Présentée cet été, la nouvelle série Boutique comporte pas moins de quatre nouveaux modules. Très attendue, la TR-08 modélise une légende de la marque, la TR-808...
La TR-808 est une BAR aux sons entièrement analogiques datant de 1980. Sa mission, qu’elle accepte alors avec la technologie de l’époque, est de reproduire le son et le jeu d’un vrai batteur. Impossible ? Pas plus que la tâche confiée au Jupiter-8 au même moment : imiter des sons d’orchestre ! Pour cela, notre TR dispose de seize sons de percussions (onze simultanés), trente-deux motifs à deux variations programmables sur trente-deux pas maximum, des fonctions d’intro/fill-in dérivées des orgues de salon, le tout chaînable au sein de douze morceaux totalisant 768 motifs. La machine offre des potentiomètres pour modifier la couleur et/ou le volume des sons, ainsi que des sorties séparées pour les traitements externes. Disons-le tout de suite, elle ne remplit pas sa mission et en cherchant un peu, on trouve encore de vrais batteurs aujourd’hui (Étienne, si tu me lis…). En revanche, elle va influencer de nombreux courants musicaux depuis sa naissance : pop, soul, new wave, hip-hop, house, EDM et dérivés. On ne retrouvera d’ailleurs pas cet éclectisme avec la TR-909 qui lui succédera. Pourtant très typée et limitée, elle atteint aujourd’hui des cotes astronomiques, autour de 2 500 €, tout comme la TR-909. Elle donne aussi naissance à un tas de produits, allant du soft gratuit aux banques de samples, en passant par les clones DIY ou les BAR du commerce. Mais aujourd’hui, c’est Roland qui reprend la main avec la TR-08. Sa mission, modéliser numériquement le son et le jeu d’une BAR qui n’a jamais réussi à reproduire analogiquement le son et le jeu d’un vrai batteur… Mission impossible ?
Mini Module
Fin 2017, la série Boutique comprend désormais 11 modèles, qui partagent tous la même conception : un module ultra compact de moins de 1 kg, pouvant être monté dans une station d’accueil clavier ou boitier (voir encadré). En dépit de sa petite taille, un Boutique n’a rien de gadget : l’avant, la façade et l’arrière sont constitués d’une tôle pliée très solide ; seuls le dessous et les côtés sont en plastique. Sur la TR-08, les commandes sont de bonne facture mais beaucoup plus serrées que sur la 808. Cela complique un peu le maniement des armes, sans toutefois être rédhibitoire, car la résistance des rotatifs et des boutons est bonne. D’ailleurs, les sélecteurs rotatifs sont robustes, rien à voir avec ceux du SE-02 testé récemment dans nos colonnes. L’entraxe horizontal des potentiomètres est le même que sur la TR-09, mais comme les capuchons sont plus petits, on a moins de gêne. La TR-08 est livrée avec une station d’accueil sans clavier de couleur assortie (type DK-01). Sa taille est toutefois très réduite par rapport à la 808 (308 × 130 × 52 mm pour la petite TR-08 dans sa station contre 508 × 305 × 105 mm pour la grosse TR-808). Le design, les fonctionnalités et l’ergonomie sont quasi identiques à la grande sœur.
On retrouve donc trois rangées de potentiomètres (22 en tout) permettant de faire les réglages de l’accent global et des sons de percussion présents : grosse caisse, caisse claire, trois toms ou trois congas séparés (avec sélecteur de choix pour chacun), bord de caisse ou claves (avec sélecteur), maracas ou clap (idem), cymbale et hi-hat (ouvert et fermé en même temps cette fois). Tout à gauche, un afficheur à quatre diodes de sept segments permet de visualiser les numéros de motif, les réglages et le tempo. Outre le gros potentiomètre de tempo (et son petit comparse pour le réglage fin), on trouve bon nombre de sélecteurs de fonctions : mode de jeu, motifs, banques, variation du motif (A ou B, pour jouer ou alterner deux motifs), fill-in (nous y reviendrons).
La rangée du bas comprend la touche Start/Stop, le sélecteur d’échelle de signature (division de la mesure), seize boutons lumineux (programmation des pas ou sélection des motifs) et touche Intro/Fill-in. Numérique oblige, un menu permet d’accéder aux fonctions supplémentaires : réglages additionnels des sons, assignation audio/USB, MIDI et autres paramètres système. La sortie Trigger (impulsion) est située en façade ; au format mini-jack, elle permet de piloter une machine dotée d’entrée Trigger (une TB-03 par exemple), suivant les pas programmés dans le séquenceur.
