De nos jours, la compression dynamique du son est partout. Elle est souvent utilisée lors de l'enregistrement d'instruments acoustiques. Elle peut être présente dans le dernier tube à la mode, enregistré sous forme de CD 2 titres. Elle est utilisée une fois de plus lorsque ce même tube passe à la radio.
On trouve également la compression à d’autres endroits, moins évidents, comme dans les grands magasins ou encore dans le métro : pour que la voix soit la plus intelligible possible, un compresseur de dynamique est systématiquement utilisé dans les lieux où il y a beaucoup de bruit ambiant.
Après avoir expliqué la théorie de la compression dynamique du son dans la partie I de ce dossier, nous allons donc passer à l’action, au travers de plusieurs cas concrets. Le but est ici de maîtriser un peu plus l’outil de compression et de voir certaines de ses applications .
Compression d’une guitare
Commençons par donner l’exemple de la compression d’un instrument acoustique. Vous avez à disposition un petit solo de guitare nommé « [mp3=158]guitare_non_compressee.mp3[/mp3] ». Comme son nom l’indique, cet échantillon sonore est un simple enregistrement de guitare électrique, sans compression (avec une légère distorsion et une réverbération discrète cependant, dues à l’utilisation d’un Boss VF1 en guise de préamplificateur).
En jouant le son dans Sound Forge, vous remarquez qu’il y a des passages du solo pendant lesquels le son est particulièrement fort (par exemple à cinq secondes et quelques dixièmes), alors que le reste du son est de niveau moyen (aux alentours de –9 dB). Si vous voulez homogénéiser le son, en augmenter son énergie, vous pouvez faire appel à la compression. Dans notre exemple, nous allons utiliser une compression adoucie, appelée « Soft knee ». Celle-ci possède la particularité de rendre plus progressive la transition entre le son non compressé (c’est à dire lorsque le niveau du son avant traitement est plus faible que le seuil de compression) et le son compressé (i.e. quand le niveau du son avant traitement a dépassé ce seuil).
Pour mémoire, le compresseur se déclenche à partir d’un certain seuil (appelé threshold) du niveau sonore en entrée de ce dernier. Rappelons aussi que lorsqu’il est actif, le compresseur suit une enveloppe simplifiée (attaque, maintient et relâchement), que vous pouvez définir à l’aide des curseurs « attack » et « release » de la fenêtre Dynamics Graphics (le maintient étant guidé par le niveau du son en entrée). En bas de cette fenêtre, le ratio de 2:1 indique un taux de compression relativement faible, ce qui permet de rendre le traitement assez transparent.
En pratique, le fait que l’on soit dans le mode « soft knee » signifie que le ratio de compression est fonction du niveau sonore en entrée. Ainsi, il est globalement de 2:1, mais est en fait plus faible lorsque le son en entrée est proche du seuil, et plus élevé lorsque le son en entrée se trouve entre –15 et –12 dB (voir le schéma ci-dessous). Le son est donc davantage déformé aux très hauts niveaux sonores. Le diagramme de transfert suivant met en avant cet aspect.
1 et 2 : ratios de respectivement 7:2 et 5:3 (compression de dynamique)
3 : niveau de référence, ou seuil
4, 5 et 6 : ratios de 4:5, 3:7 et 1:7 (extension de dynamique)
Pour vous rendre compte du résultat de ce type de compression, commencez par charger le son « [mp3=158]guitare_non_compressee.mp3[/mp3] » dans Sound Forge. Vous constaterez que le petit solo de guitare possède une dynamique assez grande, et descend plusieurs fois à –30 dB. Ceci est parfait si le solo doit être intégré dans une musique très aérée, c’est à dire avec peu d’instruments, ou bien des instruments prenant peu de place (par exemple un morceau de soft jazz avec une batterie et une basse calmes, ainsi que la fameuse guitare, et rien d’autre). C’est comme lorsque l’on est en petit comité : il n’est généralement pas nécessaire d’augmenter le niveau de sa voix pour se faire entendre… En revanche, dans un morceau de hard rock chargé d’instruments excités, la guitare devra, pour être elle aussi bien présente, subir une compression dynamique (notons au passage que la distorsion est une forme de compression de dynamique).
