Près de neuf ans après la sortie de la première version, l’éditeur français Blue Cat Audio vient tout juste de sortir la quatrième mouture de son plug-in Dynamics.
L’œil non averti aurait tôt fait de croire qu’il s’agit là d’un énième plug-in de compression comme le marché de l’audionumérique en voit fleurir tous les jours. Que nenni ! Bien loin des sirènes de la mode « analo-vintage », le Dynamics 4 met à profit tous les avantages de l’ère numérique afin de proposer un véritable couteau suisse du traitement de la dynamique. Au menu, nous avons droit un plug-in réunissant des fonctions de compresseur, gate, expandeur, limiteur et waveshaper. La chose semblant tout à coup fort alléchante, c’est avec délectation que nous avons entraîné le petit dernier du chat bleu pour un repas sonore en tête à tête…
Préliminaires
Pour ceux d’entre vous qui ne le connaîtraient pas encore, Guillaume Jeulin, l’homme derrière Blue Cat Audio, est loin d’être un petit nouveau. Il est non seulement le créateur de nombreux plug-ins innovants plébiscités par les professionnels de l’audio comme par les amateurs éclairés — outils d’analyse, outil de mixage, rack virtuel/wrapper, etc. —, mais il collabore également avec d’autres éditeurs sur des plug-ins tout aussi novateurs, par exemple Unveil de Zynaptiq. Guillaume est de plus une personne des plus avenantes, toujours prêt à épauler les utilisateurs, et dont la soif de découverte n’a d’égal que sa capacité à relever les défis les plus insensés. J’en veux pour preuve la guitare semi-fretless (photo ci-contre) qu’il a construite lui-même de ses blanches mains avec le concours du luthier breton Fred Kopo.
Bref, le gendre idéal quoi ! Cela n’a pas grand-chose à voir avec le schmilblick me direz-vous. Eh bien oui et non. D’une part, savoir cela permet de remettre un côté humain dans la froide équation d’un banal test de plug-in — ce qui n’est pas pour nous déplaire — et d’autre part, il se trouve que la personnalité de monsieur Jeulin transpire littéralement de ses plug-ins donc cette petite présentation nous semblait tout à fait à propos.
Quoi qu’il en soit, rentrons maintenant de plain-pied dans le vif du sujet. En ce qui concerne les informations basiques, je vous renvoie vers la news annonçant la sortie du plug-in. Pour le reste, c’est par là que ça se passe…
Les mots bleus
Le Blue Cat’s Dynamics 4 est donc un plug-in de traitement de la dynamique. Contrairement à bon nombre de plug-ins du genre, ce dernier n’évolue pas du côté simulation analogique de la force. Au contraire, nous avons ici affaire à un traitement « clean de chez clean » n’ajoutant aucune distorsion harmonique au signal. N’allez cependant pas croire que l’engin est pour autant dépourvu de personnalité. En effet, certaines fonctions disponibles permettent de tordre le signal autrement, mais nous y reviendrons…
Pour vous décrire le fonctionnement de ce joujou, nous allons plus ou moins suivre le même chemin que le signal audio en commençant par la section de préamplification située en haut à gauche de l’interface. Il est possible d’amplifier ou d’atténuer le signal de +/- 20 dB, mais également de filtrer les graves et/ou les aigus via des filtres passe-haut et passe-bas. Vient ensuite la section sidechain avec ses classiques fonctions de filtrage, la possibilité d’utiliser un signal externe pour piloter le traitement, ainsi qu’un bouton pour écouter ce circuit sidechain. Jusqu’ici rien d’extraordinaire, c’est très simple d’utilisation et presque complet. Nous aurions toutefois apprécié un switch pour désactiver d’un simple clic de souris la section sidechain.
Continuons notre périple avec les constantes temporelles de la détection d’enveloppe. À partir d’ici, le Dynamics 4 commence à révéler sa singularité. Tout d’abord avec une plage de temps d’attaque assez jubilatoire : de 0 ms à 2 secondes ! De quoi faire tout et n’importe quoi, d’autant qu’il est possible d’ajuster de façon continue la « forme » (potard Shape) de cette constante afin qu’elle évolue de façon linéaire, exponentielle ou logarithmique. À l’usage, cette fonction Shape est diablement efficace pour adapter le comportement du traitement à la nature du signal. Il en va de même pour le relâchement avec la même plage temporelle et un potentiomètre Shape dédié. Il y a là de quoi faire groover le traitement, ou au contraire, détruire l’onde du signal façon waveshaper bien agressif afin de retravailler le caractère de la source. À cela s’ajoute un rotatif « Hold » fort bienvenu pour contraindre le traitement à rester actif durant un laps de temps donné — toujours de 0 ms à 2 secondes.