L’ergonomie est calquée sur la TR-808 : on règle ses sons avec les potentiomètres ; on sélectionne l’instrument, l’accent ou le Trigger à programmer ; on choisit une signature temporelle ; on enregistre ses motifs sous forme de grille en allumant les touches de pas ou en temps réel avec le bouton Tap ; on envoie des fill-ins à la main ou en cycle ; on enchaîne tout ça dans des morceaux complets.
Concernant la connectique, c’est là que les choses changent et ça se passe derrière : interrupteur secteur, port USB de type micro-B (alimentation, MIDI et audio), mini-potentiomètre de volume, sortie casque stéréo, sortie ligne stéréo, entrée ligne stéréo et entrée/sortie MIDI DIN. La connectique audio est au format mini-jack. Le manque de sorties audio individuelles sur les percussions peut décevoir, mais on pourra contourner le problème via USB (nous en reparlerons plus tard). En dessous du module, on trouve un petit HP (dont nous reparlerons aussi) et une trappe pour insérer les 4 piles AA-LR6 fournies (par contre, la cordon micro USB avec alimentation secteur ne l’est pas). Avec son petit HP, son séquenceur et ses piles, la TR-08 est totalement autonome, du moins pendant les 6 heures annoncées par le constructeur.
ACB toujours
Nous avons testé l’OS 1.03. La TR-08 utilise une technologie de modélisation analogique ACB pour simuler le comportement de chaque composant de la TR-808, que ce soit pour les réglages des seize percussions, la réponse aux accents ou le comportement du séquenceur. On retrouve immédiatement la pêche et le grain caractéristiques de la TR-808. La modélisation est réalisée avec une grande précision : couleur sonore, patate globale, variations subtiles dans le timbre lorsqu’on rejoue plusieurs fois le même son, action de l’accent. Avec une ergonomie identique à la TR-808, on s’y croyait ! Petites spécificités, on peut choisir deux types de Decay pour la grosse caisse (normal ou long) et lier l’accordage et le niveau du hi-hat pour ses modes ouvert/fermé, bien vu ! Détail en passant, les sons de hi-hat ouverts et fermés peuvent jouer en même temps, comme sur la 808…
Sans TR-808 sous la main, difficile de dire si les plages de réglage sont les mêmes ; mais cela n’aurait pas beaucoup de sens, chaque TR-808 étant calibrée et usée différemment, comme on le constate sur certaines vidéos postées sur la toile. C’est là que la différence se fait avec les TR-909 sorties plus tard, plus constantes d’un modèle à l’autre pour les percussions analogiques et parfaitement identiques pour les percussions numériques. Comme sur la TR-09, Roland a ajouté un compresseur sur la grosse caisse et la caisse claire, ce qui permet de les faire peser davantage sans traitement externe. Du coup, le petit HP intégré est incapable de faire ressortir le punch et les basses de la machine ; c’est plus un appoint pour programmer un motif en itinérance. Mais avec une sono digne de ce nom, les basses remuent les tripes et la caisse claire cingle les oreilles comme un coup de trique !
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Petite sœur
La TR-08 modélise tous les sons (et leurs paramètres d’édition) de la TR-808. Rappelons-le, cette dernière embarquait uniquement des percussions analogiques générées par des composants discrets, chaque instrument ayant son jeu de composants. Ici, tout est numérique. Les 16 percussions possèdent un réglage direct du niveau en façade. Les autres paramètres éditables varient selon l’instrument. Depuis la façade, on peut modifier la tonalité et le déclin de la grosse caisse, la tonalité et le timbre de la caisse claire, l’accordage des trois toms et congas, la tonalité et le déclin de la cymbale, ainsi que la durée d’ouverture du hi-hat. Comme sur la TR-808, ces réglages ne sont hélas pas mémorisables. Nous verrons plus tard que la TR-08 reconnait les CC MIDI, ce qui permet de contourner le problème avec un équipement externe.
D’autres paramètres sont accessibles depuis le menu (que n’a pas la TR-808) : compression de la grosse caisse et de la caisse claire ; déclin court ou long pour la grosse caisse ; gain et panoramique pour tous les instruments ; accordage pour la grosse caisse, le bord de caisse, le clap, la cloche, le hi-hat ouvert et le hi-hat fermé ; déclin pour la caisse claire, les toms, le bord de caisse, le clap, la cloche et le hi-hat fermé. On peut aussi couper/isoler chaque son de percussion ; ceci se fait par combinaison de touches, pas toujours facile dans un live. Chaque son peut aussi être assigné à la sortie audio analogique gauche ou droite ; dans ce cas, on perd évidemment les réglages de panoramique.
