Après le MiniBrute, le MicroBrute et le MatrixBrute, Arturia présente la DrumBrute, une BAR 100 % analogique à prix très agressif. Voyons ce qu’elle a dans les circuits…
Au pays des BAR analogiques, les ours, les loups, les chats et les souris dansent. Jusqu’alors, le marché n’intéressait plus que des marques assez confidentielles telles que MFB et Jomox, ainsi que des nombreux et talentueux DIYers. Mais ces derniers temps, les freins semblent lâchés, les Rhythm Wolf et Tom Cat d’Akai répondent en rythme aux Tanzbär et Tanzmaus de MFB (si ce n’est le contraire). Les BAR d’Akai sont toutefois les seules à proposer une surface de contrôle digne de ce nom, très bien construite avec une majorité de métal, des pads dynamiques et des commandes largement dimensionnées. Autre fait marquant, un prix plancher, de l’ordre de 150 €. Lors de notre test, la qualité sonore globale et la plage des réglages des paramètres de synthèse nous avaient un peu laissées sur notre faim… Aujourd’hui, c’est au tour d’Arturia de proposer sa propre vision de la BAR analogique. Incontestablement plus puissante mais aussi plus chère que ses deux concurrentes directes, la DrumBrute semble embarquer les spécifications techniques pour faire la loi dans la bassecour. Si en plus elle sonne…
Boîte à idées
La DrumBrute est logée dans une boîte en plastique solide de 42 × 28 × 4 cm et 5,6 kg, avec dessous métallique et flancs en bois d’arbre. Sa bonne qualité de construction et ses dimensions généreuses la destinent à la scène et aux performances live, dotée de commandes nombreuses et bien dimensionnées. Analysons la façade en commençant par le haut, avec à gauche un simple afficheur à 3 LED blanches à 7 segments et point, permettant de visualiser le tempo et certains réglages. Tout proches, on trouve les trois commandes de transport du séquenceur et le sélecteur de synchronisation (interne, USB, MIDI, Clock). En dessous, le potentiomètre de tempo et sa touche Tap, les touches de modes de jeu et de programmation. À droite, des touches pour manipuler les motifs (copie, effacement, sauvegarde) et pour naviguer dans les sections de motifs (4 sections de 16 pas, programmation du dernier pas). La partie supérieure droite de la machine est dédiée aux réglages du filtre global, du volume, du Swing, du générateur aléatoire et du ruban répétiteur de boucles (nous reviendrons en détail sur chaque fonction). On trouve ensuite une rangée de 16 boutons multicolores, permettant entre autres la sélection des motifs et la programmation pas à pas.
Les deux tiers inférieurs de la façade sont réservés aux percussions, séparées en 12 sections pour 17 instruments : d’abord, l’ensemble des paramètres de synthèse accessibles, à savoir 36 potentiomètres et 5 sélecteurs d’instrument (nous y reviendrons plus tard) ; enfin, 12 pads pour le jeu et la programmation en temps réel des percussions. Ces pads sont dynamiques et transmettent 2 niveaux de vélocité en interne (normal/accent) et 128 valeurs via MIDI. N’oublions pas le métronome, avec potentiomètre de volume et bouton d’activation, ainsi que les commandes Mute et Solo pour les pistes/instruments.
Le manuel de 74 pages (disponible en français et en anglais) témoigne du nombre de fonctionnalités. La DrumBrute n’en demeure pas moins un instrument intuitif facile à prendre en main, privilégiant un workflow ininterrompu à toutes les étapes, ce qui en fait un gros point fort.
Le panneau arrière est fort bien garni : connecteur pour alimentation 12V/1A DC externe, prise USB type B, entrée/sortie MIDI, entrée/sortie Clock (jack 3,5 mm mono), sorties séparées x12 (dont une pour le métronome, toutes au format jack 3,5 mm), sortie mix mono (hélas !) au format jack 6,35 mm et une connectique s’accommodant à tout type de casque (jacks 3,5 et 6,35 mm, potentiomètre rétractable de niveau). Lorsqu’on utilise une des prises casque, le métronome est enlevé du mix mais conservé dans la prise casque tant qu’on n’utilise pas la sortie individuelle, astucieux ! Nous saluons la présence de sorties individuelles et en profitons pour préciser que certaines sont communes aux instruments partagés (nous y reviendrons aussi). Lorsqu’une prise est connectée à une sortie individuelle, la percussion correspondante est évidemment enlevée du mix. Pour info, la synchro Clock fonctionne à 1, 2, 24 et 48 impulsions, pour tous les goûts ! Il n’y a pas de sortie trigger pour synthé analogique, on pourra tenter de s’en fabriquer une en piquant une sortie audio telle que le Rim Shot (ce qui condamnera les Claves, au passage).