Comme si cela ne suffisait pas, il est possible de modeler la détection de sorte qu’elle opère en mode VCA ou Opto, Peak ou RMS, et tout ce qu’il y a entre puisque les contrôleurs sont continus, avec en sus le choix de la taille de la fenêtre RMS ! Bref, il y a de quoi s’adapter à n’importe quel scénario avec une facilité déconcertante.
Ah oui, nous allions oublier… Ce plug-in se décline en deux versions, la première est mono, et la seconde stéréo. Or, cette dernière offre des options supplémentaires puisqu’elle peut travailler en mode stéréo et traiter au choix le signal dans son ensemble ou uniquement l’un des canaux (gauche ou droit). Mais elle peut aussi passer en mode Mid/Side et traiter au choix le signal Mid ou le signal Side. De plus, il est également possible de choisir le lien entre les signaux au niveau de la détection. Cette flexibilité hors norme ravira les utilisateurs les plus exigeants sans pour autant effrayer les néophytes. En effet, les novices pourront se contenter dans un premier temps de triturer l’attaque, le relâchement, et le mode VCA/Opto, pour, par la suite, découvrir petit à petit les joyeuses subtilités introduites par les autres paramètres. Dans cette optique, le manuel utilisateur — un PDF malheureusement uniquement en anglais, mais directement accessible depuis l’interface du plug-in — sera d’ailleurs d’une aide précieuse tant il est bien fait.
Passons maintenant au cœur même du traitement avec la courbe de transfert de gain. Celle-ci est malléable à l’envi grâce à un découpage en deux parties. La section « Upper Curve » gère la partie haute de la courbe. Nous disposons ici d’un réglage du seuil classique et d’un potard dédié au Knee réglable de 0 à 30 dB par pas de 1 dB. Le ratio évolue quant à lui de façon continue entre 1:2 et ∞:1. Oui, vous avez bien lu, la bête peut donc étendre la dynamique, la compresser, ou carrément la limiter. De plus, le potentiomètre Depth permet de fixer une limite au traitement en définissant un changement de gain maximum. Il est ainsi possible, par exemple, de compresser avec un ratio de cheval à partir d’un certain seuil, mais d’obliger la bête à lâcher la bride du signal après seulement 3 dB de réduction de gain. Simple, efficace et diablement utile !
La section « Lower Curve » propose logiquement le même genre d’options, mais cette fois-ci pour le bas de la courbe avec un ratio variant de ∞:1 à 1:30 afin d’obtenir un traitement allant du sustain infini au gate des plus violents. Même remarque que précédemment : simple, efficace et bigrement utile.
À l’usage, ces deux sections forment un couple détonnant qui autorise les transformations de la dynamique les plus fantaisistes pour notre plus grand bonheur. Seul petit regret, il aurait été judicieux à nos yeux de proposer un switch de bypass pour chacune d’entre elles. Mais ne boudons pas notre plaisir et enchaînons !
Avant de passer à l’étage de sortie du plug-in, arrêtons-nous un instant sur les retours visuels que nous offre le Dynamics 4. Outre les crêtes-mètres en entrée et en sortie, nous avons droit à un graphique représentant la réponse dynamique, précieux allié s’il en est puisqu’il reflète directement toutes modifications des Upper et Lower Curves tout en donnant une indication quant aux temps d’attaque et de relâchement via un remplissage bleuté symbolisant l’évolution du signal en temps réel. D’autre part, tout en bas du plug-in se trouve une fenêtre affichant, toujours en temps réel, l’enveloppe du signal entrant ainsi que les variations du gain induites par le traitement — en rose pour une réduction et en vert pour une augmentation. Enfin, il y a bien entendu l’indicateur de réduction de gain qui reprend le même code couleur que précédemment pour les atténuations/amplifications. De plus, ce dernier peut être basculé en mode histogramme afin de visualiser précisément la répartition des changements de gain au cours du temps. Notez qu’une fonction zoom permet d’affiner la définition des affichages d’enveloppe et de l’histogramme/réduction de gain le cas échéant.
