Passer la version 10 est toujours un moment symbolique pour un logiciel, à plus forte raison quand il s’agit d’un logiciel qui est, au fil des années, devenu un leader de marché. Inutile de dire donc qu’on est curieux de voir de quel bois numérique se chauffe ce nouvel Ozone.
Et il ne faudra pas bien longtemps pour s’en rendre compte puisque des différences sont notables dès l’installation. Passée une procédure assez lente comme avec tous les produits Izotope depuis quelques années déjà, on s’aperçoit que l’on dit adieu aux versions VST2 qui étaient encore dispo dans Ozone 9. Côté modules, on se retrouve avec tous les précédents plug-in d’Ozone (Ozone lui-même, Dynamic EQ, Dynamics, Equalizer, Exciter, Imager, Low End Focus, Master Rebalance, Match EQ, Maximizer, Spectral Shaper, Vintage Compressor, Vintage EQ, Vintage Limiter, Vintage Tape, Relay et l’excellent Tonal Balance Control), plus deux petits nouveaux : Stabilizer, un traitement spectral, et Impact, un traitement dynamique.
Avant de nous pencher sur ces deux nouveautés, précisons qu’un certain nombre des anciens modules comportent aussi des améliorations sur lesquelles nous reviendrons… Pour l’heure, intéressons-nous toutefois au vaisseau mère et non à ses plug-ins dérivés : Ozone lui-même.
Ozone en remet une couche
Comme avec RX 10, le changement ne saute pas aux yeux dès le chargement du plug-in puisque l’interface est demeurée la même dans son look comme dans son organisation à un détail près : un bouton circulaire qui nous permet non pas de lancer le traditionnel assistant mais de passer en vue Assistant. Un clic sur ce dernier et voici qu’Ozone mouline en écoutant le signal entrant. Toutefois, au lieu de vous mettre face à un chaine de traitements préréglés comme auparavant, il vous place désormais devant un panneau de contrôle global qui s’organise en quatre parties : dans le coin supérieur gauche, on dispose du genre musical qui va servir de référence, lequel est a priori détecté par le logiciel mais peut être changé ou remplacé par une référence personnelle. À droite de ce panneau, on affiche la courbe de réponse en fréquences du morceau, en surimpression d’une référence moyenne qui changera en fonction de la référence prise (comme dans le Tonal Balance Control) et de sliders permettant de doser l’impact des modules spectraux et se rapprocher plus ou moins de la courbe. Dans la partie inférieure enfin, on dispose enfin à gauche d’un visualiseur et d’un orbe pour matcher plus ou moins avec l’image stéréo de la référence, et sur la droite de deux orbes de dosage correspondant aux traitements dynamiques et d’un affichage de la forme d’onde du signal en regard de la courbe montrant la compression effectuée. Trois zones de contrôle et trois visualiseurs pour affiner les réglages : c’est vraiment excellent en première intention, sachant qu’un clic sur le bouton Detailed View vous permettra de retrouver l’interface traditionnelle d’Ozone et de ses modules, et de voir vraiment ce qui se cache derrière le traitement assisté…
Avant d’aller voir ça de plus près, ne manquons pas de souligner l’excellente nouvelle qui se cache derrière cette nouvelle interface : l’assistant se charge désormais aussi de l’image stéréo et non plus seulement de la dynamique et de la courbe de réponse en fréquences. Du coup, lorsqu’on clique sur la vue détaillée, on s’aperçoit qu’un module Imager est systématiquement de la partie et que la chaîne est bien plus complexe qu’autrefois : en général, on dispose d’Equalizer, suivi de Stabilizer, puis d’Impact, d’Imager, de Dynamic EQ, sachant que Maximizer ferme la marche comme à son habitude. Pour mémoire, Ozone 9 se contentait de quatre modules : un EQ, un compresseur, un EQ dynamique et un Maximizer.
Et puisqu’on en parle, il est temps d’aller voir ces fameux modules dans le détail, sachant qu’ils sont plusieurs à avoir sensiblement évolué.
Sage comme un Imager
Commençons justement par Imager qui fonctionne toujours en multibande et vous permettra de travailler précisément votre image stéréo, que ce soit en élargissant ou rétrécissant plus ou moins chaque bande, ou même en stéréoisant des signaux mono… La grosse nouveauté tient dans une nouvelle fonction Recover Sides qui permet de compenser la perte d’information ressentie lorsqu’on réduit la largeur d’une bande. Quand vous passez réduire l’image stéréo d’une bande pour aller vers le mono, certains détails semblent disparaître, comme les réverbes. Recover Sides est un moyen de ramener ces derniers au centre pour réduire cette impression. Un traitement intéressant donc, même si je n’ai pas forcément ressenti le besoin d’y recourir la plupart du temps vu que l’objectif du passage en mono cherche justement souvent à vouloir faire fi des détails pour ne garder que l’essentiel. Disons que cela dépendra du contexte…
En termes de traitements, la deuxième grosse nouveauté vient d’une évolution de Maximizer, sans doute le module le plus estimé et utilisé d’Ozone pour l’efficacité de ses algos. Dans ce dernier, on dispose enfin d’un étage de Saturation douce, ce qui manquait grandement jusqu’alors. Grâce à ce genre d’algo, on peut en fait gentiment raboter les transitoires et gagner un headroom qui permettra de remonter le niveau perçu global. Certes, on aurait sans doute voulu disposer d’un module plus évolué dans ses réglages, mais entre le dosage et les trois types de saturation proposées, il y a déjà de quoi faire, sachant qu’on reste dans le cadre d’un traitement qui se veut subtil et non d’un effet…
Mais au-delà de ces avancées, c’est surtout les deux nouveaux modules qui nous intéressent : Impact et Stabilizer.