Boîte à sons
La DrumBrute génère 17 percussions analogiques, dont 16 simultanées, le tout sur 12 canaux de mixage ; certaines percussions partagent le même canal et certains réglages par paire, mais sont audibles en même temps. Sur chaque canal, les sons ont des commandes de synthèse spécifiques, en fonction de leur type. Les 12 canaux ont tous un potentiomètre de volume, nous n’y reviendrons donc pas. Les cycles des générateurs sonores (oscillateurs, bruits) sont redéclenchés à chaque note. Première remarque, il n’y a pas de souffle ! Commençons la visite audio par les deux kicks, le premier évoquant la TR-909 et le second la TR-808, sans chercher à les imiter complètement ; le premier kick est le plus fourni : pitch (pouvant descendre très bas !), déclin (environ 1,5 s), impact (ajout d’un clic en début de son) et Sweep (« piou » bref) ; le second kick ne possède pas les 2 derniers paramètres. La qualité des kicks est très bonne, avec de la variété, de la rondeur et des grosses basses, bien plus pêchus que les kicks moribonds des BAR Akai évoquées plus tôt.
On continue avec l’unique caisse claire, dont on peut ajuster le niveau de Snap (timbre généré par un bruit), le déclin de Snap (environ 1 s), la tonalité du Snap (filtrage passe-haut) et la tonalité de la partie résonante (hauteur) ; autant on apprécie la diversité sonore de cette caisse claire, autant on lui trouve un manque de coffre et de basses : à égaliser et compresser en sortie individuelle ! Vient ensuite le clap, dont on peut modifier la tonalité (baisse de fréquences graves dans le sens des aiguilles d’une montre) et le déclin ; il claque parfaitement et devient imposant à basse fréquence. C’est au tour de deux percussions qui se partagent le même canal : Rim et Claves ; on peut ajuster la tonalité du Rim (couleur). Répétons qu’on peut entendre simultanément les percussions qui se partagent, par paire, le même canal, mais qu’ils ont en commun certains paramètres et la sortie individuelle.
Le cas des hi-hats est un peu différent : on dispose de deux canaux et deux ensembles de réglages séparés : pitch (bruit blanc crado vers la gauche et timbre métallique vers la droite) et déclin ; les mêmes réglages produisent d’ailleurs le même son pour les deux hi-hats ; mais à la différence des autres percussions, les hi-hats sont exclusifs (l’un coupe l’autre), ce qui permet l’utilisation classique ouvert/fermé ; nous apprécions leur qualité sonore bien métallique et leur tranchant, dans la plus pure tradition analogique.
On passe ensuite aux deux canaux de toms/congas, dont on peut régler le pitch ; cela permet d’avoir sous la main 4 percussions simultanées accordées deux à deux ; il manque tout de même un paramètre de Decay, d’autant que nous trouvons les toms trop courts. Pour la cymbale, on peut régler la tonalité (résonance) et le déclin ; le son est analogique à souhait, bien crado là aussi, dans le bon sens du terme ; originalité bien appréciable, elle existe en mode reverse simultané (avec réglage du déclin), ce qui en fait la première cymbale reverse analogique dans une BAR !
Avant-dernières percussions, le tandem maracas/tambourin (on peut régler le déclin de ce dernier, cela crée un son tenu avec une petite modulation vibratoire en fin de parcours des plus appréciables). Dernière percussion, le Zap est une percussion filtrée résonante dont on peut régler le pitch et le déclin ; elle permet de créer un tom disco (« piou piou » !) ; nous aurions préféré une cloche de vache accordable…
Tant qu’on râle, signalons tout de suite qu’on ne peut mémoriser aucun réglage, la génération sonore étant totalement analogique, y compris les réglages. Rendre les mémoires programmables aurait nécessité une électronique beaucoup plus complexe et des commandes différentes pour les réglages en temps réel. Cela oriente clairement la DrumBrute côté performance live. Dernier point, on trouve sur le mix final un filtre Steiner Parker (comme sur les synthés Brute) passe-haut ou passe-bas commutable, dont on peut régler la fréquence de coupure et la résonance. De quoi bien polir le signal avant la sortie, mais pas le salir, car le Brute Factor est passé à la trappe…
- Beat 1 02:01
- Beat 2 01:45
- Beat 3 00:56
- Beat 4 01:23
- Beat 5 01:36
- Beat 6 01:04
- Beat 7 01:21
Boîte à malice
La DrumBrute dispose de 64 motifs arrangés en 4 banques de 16. Chacun peut avoir son propre tempo, mais on peut facilement activer le mode tempo global pour toute la machine. Les motifs sont constitués de 16 pistes (autant que d’instruments simultanés), avec une longueur comprise entre 1 et 64 pas (modifiable à la volée en lecture, puis en enregistrement). Avant même de programmer quoi que le soit, la DrumBrute offre différentes fonctions pour épicer la lecture des motifs. On peut d’abord couper/isoler des instruments à la volée, puis mettre un peu de Swing (entre 50 et 75 %). Pour épicer un peu le groove, rien de tel qu’un facteur aléatoire : cela crée des changements plus ou moins subtils dans l’ordre des pas et des instruments programmés. Pour épicer un peu plus, rien de tel qu’un petit Looper bien pensé : à l’aide du ruban et des boutons de pas, on peut forcer le motif à boucler plus ou moins vite et plus ou moins tôt, en tout cas avant la fin présumée. Cela permet notamment de faire des roulements automatiques, que l’on peut utiliser en programmation temps réel.
