Célèbre pour ses batteries virtuelles, Toontrack a eu la bonne idée, avec EZdrummer, de démocratiser le concept original de BFD dans une forme autrement plus accessible aux débutants : moins d’options, moins de boutons et du gros son accessible immédiatement, pour le plus grand bonheur des songwriters home studistes qui, faut-il le rappeler, ne sont pas tous ingé son et n’ont aucune envie de devoir jongler avec les EQ, les compresseurs et les alignements de phase pour obtenir un son produit…
Reprenant le même préfixe, EZmix, qui nous arrive en version 2, entend être aux plug-ins d’effets et de mixage ce qu’EZdrummer est à la batterie virtuelle : un multi-effet simple à utiliser, capable de simuler un ampli guitare comme de compresser une voix ou d’appliquer un flanger à une batterie… Comme un Guitar Rig en somme ? Oui et non. Oui, car on retrouve la même variété de traitement dans le soft qui incorpore une grosse trentaine d’effets virtuels. Non, car il n’est pas question ici d’accéder directement aux réglages de ces derniers, mais à des presets les combinant, lesquels sont paramétrables avec deux boutons au maximum. Au nombre de 350 dans la version de base, ces presets sont véritablement ce qui fait la particularité d’EZmix, tant du point de vue fonctionnel que marketing, 12 packs d’extension étant déjà vendu par Toontrack : dédiés pour les uns à un genre musical précis, ou signés pour les autres par tel ingé son ou producteur renommé, ils vous permettront de disposer de toujours plus de presets pour la « modique » somme de 39 € l’unité. Mais focalisons-nous pour l’heure sur la version de base, vendue pour sa part 139 €.
Qualité filtre
Utilisable en version autonome ou comme plug-in aux formats VST, AU, RTAS en 32 et 64 bits sous Mac et PC, le soft s’installe sans histoire et s’autorise en ligne via un système de numéro de série, avec la possibilité de l’installer sur un maximum de 4 machines, et de supprimer des autorisations en fonction de vos désirs.
Même si les utilisateurs de la première version retrouveront leurs petits dans la nouvelle interface de cette version 2, force est de constater que cette dernière a pas mal évolué : on dispose désormais d’un aperçu photoréaliste des effets ou traitements auxquels recourt le presets, tandis que les faders qui permettaient d’affiner les réglages ont cédé la place à 4 potards : deux pour régler le niveau d’entrée et de sortie, et deux pour jouer avec tel ou tel paramètre en fonction du preset. Mais le plus gros apport de cette refonte tient dans le navigateur de presets évolué dont est désormais doté le logiciel. En vis-à-vis de la liste des patches disponibles et d’un moteur de recherche, on dispose désormais d’un filtre multicritère comme on en trouve chez Native Instruments ou encore Spectrasonics. Vous pourrez ainsi filtrer les presets disponibles par instruments, effets, type (Amplifier, Aux, Group Bus, Insert & Master), genre musical et enfin par packs de presets. Un ajout fort bienvenu, complété par une section ‘Favorites’ qui vous permettra de gagner, elle aussi, du temps. A ceci près que les polices de caractères comme les visuels des effets utilisés par un preset sont un peu trop petits, cette refonte ergonomique motive à elle seule la mise à jour d’une version 1 vers la version 2 (mise à jour à 39 €). Voyons à présent comment se comporte le plug à l’usage…
Take it EZ
C’est Overloud qui s’est occupé de réaliser les effets du logiciel, ce qui est plutôt de bon augure quand on connait la qualité de leurs réverbes et de leurs simulateurs d’amplis guitare. Et l’augure a bien raison vu qu’EZmix propose des sons très convaincants, que ce soit au niveau des traitements dynamiques, spectraux ou des effets à retards et modulation.