Impact dans 3… 2… 1…
Comme son nom le suggère, Impact est un outil qui permet de travailler sur la dynamique du signal. Un compresseur de plus ? Un compresseur / expandeur multibande pour être plus précis, et qui semble particulièrement attentif aux transitoires, de sorte qu’on se sent face à un hybride entre compresseur / expandeur et transient designer à l’usage. Pour chaque bande, vous disposez ainsi d’un slider : vers le haut, vous augmentez la dynamique, vers le bas, vous la compressez. Là où ça devient intéressant, c’est qu’outre le fait que le logiciel soit capable de déterminer lui-même les quatre bandes qu’il utilise, le réglage « enveloppe » qui contrôle le relâchement du traitement est susceptible de se régler en millisecondes ou sur une division du tempo. Il est de la sorte aisé d’expérimenter plusieurs vitesses de relâchement du traitement pour insuffler un groove à ce dernier… C’est simple et pertinent, tout comme le fait de pouvoir tasser ou étendre la dynamique très simplement, pour donner du punch aux transitoires ou « gluer » le mix, sachant qu’on dispose pour cela aussi du reste de l’arsenal dynamique d’Ozone. On sent bien en tout cas qu’Impact apporte une dimension qui était jusque là absente des traitements dynamiques d’Ozone en suivant la piste du processeur de transitoire : cela en fait un outil simple et parfaitement complémentaire des compresseurs dont on disposait déjà, d’autant qu’il travaille évidemment en stéréo normale comme en M/S… Dernière chose intéressante à mentionner : on trouve dans ce module comme dans certains autres une fonction Delta qui permet d’entendre la différence entre signal traité et signal original, ce qui sera pratique pour juger de la pertinence d’un réglage, entendre notamment le fameux groove du traitement en regard du morceau…
Voyez ce que ça donne avec un traitement bourrin en expandeur sur le bas médium qui, suivant que le régle à 1/2 ou à 1/32 produit un tout autre résultat sur le couple basse/snare :
- edmdry00:49
- edmcaisseclaire2(2)00:49
- edmcaisseclaire3200:49
Dessous de Stable
Stabilizer est quant à lui un module bizarrement nommé car rien n’indique a priori qu’il soit dédié au traitement spectral. Et ce n’est évidemment pas un égaliseur traditionnel… De quoi s’agit-il ? D’un EQ dynamique reposant sur une multitude de bandes et dont le fonctionnement repose sur les mêmes principes qu’un Soothe ou qu’un Gulfoss. Soit un correcteur de fréquences qui va en permanence détecter les résonances et s’adapter au signal pour le rapprocher de la courbe de référence : c’est sur lui qui repose essentiellement désormais la partie spectrale d’Ozone, sachant qu’on peut l’utiliser de deux manières : soit en mode Shape (pour booster et atténuer afin de se rapprocher de la courbe ciblée), soit en mode Cut (atténuation seulement). L’idée, c’est de pouvoir l’utiliser pour supprimer des fréquences qui résonnent un peu trop comme pour déharsher un signal…
Est-il mieux qu’un Soothe pour cela ? Oui serait-on tenté de dire en matière d’interface car il est nettement plus simple à appréhender avec beaucoup moins de paramètres. Mais là où le bât blesse c’est sur le fait qu’on ne peut pas plus guider le traitement : essayé en mode Cut sur une piste de guitare un peu agressive justement, on voit que le logiciel peine à s’occuper de l’aigu pour se concentrer sur le grave et le bas médium du signal. Il retire un petit côté « boxy » un peu, mais impossible de l’utiliser pour rendre le son de la guitare un peu plus doux dans le haut du spectre :
- guitarharsh00:22
- guitarharsh-stabcut00:22
- guitarharsh-stabshape00:22
On voudrait comme avec Soothe pouvoir lui dire de travailler sur telle zone en particulier mais ce n’est pas possible. Quant au mode Shape, il aura souvent tendance à beaucoup remettre d’aigus. Bon, on tempérera ces critiques car Stabilizer a été pensé non pour être utilisé sur une piste de guitare solo mais sur un master, mais force est de constater que dans bien des cas (encore que sur un guitare/voix, on aura ce problème aussi), il sera vecteur de plus de brillance, ce qui peut être très bien parfois et moins bien d’autres. On gardera donc un oeil sur lui lorsqu’on utilise l’assistant.