Pour épicer davantage encore, Arturia nous propose la polymétrie, permettant à chacune des 16 pistes d’un motif d’avoir sa propre longueur : en appuyant sur la touche idoine, on active le mode (appelé à tort) PolyRhythm ; on sélectionne alors la piste à éditer, on appuie sur le bouton Last Step puis sur l’une des 16 touches de pas ; on recommence pour chaque piste souhaitée ; résultat, des motifs disloqués qui ne se répètent qu’au bout d’une certaine périodicité ; petite khôlle : sachant qu’on dispose de 16 pistes de 64 pas, quelle est la périodicité maximale ? Vous avez une heure… Toutes ces fonctionnalités de lecture sont mémorisées dans chaque motif, excellent !
Pendant ce temps, profitons-en pour programmer un motif. Commençons par choisir la division temporelle (1/8, 1/8T, 1/16, 1/16T, 1/32). En mode temps réel, on peut utiliser le métronome, puis entrer les notes à l’aide des pads inférieurs. Elles seront enregistrées sur deux niveaux en fonction de la vélocité de frappe appliquée (normal/accent) et quantifiées suivant la division temporelle prévue ; plus tard, on pourra les décaler de plus ou moins 50 %, sympa. Alors que l’enregistrement continue, on peut ajouter des roulements automatiques, remplacer des notes (par écrasement), supprimer des pas… en mode pas à pas, on peut entrer/supprimer/accentuer des pas à l’aide des 16 touches lumineuses de pas et 4 touches de sélection de section de motifs. Lorsqu’une touche est allumée en bleu, c’est qu’il y a quelqu’un dans le pas ; quand elle est rouge, c’est que ce quelqu’un a un accent. L’accentuation correspond à un renforcement de volume, mais on a l’impression que d’autres paramètres sont parfois aussi modifiés, comme l’attaque, le timbre ou le pitch. Comme nous l’avons dit, chaque pas peut être décalé dans le temps de plus ou moins 50 % de sa longueur, ce qui permet d’humaniser le timing.
Les motifs peuvent ensuite être assemblés en morceaux. La mémoire interne renferme 16 morceaux de 16 motifs. Chaque motif est chaîné à son propre tempo (sauf si le tempo global est activé) et avec ses paramètres Swing et Random. On ne peut entrer qu’un motif par pas (pas de répétition au sein d’un même pas), donc si on veut enchaîner plusieurs fois un même motif, on consomme plusieurs pas (à concurrence de 16). À la fin de la lecture d’un morceau, celui-ci est mis en boucle tant qu’on n’interrompt pas la lecture. Un morceau est donc un super motif, pas de quoi couvrir un titre de A à Z sans reboucler (par exemple, un morceau de 16 motifs de 64 pas à 120 BPM dure 2’08’’), ou structurer un concert complet en playback… un peu juste ! Toutes ces manipulations se font sans interruption du workflow, un vrai point fort de la DrumBrute. La machine possède toutes les fonctions de copie/collage/effacement dans tous les modes.
Conclusion
La DrumBrute embarque une belle panoplie de percussions analogiques facilement modifiables et un séquenceur pour le moins original, avec les fonctions Swing et Random, le répétiteur de pas et la polymétrie. Son ergonomie bien pensée et ses commandes directes la destinent tout particulièrement au live, où elle peut se synchroniser avec pratiquement tout ce qui bouge… Sa bonne qualité de construction, ses sorties individuelles et sa gestion externe des mémoires de séquences font également partie de ses atouts. On peut toutefois lui reprocher l’absence de mémoires pour les sons, l’impossibilité d’automatiser leurs réglages, les enchaînements de motifs trop courts, la sortie mix monophonique et certaines percussions un peu fades, tout cela nécessitant une table de mixage et des traitements externes. Quoi qu’il en soit, avec un prix très bien positionné, la DrumBrute offre au plus grand nombre de musiciens et DJ l’accès à une BAR analogique pleine de très bonnes surprises.
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