Présentée à la Musikmesse, la Rhythm Wolf est enfin disponible en cette fin d’année. L’un des premiers modèles arrivés en France nous a été confié… de quoi hurler de plaisir ?
On doit à Akai Pro les premiers échantillonneurs abordables du marché, au milieu des années 80. En parallèle de cette série S essentiellement déclinée en rack, le constructeur a également développé une tout aussi fructueuse série de BAR à samples, les MPC. Passée sous pavillon américain il y a plusieurs années et actuellement détenue par le groupe inMusic (Alesis, Alto, Denon, M-Audio, Marantz, Numark…), la marque développe aujourd’hui une vaste ligne de contrôleurs MIDI/USB, sous forme de claviers ou modules. Il était donc tout à fait inattendu d’apercevoir cette année, à Francfort, une nouvelle BAR à génération sonore analogique, qui plus est annoncée à prix plancher : la Rhythm Wolf. Hélas, le modèle présent sur le stand du constructeur était désespérément muet. Les quelques vidéos parues plus récemment sur la toile ont généré leur lot de commentaires plus ou moins acerbes. Alors que les premiers modèles commerciaux arrivent sur les étagères des magasins, il était donc urgent pour nous d’en récupérer un pour un test en vraie grandeur et en profondeur. C’est chose faite, voyons donc ce que nous réserve une BAR analo à moins de 200 euros…
Peau du loup
La première surprise commence à l’ouverture du carton : la Rhythm Wolf est plus grande et plus lourde que nous nous y attendions, avec une taille respectable de 32 × 22 cm et un poids supérieurs à 2 kg. La structure principale est en métal épais sérigraphié sur fond noir, formant une boîte à 4 rabats (avant, arrière, 2 côtés). Les autres faces sont en plastique moulé, imitation bois pour les flancs et noir pour le dessous.
Comme on peut le voir sur les photos, les potards sont à axe métallique, certes pas vissés en façade, mais pratiquement sans jeu. Leur manipulation est un vrai plaisir, d’autant qu’ils sont largement espacés. Les cartes électroniques internes sont fixées sur des entretoises métalliques, rien ne bouge. Bref, on se demande comment ils ont atteint ce niveau de qualité de construction à ce prix !
En façade, les commandes sont nombreuses et logiquement réparties : écran à 3 diodes 7 segments, encodeur (tempo/valeur), 23 potards (paramètres de synthèse, volume, distorsion), 6 pads dynamiques rétro-éclairés pour chaque instrument, rangée inférieure de 16 boutons avec diodes 3 couleurs (entrée des notes et fonctions secondaires) et 9 boutons divers (Tap tempo, sélection de Pattern, coupure/solo de parties, liaison de notes, fonction Shift, vélocité, variation de Pattern, Fill, transport du séquenceur…).
La connectique est située à l’arrière. On commence par la sortie audio globale (jack 6,35 TRS vissé, de niveau ligne mono ou casque) et la sortie séparée pour le synthé basse (jack 6,35 TS vissé) ; y insérer une prise permet de récupérer le son de basse en le coupant de la sortie principale, pour le traiter séparément. La communauté DIY pourrait être tentée d’ajouter des sorties pour chaque son de percussion, ce qui semble possible si l’on s’en réfère au connecteur multibroches qui relie la carte principale à la petite carte des sorties audio. Il y a aussi 2 prises MIDI (entrée/sortie commutable en Thru) et 2 prises mini-jack (entrée/sortie Gate Trigger). Viennent enfin la prise USB (MIDI), la borne pour alimentation externe fournie (12V/2 A de type bloc à l’extrémité) et l’interrupteur secteur poussoir. On aurait aimé une alimentation par piles pour le côté nomade, mais ce n’est pas prévu car l’analo, ça consomme !
Loup à 5 pattes
La Rhythm Wolf est une BAR analogique capable de délivrer simultanément quatre sons de percussions (Kick, Snare, Percussion, Hi-hat ouvert/fermé) et un son de synthé-basse. Après allumage, la bête doit un peu chauffer pour se stabiliser, circuits analogiques obligent. Sur notre modèle de test (pré-série), le suivi de clavier du synthé-basse dérive complètement quand on modifie l’accordage de l’oscillateur. Akai nous a promis que les modèles commercialisés sortiront directement avec la mise à jour corrective de l’OS…
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Sur le Kick, on peut régler le volume, l’accordage, l’attaque et le déclin de volume. La plage de fréquences étant assez basse, il faut donc un bon système d’écoute pour le révéler, sinon on aura tendance à le sur-mixer ; il manque un peu de patate sur l’attaque, mais le son est bien rond ; de la compression sélective sur les basses fréquences ne fera pas de mal. La Snare offre les réglages de volume, d’accordage, de niveau de bruit et de déclin de volume. Elle peut paraître un peu « plop plop », mais elle devient très pêchue dès que l’on fait intervenir le générateur de bruit ; trop pousser le déclin créé un « pschhhiiit » un peu caricatural, surtout en conjonction avec l’accentuation ; à utiliser avec parcimonie, donc.