Pour compresser l’enregistrement de guitare, allez dans « Effects > Dynamics > Graphic » et choisissez la présélection (preset) dénommée « Soft Knee compressor / gate –24dB threshold ». Cet effet combine en fait un compresseur progressif (soft knee), ainsi qu’une porte de bruit (gate) qui permet de supprimer partiellement le bruit de fond de l’enregistrement, lorsqu’aucun son ne sort de la guitare (mis à part le bruit de fond intrinsèque au système). Vous obtenez alors un solo plus présent, même lorsque le jeu est doux, et dont les détails sont mis en avant, comme par exemple le frottement des doigts sur les cordes. Si vous voulez écouter le résultat de la compression sans faire le traitement dans Sound Forge, écoutez le fichier sonore « [mp3=156]guitare_compressee_soft_knee.mp3[/mp3] ». A présent, le son se retrouve la plupart du temps entre –9 et 0 dB, et ne descend plus en dessous de 15 dB.
Le son du solo de guitare, avant et après compression et compensation automatique du gain
Traitement d’une voix, d’une batterie
Traitement d’une voix
Prenons à présent un petit enregistrement de la voix d’un ami chanteur (disponible sous le doux nom de « [mp3=154]chant_avec_occlusives.mp3[/mp3] »). Lors de l’enregistrement, le micro du chanteur ne disposait pas d’anti-pop, outil fort pratique au demeurant. C’était plutôt ennuyeux, car un anti-pop, simple tissu mis devant le microphone, permet d’atténuer les occlusives comme les sons en « p ». Du fait que de telles consonnes engendrent un mouvement très brusque de l’air, ces sonorités ont une fâcheuse tendance à être enregistrées beaucoup trop fort par un micro. Malgré tout, nous voulions enregistrer notre chanteur ce fameux soir. Nous fûmes donc obligés d’enregistrer sa voix telle quelle, avec les occlusives.
La voix contenant un « p », avant et après traitement. L’occlusive, matérialisée ici par l’ensemble des crêtes les plus élevées, est clairement écrasée par le compresseur (seconde photo d’écran).
Heureusement, il est encore possible de traiter le son pour réduire le niveau des occlusives. Dans cette optique, nous allons utiliser un compresseur multibande. Après avoir chargé le son cité précédemment, allez dans « Effects > Dynamics > Multi-band » et choisissez le preset dénommé « Reduce loud plosives ». Comme pour le compresseur précédent (qui s’appliquait à l’ensemble du spectre), vous avez accès au seuil (threshold), à l’attaque (attack) et au relâchement (release). Pour obtenir le son « [mp3=155]chant_sans_occlusives.mp3[/mp3] », il vous suffit d’appliquer le preset tel quel, mais vous pouvez aussi modifier les paramètres pour voir ce que cela implique sur le son. Par exemple, si vous descendez le seuil très bas, cela aura pour effet de compresser les basses en permanence, ce qui reviendra quasiment à appliquer un filtre passe haut sur le son. Or ce n’est pas vraiment le but recherché, car le son de la voix deviendrait alors particulièrement froid et étriqué.
Le module « Multi-band Dynamics »
Dans le module de compression multibande, vous disposez de trois types de filtres : un passe bas (ou coupe haut, dit « High-shelf » en anglais), un passe haut (appelé aussi coupe bas, ou « Low-shelf »), et un coupe bande. Dans ce dernier cas, vous pouvez régler la largeur de la bande de fréquences affectée à l’aide du curseur « Width ». L’utilisation du compresseur multibande consiste en fait en plusieurs compresseurs chacun précédés de l’un des filtres cités ci-dessus (vous en disposez de quatre ici). Cela permet de traiter le signal plus précisément, sur certaines bandes de fréquences particulières, et non sur l’ensemble du spectre.
