes de contrôle que celle d’un mulot, à l’instar du Kinect de Microsoft.
…ou pas d’iPad du tout ?
Un dernier mot enfin sur le statut de l’iPad que quantité de gens prennent encore pour un gadget technologique n’apportant pas grand-chose vis-à-vis d’un ordinateur. Si ce point de vue semble dépassé dans bon nombre de domaines au point que les logiciels traditionnels ou les sites web s’inspirent désormais des tablettes et de l’ergonomie tactile, qu’en est-il du domaine spécifique de l’audio et de la musique ?
La réponse tient dans le polymorphisme de la tablette qui, en dépit de son prix onéreux au premier abord, est susceptible de se transformer en ersatz de nombreux équipement et donc, de rendre de nombreux services : surface de contrôle pour DAW, contrôleur MIDI pour instrument, synthétiseur, effet, séquenceur, arpégiateur, mais aussi gestionnaire de sets, outil d’écriture, générateur de Track Sheets, etc. Bref, l’iPad n’a pas son pareil pour se rendre utile, et pour peu qu’on l’accepte comme un outil complémentaire, il trouve sans problème sa place au sein de l’écosystème musical, comme nous le verrons lors d’un prochain article.