Voici quelques exemples réalisés avec différents presets :
- olivia dry02:08
- olivia ambiance100:22
- olivia ambiance200:22
- olivia slap00:22
- drums dry00:08
- drums comp00:08
- drums filter00:08
- drums disto00:08
- bass dry00:16
- bass rock00:16
- bass huge00:16
- guitar dry00:19
- guitar satu00:20
Passé la phase de joujou avec quelques boucles, on a toutefois vite envie de vérifier si le soft mérite son nom, s’il rend effectivement le mix ‘Easy’… Je me suis donc amusé avec un projet en m’astreignant à n’utiliser que le plug de Toontrack et ses 350 presets de base pour le mixer. Le verdict tient en deux fichiers audio ci-dessous : le premier étant une mise à plat de la chanson, et le second une version mixée avec EZmix (et EZmix seulement) sous Studio One.
- ezmixdry04:44
- ezmixed04:44
Indubitablement, je ne suis pas Al Schmidt ni Rick Rubin, mais je dois reconnaître que le plug m’a permis d’obtenir un début de résultat intéressant en 10 minutes montre en main : le programme Exciter + Plate sur la voix fait notamment très bien le job, et j’ai pu renforcer la présence du kick ou des attaques de basse sans avoir à trifouiller 20 000 paramètres. Le filtre multi-critères et le moteur de recherche sont pour cela une bénédiction : on trouve vite ce qu’on veut, et comme le tweaking du preset reste très limité, on est vite rendu.
Il faut dire aussi qu’avec 350 presets seulement pour cette version de base, les options disponibles en terme de mixage ont vite faite de se réduire drastiquement, ce qui est à la fois une bonne chose pour la productivité (on va à l’essentiel, guidé essentiellement parce qu’on entend et non par ce qu’on voit ou ce que l’on imagine nécessaire), mais s’avère souvent très frustrant : pour la guitare acoustique, le soft ne propose par exemple que 3 presets nommés Acoustic Guitar, Acoustic Guitar2 & Acoustic Guitar with Reverb. Pour les cordes acoustiques, deux. Notons que rien n’est proposé en revanche au registre des instruments à vent, tandis que ‘violin’ ne remonte aucun résultat. J’imagine qu’il faut acheter des extensions pour disposer de choses de ce côté…
Rappelons aussi que le soft, comme son nom l’indique, est tourné vers le mix (plutôt pop-rock d’ailleurs à voir les noms des presets et l’orientation acoustique/électrique de l’ensemble) et non vers le sound design et la manipulation en live comme peuvent l’être un Tornado, un Effectrix ou un GrossBeat. On ne dispose ainsi pas d’effets spéciaux basés sur des patterns ou des enveloppes ultra sophistiquées, ni même de traitements lof-fi (pas de module pour réduire l’échantillonnage ou la résolution du son, pas de module non plus pour ajouter des craquements de vinyle ou des scratchs et des glitchs, bien que de nombreux presets, en combinant filtres et disto, permettent d’aller du côté du lo-fi). Par ailleurs, vu que le parti pris qui a été retenu est celui de la simplicité, vous ne serez pas étonné de ne pas trouver de presets utilisables en sidechain.
Simple ou simpliste ?
