Annoncé en mai 2016 sous le nom de FG-Swiss, puis rebaptisé FG-Stress quatre mois plus tard suite à un accord de licence avec Empirical Labs, le moins que l'on puisse dire c'est que le dernier joujou en date de Slate Digital a su se faire désirer ! Cette émulation officielle du Distressor est-elle à la hauteur de la réputation de "couteau suisse des compresseurs" de son illustre modèle ? Après plus de deux mois d'utilisation intensive, voici mon avis sur la question…
État des lieux
Disponible sous Mac OS X (10.7 minimum) et Windows (7 minimum) en 32 et 64 bits aux formats VST (2 & 3), AU et AAX, le FG-Stress est un module de compression pour le Virtual Mix Rack signé Slate Digital. Par conséquent, il hérite des avantages et inconvénients propres à ce VMR : dongle physique iLok 2 impératif, obligation de l’utiliser au sein du rack virtuel, interface non redimensionnable, fonction de comparaison A/B, chaînage de plusieurs instances au sein d’une seule interface, etc. Notez également que même s’il est possible d’installer uniquement les modules VMR que vous possédez / souhaitez, il est nécessaire de télécharger la totalité du bundle sur le site de l’éditeur, soit la bagatelle de plus d’un gigaoctet… Voilà, c’est dit, nous pouvons passer au FG-Stress à proprement parler.
À l’instar du Distressor matériel sur lequel il est calqué, le FG-Stress est relativement simple au niveau des réglages. Il reprend donc la plupart des paramètres de son illustre aïeul mais, VMR oblige, au format rack 500. Dans l’ordre, nous avons de haut en bas les réglages suivants :
- Gain d’entrée – « Input » ;
- Temps d’attaque – « Attack » ;
- Temps de relâchement – « Release » ;
- Niveau de sortie – « Output » ;
- Ratio (1:1, 2:1, 3:1, 4:1, 6:1, 10:1 / Opto, 20:1, Nuke) ;
- Filtre HP fixe pour le circuit de détection ;
- Filtre « Band Emphasis » à 6 kHz pour le circuit de détection ;
- Bouton « Link » pour chaîner les canaux sur des pistes stéréo ;
- Filtre HP à 80 Hz pour filtrer le rendu ;
- Switch « Dist 2 » pour ajouter une distorsion harmonique paire ;
- Switch « Dist 3 » pour ajouter une distorsion harmonique impaire ;
- Potentiomètre « Mix » pour le dosage entre le signal source et le signal traité.
Et là, les plus attentifs d’entre vous doivent se demander : mais où est passé le « British Mode » du Distressor EL8-X ? Eh bien, monsieur Slate a tout simplement décidé de faire l’impasse sur celui-ci car le module VMR gratuit The Monster fait déjà la blague. En effet à la base, le « British Mode » est censé reproduire le fameux mode « ALL » du 1176, ce que fait justement « The Monster ». Il aurait été sympathique d’avoir cela directement au sein du module FG-Stress, mais comme le « monstre » est gratuit, ce n’est pas si grave. De plus, le potard « Mix » est un judicieux ajout par rapport à la version matérielle, alors ne boudons pas notre plaisir.
Au rayon des petites déceptions, en voici deux de plus. Tout d’abord, les presets, bien que très bien faits, ne sont pas « neutres », c’est-à-dire que ces derniers entraînent systématiquement une sensation de volume perçu plus importante et nous savons que cela ne facilite pas le jugement de la pertinence d’un traitement de la dynamique. Dernier point noir navigant dans les mêmes eaux, la fonction de lien inversé entre les potards « Input » et « Output » lorsque l’on maintient la touche « Shift » enfoncée ne sert strictement à rien puisqu’elle ne conserve pas la différence de gain relative entre les deux réglages. C’est vraiment dommage car si c’était le cas, cette fonction serait justement diablement efficace pour éviter que l’utilisateur soit floué par le changement de volume lors de la manipulation de l’un de ces paramètres. Notez que ce problème était déjà présent sur le FG-116 lors de la sortie du VMR…
Avant de passer aux exemples sonores, finissons ce chapitre par une note positive. Comme d’habitude avec les modules VMR, le FG-Stress n’implique aucune compensation de latence. De plus, la consommation du CPU est très raisonnable avec seulement 0,3% sur ma machine de guerre (Mac Pro fin 2013 Hexacoeur Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3).