Lors de nos différents tests en situation, ces indicateurs visuels se sont avérés d’une aide précieuse afin de mieux appréhender l’impact des différents réglages à disposition — tout du moins au début. Par la suite, la période de prise en main étant passée, nous n’y avons plus trop prêté attention et nos bonnes vieilles oreilles ont repris les commandes. La bonne nouvelle, c’est que tous ces indicateurs sont escamotables un à un, avec en sus un réarrangement dynamique de la fenêtre du plug-in. Mine de rien, c’est extrêmement pratique pour éviter toutes distractions visuelles au besoin. Chapeau bas Monsieur Jeulin !
Une seule remarque cependant, ou plus exactement une sorte de souhait pour l’avenir. L’afficheur d’enveloppe est déjà fort intéressant en l’état, mais nous rêvons secrètement d’une option qui permettrait d’afficher en surimpression les enveloppes en entrée et en sortie du plug-in, un peu à la manière du Blue Cat’s Oscilloscope Multi. C’est humain d’en vouloir toujours plus, non ?
Intéressons-nous à présent à la sortie du Dynamics 4. Il y a bien sûr un potard Makeup Gain (+/- 60 dB) afin de compenser manuellement l’effet du traitement. Un rotatif Dry/Wet est également de la partie pour du traitement en parallèle. Un bouton Compensate permet de compenser automatiquement le gain, mais attention ! Cette fonction est relativement violente et peut facilement vous faire taper largement dans le rouge. Heureusement, le Dynamics 4 intègre un limiteur en sortie que nous vous conseillons d’activer systématiquement lors de l’utilisation de cette fonction « Compensate ». Enfin, un potard Post Gain (+/- 20 dB) permet d’ajuster finement le niveau final. Encore une fois, c’est simple et fonctionnel. Seul regret, l’absence d’une fonction d’écoute à niveau constant qui permettrait de ne pas être aveuglé par l’effet psychoacoustique « plus c’est fort, mieux c’est ».
Voilà, nous avons presque fait le tour de la bête. Il nous reste toutefois quelques menus détails à évoquer. Tout d’abord les présets. Même si nous ne sommes pas fans de la chose lors du traitement de la dynamique, il se trouve qu’ici, les présets sont très intéressants pour découvrir rapidement l’étendue des possibilités du plug-in.
D’autre part, sachez qu’à l’instar des autres produits de la marque, le Dynamics 4 offre une intégration MIDI poussée. Il propose non seulement le MIDI Learn pour l’ensemble des paramètres, mais également des fonctions lui permettant de générer des informations MIDI en sortie afin de créer des automations pour d’autres plug-ins. Il est par exemple possible de gérer le dosage Dry/Wet d’une réverbération en fonction de la réduction de gain appliquée par le Dynamics 4. Rendez-vous compte des perspectives créatives que cela ouvre !
Reste à parler des besoins de la bestiole en termes de ressources processeur. En fait, cela dépend… Sur notre configuration de test, un Mac Pro (fin 2013) Hexacoeur Xeon 3,5 GHz, une instance consomme au maximum 0,25 % en mode normal. Mais sachez que Dynamics 4 offre deux options d’oversampling (x2 ou x4) pour les cas les plus extrêmes, ce qui double ou quadruple logiquement la consommation. 1 % sur notre bécane, ce n’est vraiment pas cher payé, surtout en regard des possibilités offertes, et sans aucune latence induite, s’il vous plaît !
Enfin, à ce stade, nous avons tout de même un dernier regret à signaler : l’absence d’une fonction de comparaison A/B. Mine de rien, face aux nombreuses possibilités de raffinements offertes, cela aurait pu être un allié de taille.
Bien, il est grand temps maintenant de passer à la séance d’écoute de la bête en situation…
Les yeux dans les yeux
Commençons par une ligne de basse.
- 01 Bass Dry 00:18
- 02 Bass Attack 00:18
- 03 Bass Attack Less 00:18
- 04 Bass Expand 00:18
Comme son nom l’indique, sur l’exemple Bass_Attack nous avons voulu accentuer l’attaque de l’instrument. À l’inverse, l’extrait qui suit se voit retirer toute attaque grâce à la Lower Curve avec un temps d’attaque lent. Pour le dernier exemple, nous avons essayé d’étendre la dynamique de cette basse. Bref, comme vous pouvez le constater, Dynamics 4 transforme cette ligne de basse en véritable pâte à modeler. Tout simplement jouissif ! Pour les plus visuels d’entre vous, voici ci-contre une capture d’écran des formes d’onde de chacun des extraits.
Enchaînons avec une batterie.