Le plus gênant à l’usage reste toutefois l’impression que le logiciel est à la fois trop complexe pour un débutant et trop simpliste pour un home studiste plus avancé. Le grand débutant aura ainsi peu de chance de comprendre à quoi renvoie un preset nommé ‘LPF 12dB Oct’ tandis que le soft, non traduit en français, pourra le rebuter s’il n’a pas quelques bases d’anglais technique… Quant au home studiste plus rodé, il pestera sur quantités de choses qui rendent le logiciel pénible à utiliser : si l’on a la possibilité de voir tous les presets utilisant un EQ, on ne peut pas voir uniquement les presets spécialisés dans l’égalisation, ce qui n’est pas la même chose (comme les coupe haut et les coupe bas par exemple). De la même manière, on peut certes voir les programmes dédiés à la simulation d’ampli mais on ne dispose d’aucun moyen de filtrer les sons clean, crunch ou saturés, les lead ou les rythmiques… Et comme les auteurs du logiciel ont souvent opté pour de simple incréments pour différencier les presets (Sub Kick, Sub Kick 2, Sub Kick 3, etc. par exemple), on se retrouve souvent à partir à la pêche aux moules pour trouver un son, sans avoir aucune idée de ce qu’un preset peut cacher avant de l’avoir essayé. Avec 350 presets, c’est déjà pénible, alors j’imagine avec les milliers que l’on peut potentiellement ajouter à son arsenal… Ce défaut pourrait être aisément compensé par l’utilisateur si on lui laissait la possibilité d’ajouter ses propres tags mais ce n’est hélas pas le cas. Pour l’heure, on se contentera de bidouiller en ajoutant tous les presets du logiciel dans la section ‘favoris’, et en utilisant la fonction ‘Renommer’ utilisable dans cette section pour compléter tel ou tel nom…
Autre problème relevé à l’usage : une instance de plug-in ne permet pas de combiner plusieurs presets. Du coup, on se retrouvera parfois à insérer plusieurs EZmix sur une seule et même piste, sans plus savoir ensuite sur la tranche lequel fait quoi, vu que toutes les instances du plug-in apparaîtront avec le même nom ‘Ezmix’…
Par ailleurs, et même si l’on comprend que le concept de base est contraire à cette démarche, on aurait adoré avoir la main sur les effets constituant les presets, quitte à payer plus cher. Se constituer ses propres patches, pouvoir les échanger avec d’autres utilisateurs, voilà qui aurait été intéressant et aurait pu assurer un beau succès au soft, sur un modèle économique certes très différent puisqu’ici, la seule perspective d’évolution tient dans l’achat de packs supplémentaires.
Enfin, on a l’impression globale qu’en dépit de ses bonnes intentions de simplifier les choses, le logiciel n’ose pas aller jusqu’au bout de sa philosophie : une ergonomie orientée presets serait à mon sens extrêmement pertinente si des liens sémantiques riches existaient entre ces derniers : dans l’absolu, quand je veux traiter une basse, je ne veux pas avoir le choix entre Bass1, Bass2 ou Bass3, mais plutôt des orientations du type Softer, Stronger ou encore More Agressive comme ce qu’on peut trouver dans quantité de logiciels de traitement d’image grand public, avec un aperçu. Une logique qui serait plus payante pour les débutants, et rafraichissante pour les plus capés, mais qui impliquerait effectivement de structurer la base de presets sur un système relationnel.
Conclusion
Parce ce qu’EZmix a bien progressé dans cette version 2 et qu’il offre des effets et traitements de bonne facture, on recommandera à tous ceux qui ont aimé sa première version de faire la mise à jour au prix raisonnable de 39 €. Reste à savoir s’il peut, à 139 € en version complète, intéresser les autres…
Sur ce point, en dépit de bonnes choses, il me semble qu’il reste encore au logiciel beaucoup de chemin à parcourir avant d’être un outil pleinement convainquant, pour le grand débutant comme pour le home studiste plus avancé… Son côté couteau suisse et la qualité des sons qu’il produit pourront en intéresser certains pour trouver des idées de prod au petit bonheur la chance (quantité de grands morceaux ont bénéficié de petits coups de pouce du hasard), ou faire un début de mixage vite fait bien fait, mais pour bosser vraiment, on voit mal comment il pourrait être autre chose qu’un plug-in accessoire en marge d’un arsenal VST plus traditionnel.
Vendu un peu trop cher compte tenu de ses limitations, EZmix a toutefois l’immense avantage de ne pas avoir de réel concurrent (SFX Machine Pro pourrait se rapprocher un peu du concept mais s’il est un multi-effet plus complet et paramétrable, il est plus complexe à utiliser, ne dispose pas de simulateur d’ampli et surtout, ne repose pas sur la combinaison d’effets au sein de presets, ce qui fait la véritable originalité d’EZmix). Reste à savoir si son approche vous séduit, en téléchargeant la version d’évaluation sur le site de l’éditeur pour vous faire votre propre idée.