Grille et temps réel
La TR-08 est plus généreuse que son ancêtre au plan des motifs, puisqu’on passe de 32 à 256 mémoires de deux variations (A et B), chaque motif pouvant aller jusqu’à 32 pas (deux parties enchaînées de seize pas maximum). Pas mal ! On les appelle par banque, chacune des seize banques contenant seize motifs : douze courants et quatre intros/fill-ins. Comme déjà évoqué, ces derniers peuvent être appelés automatiquement (suivant un cycle de 2, 4, 8, 12, 16 motifs) ou à la main (avec la touche idoine comme sur un arrangeur). On peut enchaîner plusieurs motifs consécutifs en boucle au sein d’une même banque en sélectionnant simultanément les motifs de début et fin de lecture.
Passons au premier mode d’enregistrement, le mode grille. On choisit un numéro de motif, sa variation (A ou B), puis on efface son contenu pour partir de zéro (touche Clear). Ensuite, on choisit la partie du motif à capturer (1 ou 2), puis on définit le nombre de pas (un à seize, indépendant pour chaque partie) et la division temporelle (Scale, commune aux deux parties). Cette dernière permet de créer des mesures quaternaires (croches ou double-croches) ou ternaires (triolets de croches ou noires). On sélectionne ensuite l’instrument à programmer et on allume les pas où il doit être joué. La TR-08 offre une fonction Sub Step, c’est-à-dire un dédoublement des pas décalé d’un demi-pas (et non seize Sub Step par Step comme on a pu le lire ici et là) : application, créer facilement des roulements ou fla.
Pour passer à un autre instrument, on utilise le sélecteur rotatif et on reprend la procédure, tout cela sans stopper le rythme ; c’est également vrai pour l’accent (par pas, avec intensité globale réglable) et le Trigger externe, qui ont leur propre piste. On peut enregistrer les motifs en temps réel avec la touche Tap (et Trigger pour le Trigger). Précisons que les parties 1 et 2 (enchaînées) d’un motif peuvent avoir différentes longueurs, alors que les variations A et B d’un motif (jouées de manière exclusives ou alternées) les partagent. On peut facilement copier un motif vers un autre ou vers sa variation. Pour les moins inspirés, un générateur aléatoire de motifs est présent.
Les motifs peuvent par la suite être assemblés au sein de douze morceaux (baptisés Track). Les mesures (c’est ainsi que sont appelés les motifs successifs) sont entrées en temps réel ou pas à pas. Une fois l’enregistrement terminé, on peut insérer ou supprimer des mesures où on le souhaite. Chaque morceau peut contenir jusqu’à mille mesures, de quoi voir venir. En lecture de morceaux ou de motif, on peut ajouter du Shuffle et boucler la séquence.
MIDI et audio
La TR-808 était pré-MIDI. La TR-08 comble évidemment cette lacune, avec une interface DIN et USB. Au menu, émission/réception des notes et des CC, avec assignation fixe pour les numéros de note et de CC. Parmi la quarantaine de CC reconnus, citons l’ensemble des paramètres sonores des instruments (potentiomètres et réglages additionnels via le menu), l’accent et le transport. Hélas, les panoramiques des instruments ne sont toujours pas pris en compte par les CC, dommage !
La prise USB permet aussi d’effectuer des Backup/Restore de la mémoire du séquenceur. Côté audio, la TR-08 agit comme une interface audio USB 24 bits / 96 kHz multicanal à douze sorties/deux entrées. En plus du mix stéréo, chaque percussion est assignée à un bus USB individuel, ce qui permet de récupérer les signaux indépendamment et de les traiter dans sa STAN préférée : de quoi contourner l’absence de sorties analogiques séparées. Réciproquement, le mix stéréo de la STAN peut être retourné via USB à la TR-08. Tout ceci nécessite au préalable d’installer et bien configurer le driver PC/Mac fourni par Roland.
Conclusion
La TR-08 est une modélisation très fidèle de la TR-808, à la fois par le son, les possibilités d’édition et l’ergonomie de programmation. Elle reprend scrupuleusement le design, le comportement et l’ensemble des fonctionnalités de la grande sœur. Elle booste les mémoires de motifs et ajoute de nouveaux réglages sur les percussions, dont le compresseur pour faire exploser la grosse caisse et la caisse claire. Elle bénéficie aussi d’une interface numérique moderne MIDI/USB. L’absence de sorties analogiques séparées est contrebalancée par les sorties audio individuelles via USB. Le passage au tout numérique ne prend hélas pas en compte la mémorisation des réglages des percussions ; on peut toutefois contourner ce manque via les CC MIDI, sauf pour les panoramiques. En conclusion, pour retrouver le son et la programmation typiques d’une TR-808 sans (faire) construire un clone ou se ruiner inutilement, pour pallier un manque d’espace ou voyager léger, la TR-08 est aujourd’hui la meilleure alternative.
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