Votre piste de basse manque de sub ? Votre piano de brillance ? Votre voix manque d’air ? Pour tout ces petits soucis de production qui réclamaient souvent l’usage conjoint de plusieurs plug-ins, Process Audio nous présente Sugar, un traitement pensé pour ajouter ce qu’il faut là où il en manque…
Si quantité d’éditeurs de plug-ins se focalisent sur l’émulation pure et dure des bons vieux outils de studio, d’autres entreprennent d’imaginer des solutions rompant avec la tradition, que cela passe par des algorithmes innovants, des concepts originaux ou encore une ergonomie qui s’affranchit du mimétisme avec le monde matériel. C’est clairement à cette deuxième catégorie qu’ambitionne d’appartenir Process Audio dont Sugar, le premier plug-in, nous promet de rajouter tout ce qui manque à nos pistes pour avoir LE son. Dit comme ça, on aurait toutes les raisons de se méfier, à plus forte raison quand on considère le minimalisme dont fait preuve l’interface du logiciel. Aurait-on affaire à une boîte magique de plus donnant l’impression qu’une piste sonne mieux juste parce qu’elle sonne plus fort en sortie et que les basses et les aigus ont été boostés ? La chose reste à voir.
Un détail pourtant nous fera passer de la méfiance à la curiosité : Process Audio a été fondée par les créateurs de la plateforme pédagogique Puremix, une vraie référence de sérieux dans le domaine du mix, et c’est Fab Dupont lui-même qui, après en avoir discuté avec de nombreux ingés son de renom (ceux-là mêmes qu’on retrouve dans les tutos Puremix), est à l’origine du concept de Sugar. Désireux de réaliser des outils permettant de gagner du temps en studio, l’ami Fab a interrogé tous ses homologues pour savoir quelles chaînes de traitements ils utilisaient systématiquement pour améliorer le rendu de tel ou tel instrument. De là ont été déduites 8 chaînes d’effets asservies à 4 bandes, le tout étant complété de filtres coupe-bas et coupe-haut et d’une saturation. « Et voilà ! », comme dirait Fab : Sugar est né. Reste à juger de ce qu’il apporte dans la tambouille de studio et si le caramel n’accroche pas au fond de la casserole.
Vous pouvez découvrir cela avec nous en vidéo, ou avec le texte qui suit :
Caramels, bonbons et chocolat
Dispo sur Mac et PC aux formats AAX, VST, VST3 et AU, Sugar est protégé soit par une clé iLok, soit par le système iLok Cloud qui nécessite une connexion Internet pour fonctionner. Dans la mesure où il faut garder une session iLok Cloud ouverte et que l’utilitaire iLok est assez mal foutu, ce n’est certes pas aussi confortable que la protection utilisant le disque dur de la machine mais c’est moins piratable selon l’éditeur et ça reste une alternative que beaucoup préfèreront au dongle USB.
Mêlant quelques touches de couleurs vives à un gris anthracite aussi classe que reposant, l’interface du logiciel se veut simple et relativement économe en termes de contrôles, si l’on considère que bien des modules de traitement doivent se cacher derrière tout cela.
Occupant toute la partie supérieure, un visualiseur de spectre permet de voir les courbes de réponses en fréquences du signal initial et du signal traité, mais présente surtout 4 sliders partageant symboliquement le signal en 4 bandes de fréquences. Je dis symboliquement car il est indubitable que le découpage réel des bandes n’a rien d’aussi symétrique en réalité, d’autant qu’on dispose de deux modes d’action pour chaque bande. La chose intéressante, c’est qu’il n’est pas question ici de parler de Herz ou de Décibels, mais d’utiliser des mots qui n’ont rien de technique. On dispose ainsi des modes ‘thick’ et ‘punch’ pour la bande des graves, des modes ‘warm’ et ‘broad’ pour celle des médiums, des modes ‘shine’ et ‘excite’ pour les aigus et enfin des modes ‘yin’ et ‘yang’ pour l’extrême aigu nommé Air. Comme vous l’aurez compris, les sliders permettent de définir la force du traitement choisi pour chacune des quatre bandes, sachant qu’elles disposent toutes d’un bypass et qu’un gros bouton central permet de régler le dosage entre signal traité/non traité : nous sommes donc bien face à du traitement parallèle.