Un loop de batterie puissant
Je vous disais dans le numéro précédent qu’il ne faut pas abuser de la compression, mais dans certains cas, cela peut produire un effet vraiment intéressant ! Prenons par exemple une boucle de batterie accompagnée d’une réverbération sourde et discrète (disponible sous le nom « [mp3=152]loop_sans_rc.mp3[/mp3] »). L’utilisation du compresseur Renaissance Compressor de la société Waves permet d’avoir un son très puissant, dont la réverbération est plus présente, les percussions écrasantes (certes un peu agressives), un peu comme ce que l’on entend dans certains morceaux de Massive Attack. Vous pouvez entendre le résultat dans le fichier sonore intitulé « [mp3=160]loop_avec_rc.mp3[/mp3] ». Pour mieux profiter de cette boucle de batterie, je vous conseille de choisir la lecture en boucle dans Sound Forge, matérialisée par le visuel .
Limiteur, expanseur et plug-ins
Le limiteur
Un limiteur est un compresseur dont le rapport de compression (ratio) a été fixé « à l’infini », c’est à dire généralement à 1:50 (dans le cas de Sound Forge), voire à 1:100. Vous êtes ainsi certain que les crêtes ne dépasseront jamais la limite choisie, puisqu’une augmentation de 100 dB en entrée (c’est à dire toute la plage de dynamique d’un enregistrement en 16 bits !) aura pour conséquence une augmentation d’un malheureux décibel en sortie du limiteur. En revanche, il est parfois à craindre que le son se déforme du fait du traitement du limiteur. Comme je vous le disais, plus le ratio du compresseur est élevé, plus le son est déformé. Comme le ratio est, dans un limiteur, « infini », ou pourrait croire que le son est totalement déformé. En fait, c’est faux si l’on prend soin de garder le seuil du compresseur assez haut, afin que seules les crêtes les plus fortes soient écrasées.
Le limiteur est caractérisé par une pente horizontale à partir de son seuil de déclenchement.
Notez au passage des évolutions intelligentes du limiteur, comme le plug-in Ultra Maximiser de la société Waves. Ce limiteur est dit préemptif, c’est à dire qu’il lit l’échantillon sonore de quelques dixièmes de secondes avant de le traiter, ce qui permet à ce module d’optimiser l’enveloppe du compresseur en fonction des crêtes du son d’origine. Vous n’avez donc plus à vous préoccuper de quelle attaque et de quel relâchement choisir, puisque l’Ultra Maximiser le fait tout seul, et plutôt efficacement.
Et l’extension de dynamique ?
Vous vous le demandiez peut être : si l’on peut compresser un son, peut-on au contraire étendre sa dynamique ? La réponse est oui, comme vous avez pu le déceler dans la figure 1. C’est même quelque chose d’utilisé assez souvent, pas forcément par les ingénieurs du son, mais dans certains cas comme par exemple avec la technologie Dolby. En effet, dans certaines situations, il est nécessaire de passer par un canal de transmission à fort bruit de fond (par exemple, les ondes hertziennes, ou la bande d’un cassette analogique). Dans ce cas, il est intéressant d’augmenter le niveau global du son avant que celui-ci soit transmis au travers de ce canal, puisqu’alors, le niveau du signal utile sera bien supérieur au niveau du bruit de fond intrinsèque au canal de transmission. Une fois le son arrivé à la destination (le préampli de votre lecteur de cassettes), le son peut subir à nouveau une extension pour retrouver sa forme originale. De part cette extension de dynamique, le bruit de fond qui s’était ajouté lors de la transmission du son au travers du canal voit son niveau abaissé. Il s’entend donc moins que si l’on n’avait pas utilisé ce système.