- 05 Drums Multi Dry 00:17
- 06 Drums Multi Wet 1 00:17
- 07 Drums Multi Wet 2 00:17
- 08 Drums Multi Wet 3 00:17
Le premier extrait se résume au signal source. Sur le deuxième, nous avons utilisé une instance sur la caisse claire afin de non seulement la compresser, mais également de diminuer la repisse de la grosse caisse via la Lower Curve. Pour la grosse caisse, nous avons décidé de calmer son impact pour gagner en rondeur. Enfin, un traitement léger des overheads nous fait gagner un peu en profondeur.
Pour le troisième exemple, nous avons inséré une instance stéréo du Dynamics 4 sur le bus de batterie en ne compressant que le signal latéral. Les constantes temporelles au ras des pâquerettes alliées à un ratio élevé cassent le signal, ce qui provoque une distorsion qui semble élargir le champ stéréo. Enfin, le dernier extrait utilise une instance de plus sur le bus batterie avec une petite dose de compression parallèle pour assoir le tout.
Passons maintenant à un piano.
- 09 Piano Dry 00:55
- 10 Piano Wet 00:55
Ici, le Dynamics nous sert juste à calmer les crêtes du début, ce qui permettra au besoin de relever le niveau global sans taper dans le rouge. Usage classique s’il en est. Remarquez tout de même la transparence du résultat…
Continuons avec du chant.
- 11 Singing Dry 00:08
- 12 Singing VCA Opto 00:08
Deux instances du plug-in sont à l’œuvre. La première en mode VCA afin d’attraper les crêtes, la seconde en mode Opto pour stabiliser le rendu. Effet propre et net, c’est un sans faute encore une fois.
Essayons d’aller un peu plus loin avec une autre forme de « chant ».
- 13 Talking Dry 00:12
- 14 Talking VCA Opto 00:12
- 15 Talking VCA Opto Dirty 00:12
D’abord le signal source. Nous avons ensuite appliqué un traitement similaire à l’exemple précédent, à savoir une instance VCA et une autre Opto. Enfin, sur le dernier extrait nous avons mis à profit les fonctions MIDI du plug-in histoire de donner une couleur plus « vintage » au résultat. Pour ce faire, nous avons utilisé la réduction de gain de l’instance VCA pour piloter le dosage d’un plug-in de saturation. Ainsi, plus les crêtes sont compressées, plus il y a de saturation. Intéressant, non ?
Explorons maintenant le sidechain externe.
- 16 Drums Synth Dry 00:19
- 17 Drums Synth ExtSC 00:19
- 18 Drums Synth RythmGate 00:19
- 19 Drums Synth RythmGate FX 00:19
Nous avons tout d’abord la source avec un son de synthé basique et une grosse caisse. Le deuxième extrait utilise une instance du plug-in sur la piste du synthé, mais la compression est pilotée par la grosse caisse. Classique et efficace. Pour l’exemple suivant, nous avons joué avec les constantes temporelles afin d’obtenir quelque chose de plus intéressant. Pour finir, les fonctions MIDI nous ont permis de piloter des effets uniquement appliqués sur le côté droit du signal du synthé. Tout bonnement jubilatoire !
Finissons cette séance d’écoute en utilisant le Dynamics 4 comme waveshaper.
Au début, le son n’est pas traité. Ensuite, le plug-in tord le signal essentiellement grâce aux constantes temporelles ultra-courtes. Puis, nous avons joué avec l’automation. D’abord pour le filtre passe-bas du circuit sidechain, suivi du passe-haut, puis le temps de relâchement, et enfin les trois en même temps. Qui a dit qu’un traitement de la dynamique numérique n’avait pas de personnalité ?
Sérénade
À l’issue de cette séance d’écoute, nous avons envie de citer cette fameuse chanson de Pierre Neighbour :
« Seul sur le chat bleu, les yeux dans le DAW,
Ça compresse et c’est trop beau.
L’été qui s’éveille, tu contrôleras
La dynamique d’un seul doigt »
OK, c’est un poil capillotracté comme vanne… Pour notre défense, sachez que l’écriture de ce long banc d’essai a été une véritable torture. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’au lieu d’écrire, nous n’avions qu’une seule envie : retourner faire mumuse avec ce fantastique joujou. Blue Cat Audio signe tout simplement ici le Camille Claudel du traitement de la dynamique. Ainsi, c’est avec joie que nous lui décernons un Award « Valeur Sûre » ainsi qu’une note proche de la perfection. Bien entendu, nous vous invitons plus que jamais à télécharger la version d’évaluation afin de vous faire votre propre opinion.
Pour conclure, nous savons de source sûre que Guillaume Jeulin a encore beaucoup d’autres joyeusetés en préparation, et nous avons vraiment hâte de les essayer !
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