Stress test
Il est courant de lire ça et là sur la toile que c’est lors de traitements extrêmes que les plug-ins montrent leurs limites face au monde matériel. Or, le Distressor original a la réputation de faire des « ravages » sur les batteries lorsqu’on le pousse dans ses retranchements. Du coup, n’y allons pas par quatre chemins et attaquons cette session d’écoute en torturant un bus de batterie à grands coups de FG-Stress :
- 01 After That Drums dry 00:12
- 02 After That Drums 20 1 00:12
- 03 After That Drums Nuke 00:12
- 04 After That Drums Nuke Dist3 00:12
- 05 After That Drums Nuke Dist3 Attack 00:12
- 06 After That Drums Nuke Dist3 Attack Dry Wet 00:12
Le premier extrait se résume comme d’habitude au signal source dans son plus simple appareil. Sur le deuxième, une instance du plug-in (ratio de 20:1, temps d’attaque et de relâchement ultra-courts et filtre HP enclenché pour le circuit de détection) mène la vie dure à cette rythmique… Et ce n’est qu’un début ! Le troisième exemple illustre l’utilisation du fameux ratio Nuke. Comme j’ai pris la peine d’harmoniser les sensations de volume perçu, la différence avec l’extrait précédent peut paraître difficile à percevoir, mais les oreilles les plus averties noteront tout de même qu’ici, la « sauvagerie » typique du modèle matériel est bel et bien de la partie. Cet FG-Stress est rapide et peut frapper très fort, un régal ! Le sample suivant se voit affublé en sus du mode « Dist 3 » qui vient joliment salir le rendu d’un grain plus sombre. Pour l’exemple n°5, j’ai sensiblement allongé le temps d’attaque histoire de récupérer le « clic » des impacts. Enfin, l’extrait n°6 illustre l’utilisation du potentiomètre « Mix » afin de mélanger la pâte sonore précédente avec le signal source. Nous obtenons ainsi un rendu claquant avec un ajout de perspective par rapport au signal source seul, un peu comme si nous avions ajouté une prise d’ambiance. Intéressant, n’est-ce pas ?
Changeons à présent de ligne et passons à un bus dont le chauffeur est un poil moins agressif…
- 07 After That Gtr dry 00:22
- 08 After That Gtr Control 00:22
- 09 After That Gtr Heavy 00:22
L’exemple doté du suffixe « Control » montre comment une seule instance du FG-Stress utilisée en mode « Opto » peut gentiment tenir la bride de ces guitares rythmiques. L’extrait suivant, quant à lui, emploie des réglages légèrement plus radicaux afin de donner plus de personnalité à ces grattes un peu trop propres sur elles.
Passons à présent à une ligne de basse :
- 10 After That Bass dry 00:11
- 11 After That Bass Control 00:11
- 12 After That Bass Clic 00:11
- 13 After That Bass Dirty 00:11
- 14 After That Bass Growl 00:11
Vous connaissez la chanson, le premier sample n’est autre que le signal source. Sur le deuxième, le FG-Stress en mode « Opto » permet d’agréablement contrôler la dynamique de cette basse. À l’inverse, pour le troisième extrait, j’ai cherché à faire ressortir l’attaque des notes de façon relativement transparente. Avouez que le résultat vaut le détour, non ? Bien entendu, il a fallu essayer de salir cette basse trop sage. L’exemple « Dirty » avec le mode « Dist 3 » est peut-être caricatural mais le résultat est là. Pour quelque chose de plus subtil, il suffit de jouer avec le potard « Mix » du plug-in, comme c’est le cas sur le dernier extrait.
Finissons cette séance d’écoute avec des voix. D’abord, un « chant » déjà torturé à la base :
- 15 Vox dry 00:12
- 16 Vox wet 00:12
Ici, deux instances du plug-in sont utilisées en série au sein du VMR : la première sert à calmer les crêtes et la seconde apporte un peu de couleur au rendu. Simple et efficace.
- 17 Fire dry 00:09
- 18 Fire 6 1 00:09
- 19 Fire Opto 00:09
Cette fois-ci, l’idée est vraiment de freiner les ardeurs de ce chant beaucoup trop dynamique. Avec un ratio de 6:1 ou en mode « Opto », le FG-Stress remplit à chaque fois l’objectif avec panache et rendra donc cette voix beaucoup plus facile à intégrer dans un mix.
- 20 Louis dry 00:50
- 21 Louis wet 00:50
Enfin, sur ces derniers extraits, le nouveau bébé de Slate permet de dompter l’énergie de cette voix tout en lui donnant un côté rock fort bienvenu pour un rendu « in your face » du plus bel effet sans pour autant sacrifier la finesse du chant en fin de phrasé. Ici, les modes « Opto » et « Dist 3 » montrent une fois de plus qu’ils forment une combinaison diablement efficace !
Comparaison n’est pas raison…
Après cette session d’écoute ô combien édifiante, il est temps d’aborder la question que tout le monde se pose : que vaut ce FG-Stress par rapport au reste ?