De chaque côté de ce bouton, on dispose de deux sliders/vu-mètres permettant de gérer le signal entrant et le signal sortant mais aussi de fonctions intéressantes : ‘FX only’ permet d’écouter le traitement seul, sans le signal d’origine, ‘LVL MGMT’ oblige le niveau de sortie à compenser l’augmentation de volume due au traitement, pour que vous ne vous fassiez pas abuser par l’effet psychoacoustique du ‘ce qui sonne plus fort sonne mieux et que vous puissiez ensuite utiliser d’autres traitements sans vous retrouver avec un niveau de cheval à gérer. On dispose surtout du choix entre un fonctionnement stéréo classique ou M/S. Lorsque ce dernier est activé, les 4 sliders de la partie supérieure sont multipliés par deux. Chaque bande dispose ainsi d’un slider Mid à gauche (pour régler le traitement sur ce qui se trouve au milieu) et d’un slider Side à droite (pour régler le traitement sur ce qui se trouve sur les côtés). Sur le plan ergonomique, on aurait sans doute préféré quelque chose de plus intuitif pour ce mode comme un triangle Mid que l’on pourrait étirer à l’intérieur du slider Side par exemple, quitte à jouer avec un code couleur… En revanche, Process.audio a pensé à gérer la possibilité maligne de répliquer les réglages d’un mode vers l’autre, comme de commuter entre les deux modes pour comparer. C’est très judicieux quand il s’agit de laisser les oreilles seules juges sans a priori sur la technique employée.
Au bas de l’interface nous attend enfin le dernier étage de traitement du plug-in, qui se compose d’un duo débrayable de filtre coupe-haut / coupe-bas avec une pente pouvant être commutée à 12 dB/octave ou à 48 dB/octave (en mode ‘steep’), et d’une saturation aux réglages minimalistes : on choisit entre trois modes (Drive, Distort ou Crush, du plus gentil au plus méchant) et l’on règle l’effet avec un potard.
Finissons avec le haut de l’interface où nous attendent l’accès aux réglages avancés (taille de l’interface à choisir parmi quatre, comportement et résolution de l’analyseur de spectre, activation/désactivation du mode à phase linéaire ou des infobulles, etc.) et le gestionnaire de presets. Ces derniers sont organisés par instruments, tandis qu’une section Mix contient quelques presets plus globaux que vous pourrez utiliser sur un bus voire le master…
Maintenant qu’on sait à quoi ça ressemble, il nous reste à voir comment ça sonne.
A spoonful of sugar helps the medicine go down
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la simplicité du plug-in rendrait presque inutile le bel effort de documentation fait par l’éditeur pour nous aider à prendre nos marques avec Sugar (outre les infobulles dans le logiciel et le manuel, Fab Dupoint a réalisé une série tutos vidéo et propose même des sessions de démo à télécharger pour les principales STAN du marché). Sans que leur qualité soit à remettre en question, les presets eux-mêmes ne retiendront pas l’attention quand il suffit de quelques clics pour obtenir ce qu’on est venu chercher. Précisons-le, c’est en amont du mixage proprement dit qu’on utilisera au mieux le plug-in, histoire d’avoir les meilleures sources possible avant de se jeter sur ses EQ, ses compresseurs, ses delays et ses réverbes. Il est d’autant plus important de comprendre que Sugar est un outil de production plus que de mixage qu’il ne permet pas, contrairement à un EQ, de retirer de la matière sonore : juste en ajouter. Même si son action influe évidemment sur l’équilibre des timbres, ce n’est donc pas vers lui qu’on se tournera pour régler un problème de basse qui tourne ou pour dé-esser une voix. Ce n’est clairement pas son rôle.
Sugar est notamment diablement efficace pour rajouter des coucougnettes à une basse un peu anémique, qu’elle soit de nature synthétique ou électrique, comme à un kick évidemment :
- SUGARbasselecdry00:11
- SUGARbasselecwet00:11
- DX7bassDry(2)00:03
- DX7bassSugar00:03
- SUGARdrumsdry(2)00:11
- SUGARdrumslow00:11
À l’opposé du spectre, Sugar se débrouille très bien aussi pour redonner de la brillance et de l’air à une source, que ce soit en mode Shine ou Exciter. Voyez ce qu’il permet d’obtenir sur ce piano bien terne :
- SUGARpianodry00:11
- SUGARpianowet(2)00:11
Idem pour le tambourin comme pour bosser la batterie dans son ensemble. Observez toutefois comme l’usage de la bande médium et de la bande aigu a vite fait de faire ressortir le son de pièce de la prise, ce dont nous reparlerons :
- SUGARdrumsdry(2)00:11
- SUGARdrumswet00:11
- SUGARtambourindry00:11
- SUGARtambourinwet00:11
Voyez que le spectre d’action du logiciel est assez vaste et, outre la possibilité de doser cela subtilement grâce à l’architecture parallèle du plug-in, la possibilité de travailler en M/S pour ne traiter par exemple que les côtés, ou au contraire que le centre, étend encore le potentiel du plug-in… jusqu’au mastering ? On se méfiera évidemment d’un tel outil aux bandes prédéfinies pour un travail qui, a priori, réclame une grande précision. Mais pour ajouter de la brillance ou du bas en bout de chaîne, ça fonctionne.