Qu’en est-il d’ailleurs de la faculté d’Ozone à vous proposer un réglage pertinent via son « IA » ? Disons que les comparaisons entre Ozone 9 et 10 en version Advanced (la seule qui intègre Stabilizer et Impact) sautent aux oreilles immédiatement : entre Impact et la Soft Saturation, Ozone 10 livre clairement une chaîne sonnant beaucoup plus fort en termes de Loudness. Pour peu que l’on remette les choses à niveau pour une juste comparaison, disons que la version 10 propose quelque chose de plus brillant dans l’ensemble : c’est parfois subtil, parfois moins, mais il en ressort un réglage de base qui fait généralement la part belle à un son plus « aéré ».
- gregDry02:20
- gregOZ9nocompensation02:20
- gregOZ10nocompensation02:20
- gregOZ902:20
- gregOZ1002:20
Reste que ce n’est qu’un réglage de base et qu’il est vivement conseillé de mettre le mains dans le moteur pour obtenir des choses plus intéressantes : c’est notamment vrai avec le module Imager qui semble plus se soucier de la compatibilité mono (ce qui est très bien) que d’élargir le champ : cela, il faudra le faire à la main…
La chose évidente en tout cas, c’est que le panneau de contrôle de l’assistant est vraiment intéressant en première intention : c’est une vraie réussite ! Ce qui ne nous empêchera pas de déjà faire une liste de ce qu’on aimerait voir dans Ozone 11…
« I want some more… »
Comme on l’a dit, si intéressant qu’il soit déjà dans cette première version, on aimerait sans doute pouvoir un peu plus guider Stabilizer comme avec Soothe vu que ses algos de base ne « comprennent » pas toujours ce qu’on désire faire.
Mais il y a encore deux lacunes que l’on aimerait voir combler dans le prochain Ozone. La première, c’est la possibilité d’y charger des plug-ins de tierce partie. À l’heure où Izotope est devenu partenaire de Plugin Alliance, on se dit qu’il serait vraiment intéressant de l’utiliser comme chaîne de Mastering en pouvant intercaler des plugs externes qui, pour des raisons de son comme d’ergonomie ou de fonctionnalités peuvent avoir les préférences des uns ou des autres (Soothe bien sûr, mais aussi les EQ Elysia, la saturation Black Box, le dé-esseur Weiss, et j’avoue pour ma part adorer le mojo analogique du True Iron de Kazrog). Disposer de tout cela rendrait Ozone particulièrement incontournable comme plateforme, sachant que l’éditeur a déjà doté son RX d’une telle possibilité.
Quant à la seconde chose qui manque vraiment, c’est la prise en compte du fait qu’un mastering n’est pas figé : nous demander de nous caler sur le passage le plus fort d’une chanson pour précalibrer le traitement, c’est certes pertinent lorsqu’on est face à une chanson aux arrangements linéaires, mais lorsqu’on se trouve face à un Bohemian Rhapsody où la chanson comporte plusieurs chansons, et même lorsqu’on a un gros contraste entre l’orchestration comme l’intensité des couplets et des refrains, on se rend bien compte que le mastering est aussi affaire d’automation et qu’il est pénible de gérer ça depuis sa STAN alors qu’il serait extrêmement confortable de le faire dans une vraie appli Ozone, comme il en existe une pour RX. Or, Ozone en version Autonome, c’est fini et c’est bien dommage…
Cela ne nous empêchera pas toutefois de considérer les réels progrès d’Ozone avec cette version, pour peu qu’on ait bien compris que si l’assistant progressait dans toutes les éditions (et il est vraiment devenu un outil à part entière), les nouveaux modules intéressants comme Impact et Stabilizer n’étaient réservés qu’à la version Advanced. À vous de voir donc ce qui vaut ou non le coup pour vos usages, en sachant qu’Ozone Standard intègre désormais la Komplete.
Conclusion
Cette version 10 est à n’en pas douter une bonne évolution d’Ozone avec Impact et Stabilizer mais aussi deux fonctions ajoutées à Imager et Maximizer, dont une saturation douce qui faisait vraiment défaut au fameux module. Complétant le tout, l’assistant demeure la plus grosse réussite de cette version car il devient enfin un véritable outil pensé pour les débutants avec ses contrôles de base et son interface poussant à utiliser un fichier de référence. Bien sûr, on regrettera qu’Ozone ne franchisse toujours pas le pas de devenir une solution complète pour le mastering en (re)devenant, comme RX, une appli autonome. Et on sent bien aussi que Stabilizer n’est pas encore aussi pertinent qu’un Soothe par manque de contrôles, mais cela n’entache en rien la réussite globale de ce nouvel Ozone…
Quant à savoir si la mise à jour vaut le coup pour les uns ou les autres, tout dépend vraiment de l’usage que vous faites d’Ozone : s’il est au coeur de vos productions comme seul processeur sur le Master, il me semble que le jeu en vaut la chandelle, rien que pour Impact, la Soft Saturation et le nouvel Assistant. Si vous êtes en revanche de ceux qui ne l’utilisez que pour son Maximizer parce que vous avez d’autres outils en complément, c’est moins tentant. Il n’empêche que le logiciel d’Izotope est à ce jour le multieffet le plus abouti dans le domaine du mastering, et que ce n’est pas avec cette version que cela va changer…