Plug-ins VST et DirectX
Nous avons cité les effets dynamiques propres à Sound Forge. Il existe néanmoins de nombreux plug-ins DirectX et VST faisant le même travail, parfois de manière plus poussée puisque ces modules sont spécialisés dans un domaine particulier. Citons notamment les plug-ins Waves (C1 Compressor/Gate, Renaissance Compressor…) et TC Works (Native DeX, un dé-esseur, et Native L, un limiteur). Les compresseurs logiciels sont nombreux, certains sont parfois meilleurs que d’autres, mais généralement, ils se distinguent surtout par une fonctionnalité spécifique. Par exemple, Renaissance Compressor propose plusieurs types de modélisation de compresseurs physiques, gère la saturation intelligemment etc. D’autres sont spécialisés dans la suppression des sifflantes et des occlusives, comme le DeX de TC Works, De ce fait, vous disposez avec ce plug-in de nombreuses présélections selon la voix (homme ou femme) et le type de chant (doux, médium ou fort).
La morale de l’histoire
Trop de compression tue la compression !
Mis à part certaines situations où l’on cherche un effet spécial, la compression est efficace lorsqu’elle est utilisée à bon escient et en finesse. Parfois, certains ingénieurs du son et techniciens qui s’occupent de la diffusion radiophonique (ou leurs directeurs respectifs) sont tentés d’en abuser, car plus le son est compressé, plus il paraît puissant et sonne fort – plus fort que le son des concurrents… En pratique, cette trop forte compression dénature le son et finit par fatiguer l’oreille du fait que la puissance du signal est sans cesse au maximum que le système de restitution permet d’atteindre. A titre d’exemple, je vous ai fourni un son compressé au maximum du niveau sonore permis par le support d’enregistrement, quelque soit le niveau en entrée (sous le nom « [mp3=157]guitare_incroyablement_compressee.mp3[/mp3] »). Le niveau sonore, sur le vu-mètre de Sound Forge, reste donc constamment à 0 dB (si si, c’est possible !), même lorsque le son de la guitare est censé mourir.
La méthode pour obtenir ce massacre sonore est assez simple : il suffit d’ajouter un seul point en haut à gauche du diagramme de transfert de la fenêtre « Dynamics > Graphic », comme montré sur le schéma suivant, ou bien de mettre le seuil au minimum (-80 dB), le ratio au maximum (l’infini), et l’option « auto gain compensate » activée. Notez en outre que vous pouvez obtenir des résultats similaires avec un autre module de compression dynamique dans Sound Forge, appelé « Wave Hammer ». Ce module est apparu avec la version 5 de Sound Forge et cumule un compresseur de dynamique et un maximiseur de volume relativement efficaces.
Le module « Wave Hammer ».
Le résultat de notre « super-compression » est certes peu agréable à l’écoute mais demeure assez intéressant à étudier. D’une part, remarquons que la guitare, lorsqu’elle est censée mourir, reste très perceptible, voire même insistante et plutôt fatigante. D’autre part, toujours au moment où la guitare devrait s’estomper, on entend de plus en plus fort un bourdonnement en fond. Celui-ci est dû à l’alimentation du préampli sur le secteur, qui génère un bruit de fond à la fréquence de 50 Hz et à ses harmoniques (100 Hz, 200 Hz etc). En règle générale, le son utile (notre chère guitare) est suffisamment fort pour que ce bourdonnement reste peu perceptible. Mais ici, comme le niveau de la guitare s’affaiblit et que la compensation automatique du gain du compresseur contrebalance cette chute en augmentant progressivement le son, le niveau relatif du bruit de fond en est sensiblement augmenté. Enfin, vous aurez certainement remarqué la petite fausse note (un peu avant cinq secondes), elle qui passait quasi inaperçue sur le son d’origine.
L’enregistrement de guitare un peu trop compressé.
Conclusion
La compression est un outil puissant lorsqu’il est utilisé avec modération. Une bonne compression, dans la plupart des cas, est une compression qui ne s’entend pas, ou peu, sauf bien sûr si l’effet est volontaire comme dans le cas précédent de la boucle de batterie. Alors, maintenant que vous avez découvert les rouages de cet outil et que vous en connaissez les limites, j’espère que vous l’utiliserez avec parcimonie ! Je remercie Yoni et Fred pour leur participation au contenu sonore de cet article.