N’oublions pas le bonus distorsion, sachant que les trois algos proposés sont tous bien différents mais sonnent très bien. Leur utilité ? Salir un peu le son évidemment pour obtenir un peu plus de croustillant dans une caisse clair par exemple, mais aussi adoucir des sons un peu ‘harsh’…
Bref, Sugar sait se rendre utile dans quantité de contexte, et en marge de cette polyvalence qui lui permettra de remplacer plusieurs plug-ins dans votre arsenal, on soulignera qu’il se comporte de manière exemplaire sur le plan de la gestion de la phase, point toujours critique lorsqu’on splitte un signal, applique différents traitements à chaque bande (ce qui implique des décalages temporels) pour les réunir ensuite. Ici, pas de problème à l’horizon et c’est tant mieux même si nous allons voir que cette médaille a un revers.
Brown Sugar
Sugar est donc globalement très convaincant, mais ça ne l’empêche pas d’avoir des limites : sur les sources complexes s’exprimant dans le médium, il n’est pas toujours à son affaire, faisant remonter une réverbe ou un timbre de caisse claire quand on cherchait juste à travailler son impact comme on l’a vu précédemment. Le meilleur moyen pour améliorer cela, ce serait de permettre à l’utilisateur de définir le centrage et la largeur des bandes, mais le plug-in tournerait forcément plus à l’usine à gaz alors que son rapport simplicité/efficacité est sa plus grande force.
Par ailleurs, même si ce n’est à consigner dans les défauts, il s’agira de ne pas oublier que nous sommes face à un outil basé sur de la compression multibande, avec tous les inconvénients que la compression peut parfois présenter : s’il y a de la repisse sur votre piste, Sugar la fera logiquement remonter en fonction de vos réglages…
Reste à évoquer le principal défaut du soft en regard de tant de choses enthousiasmantes : il est pour l’heure plutôt goinfre en termes de consommation CPU. Sur un MacBook Pro de 2014, chaque occurrence du plug consomme ainsi entre 10 et 20% du CPU selon le moniteur de ressources de Studio One, de sorte qu’on apprend vite à freezer la piste dès qu’on l’a réglé. Ce n’est pas forcément très gênant pour un plug qui n’a pas vocation à être automatisé ou modifié au fil du mix, et on gagne bien sûr sur ce terrain en coupant le mode à phase linéaire, pas toujours indispensable suivant la source ou le traitement, mais on espère tout de même que Process Audio trouvera le moyen d’optimiser son code pour améliorer cela car il est forcément moins commode de sucrer sa tambouille quand la sucrière pèse à elle seule 5 kg.
Enfin, on pourrait toujours ergoter sur la possibilité de pouvoir paramétrer le centrage et la largeur des bandes, tout comme on pourrait souhaiter gérer la saturation par bande elle aussi, mais force est d’admettre une fois encore que ce qu’on gagnerait en puissance, on le perdrait en simplicité.
Conclusion
Redoutablement efficace tant sur le plan du son que celui de l’ergonomie, Sugar est de ces plug-ins qui font gagner un temps considérable au quotidien parce qu’à lui tout seul, il se substitue à différents plug-ins ou des chaînes de traitements autrement plus longues à bâtir puis configurer. Évidemment, la compression multibande qui est à la base du logiciel n’est pas une chose nouvelle, et on trouve déjà sur le marché quantité d’enhancers ou d’exciters pour ceci ou pour cela, mais il faut bien l’admettre : aucun ne s’avère aussi polyvalent et facile à utiliser que le premier-né de Process Audio. En quelques clics seulement, on parvient à redonner de la brillance à une prise un peu terne, de l’assise à un kick ou de l’air à une voix, et comme le plug-in a le bon goût de fonctionner en traitement parallèle comme en L/R ou M/S, le côté prédéfini des bandes ne nuit en rien à la possibilité d’un usage subtile. De fait, en dehors d’une certaine gourmandise en termes de puissance processeur, il n’y a pas grande chose à reprocher à Sugar. Et comme Process Audio semble avoir à coeur de produire des outils malins destinés à nous simplifier la vie, on est forcément très impatient de voir la suite…