Commençons par la comparaison avec le modèle hardware. Je n’ai malheureusement pas la chance de posséder un Distressor. Ceci étant, c’est un engin que je connais très bien pour l’avoir maintes fois croisé en studio et pour moi, le verdict est sans appel : l’équipe de Steven Slate a clairement réussi son coup ! Ce FG-Stress n’a vraiment pas à rougir face à son illustre aïeul. Du point de vue de la gestion de la dynamique, la bestiole se comporte exactement comme je m’y attendais, et niveau coloration, c’est également un sans faute à mes yeux comme à mes oreilles. Bref, qu’il s’agisse d’obtenir la compression violente « in your face » caractéristique du célèbre joujou d’Empirical Labs ou que vous souhaitiez un traitement plus transparent, mais pourtant pas dénué de caractère, le FG-Stress assumera fièrement sa filiation avec le « couteau suisse des compresseurs ».
Il convient à présent de s’interroger face à la concurrence virtuelle, à commencer par le propre bébé logiciel d’Empirical Labs, j’ai nommé l’Arousor. Votre serviteur a eu l’occasion de tester ce dernier pour votre site préféré il y a un peu plus d’un an maintenant et j’ai donc pu me faire un avis clair sur ce « face à face » : il n’a tout simplement pas lieu d’être. Cette réponse peut vous paraître frustrante, mais je vous assure que je le pense sincèrement car le FG-Stress et l’Arousor ne sont tout simplement pas les mêmes produits. En effet, le premier se veut une réplique fidèle du Distressor et, mis à part l’apparition du réglage « Mix » et l’absence du mode « British », Slate n’a rien ajouté ou retranché. Ainsi, le FG-Stress conserve la plupart des avantages et inconvénients du modèle matériel, à savoir un outil intuitif qui sonne mais qui ne fait pas dans l’intervention chirurgicale. A contrario, l’Arousor s’inspire du Distressor mais se propose d’aller plus loin que celui-ci. De fait, les options de filtrage du circuit de détection, le dosage fin de la saturation et surtout le réglage « AtMod » permettent de sculpter plus finement le signal. Toutefois cela a un prix : l’Arousor est beaucoup moins direct dans son utilisation et les rendus sonores s’éloignent facilement du son typique d’un Distressor.
Moralité, il n’y a pas de combat entre ces deux babioles : si vous souhaitez quelque chose de fidèle à l’original, mieux vaut opter pour le FG-Stress, mais si vous souhaitez aller plus loin, c’est l’Arousor qui s’impose.
Pour finir ce paragraphe, il conviendrait d’évoquer les autres challengers virtuels. Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion de tester ces derniers et je ne peux donc décemment pas m’exprimer sur le sujet. Ceci étant, mon petit doigt m’a dit qu’il se pourrait qu’au moins un autre de ces joujoux me passe entre les mains en début d’année prochaine, affaire à suivre…
Conclusion
Bien entendu, la perfection n’est pas de ce monde. Le passage obligé par le VMR implique forcément du bon (comparaison A/B, chaînage de plusieurs instances au sein d’une seule interface, etc.) comme du moins bon (interface non redimensionnable, nom unique de vos inserts quel que soit le contenu du VMR, etc.). De plus, la fonction de lien inversé entre les potards « Input » et « Output » est toujours aussi mal fichue qu’à l’époque de la sortie de ce rack virtuel. Enfin, même si le module gratuit « The Monster » permet de faire passer la pilule, il est dommage que cet FG-Stress n’intègre pas directement le « British Mode » présent sur les modèles EL8-X (https://fr.audiofanzine.com/compresseur-de-studio/empirical-labs/distressor-mono-el8-x/).
Ceci étant dit, il n’en demeure pas moins que la bestiole est un sacrément bon compresseur ! Sa pâte sonore et son comportement font honneur à l’illustre machine qu’il émule. Quant au rapport facilité d’utilisation / résultat concret, il est tout simplement remarquable.
Comme d’habitude, cet avis n’engage que moi et j’invite tout acheteur potentiel à télécharger la version d’évaluation afin de se forger sa propre opinion. Pour ma part, le FG-Stress a directement pris une place de choix dans mon arsenal virtuel de traitements de la dynamique, chose suffisamment rare pour être soulignée.
Crédits
Les exemples audio 01 à 14 sont issus de la pré-production du titre After That de Noir, mon petit projet musical en cours de gestation que vous pouvez découvrir ici.
Quant aux deux derniers extraits, ils s’appuient sur la magnifique voix de Louis Guiyoule sur Peace Of Mind, titre phare de son premier EP que j’ai eu la chance d’enregistrer aux côtés de mon ami de toujours, Romain Castéra. Je vous invite à découvrir le clip de ce véritable petit bijou à cette adresse.
Téléchargez les extraits sonores (format FLAC)