La Percussion possède un réglage de volume, un double accordage (haut et bas) et un générateur de bruit séparé. Ce dernier permet de simuler, avec les deux clics, un bord de caisse ou de se rapprocher d’un clap ; uniquement se rapprocher, hélas ; bref, une percussion plus claves que clap ! Pour sa part, le Hi-hat est décliné en version ouverte/fermée (temps de déclin différent) ; il offre les paramètres de volume, accordage et déclin ; plutôt qu’un véritable accordage, on joue sur le timbre, qui pour le coup se différencie des sempiternels sons de TR ; le Hit-hat coupe parfaitement dans le mix, surtout quand on le pousse avec la distorsion (voir plus tard). Enfin la basse est un petit synthé analogique, avec réglage de volume, accordage de l’unique oscillateur sur 3 octaves, choix de la forme d’onde (carrée/dent-de-scie), fréquence de coupure du filtre (passe-bas 2 pôles), résonance, niveau d’enveloppe de filtre (segments hélas non paramétrables) et déclin de l’amplitude. Cette basse possède une belle rondeur, du bon gras, mais manque de patate ; le filtre résonant permet de tailler le timbre, avec une résonance plus colorante qu’oscillante (pas d’auto-oscillation) ; là encore, une bonne compression s’impose et la sortie séparée prend tout son intérêt.
- 01 SW1 02:12
- 02 SW2 01:11
- 03 Fill1 00:24
- 04 Fill2 00:36
- 05 Kick 00:32
- 06 Snare 00:34
- 07 Hats 00:34
- 08 Perc 00:33
- 09 BSaw 00:35
- 10 BSquare 00:36
Pas de loup…
Avec sa conception « une fonction un bouton », la Rhythm Wolf est un véritable plaisir à manipuler : on lance un Pattern, on enchaîne les variations en direct ou avec la fonction Fill, on passe de la programmation temps réel avec les pads à la programmation pas à pas avec la rangée de 16 boutons, on change de signature, on modifie la longueur de Pattern, on coupe un instrument (ou on l’isole), on tripote les potards des sons, tout ça sans interrompre le flux créatif. On n’aura pas souvent besoin de recourir au mode d’emploi papier fourni en 5 langues, dont le français. La mémoire interne renferme 16 Patterns composés chacun de 4 séquences de 16 pas : variation A, variation B, Fill A, Fill B. On peut chaîner les variations A et B pour obtenir un Pattern de 32 pas. La fonction Last Step permet de définir à la volée la longueur du Pattern (de 1 à 16 ou de 17 à 32 pas). La touche Fill fonctionne comme sur un arrangeur, en restant sur la variation en cours ou en basculant vers la variation alternative suivant le temps pendant lequel elle est maintenue. On mute/isole les instruments en temps réel avec la touche Mute/Solo et les 6 pads.
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La machine fonctionne selon 3 modes : Record Off (lecture simple + jeu sur les pads sans enregistrement), enregistrement pas à pas (avec les 16 touches de pas) ou enregistrement temps réel (avec les pads). La division temporelle des Patterns va de 1/4 à 1/32, avec les valeurs ternaires intermédiaires. Chaque instrument peut être accentué suivant 3 niveaux de vélocité sur chaque pas ; lorsqu’on maintient la touche Velocity, les LED des 16 boutons de pas prennent une couleur différente suivant le niveau d’accent (vert, orange, rouge), ce qui permet de visualiser et changer la valeur. On peut aussi entrer le niveau directement avec les 6 pads dynamiques, en enregistrement en temps réel.
L’effet de l’accentuation varie suivant l’instrument, sans se limiter au volume : attaque du Kick, déclin du bruit du Snare, déclin du Hi-hat ou encore action de l’enveloppe de filtre de la basse. Cela rend les Patterns très expressifs. Un facteur de Swing peut également secouer la rythmique. La fonction Tie permet de lier les pas du synthé-basse sans redéclencher les enveloppes ou créer des notes qui durent sur plusieurs pas.
Pour entrer les notes du synthé, on utilise les 16 boutons de pas qui forment alors un mini-clavier ; ces boutons étant statiques, il faut repasser en mode pas-à-pas pour modifier les niveaux de vélocité. On peut alternativement utiliser un clavier de commande externe, les notes reçues par MIDI étant enregistrées en temps réel avec leur vélocité recalibrée sur 3 niveaux. Au niveau de l’édition globale, on peut copier/coller/effacer un Pattern. Quelques points viennent toutefois gâcher cette belle fête : on ne peut enregistrer le mouvement des potards (on reste dans le monde analogique pur), le sens de lecture se fait uniquement à l’endroit, il n’y a pas de fonctions Flam /Roll /Slide et il est impossible d’enchaîner plusieurs Patterns (pas de mode Song). Tout cela confine la Rhythm Wolf à une utilisation temps réel si on veut rendre vivantes les séquences. Plus une machine pour performeurs que pour programmeurs.
Fin de loup
La Rhythm Wolf nous a séduits par sa qualité de fabrication et son ergonomie exemplaires, mélangeant percussions et basses synthétiques. Elle permet en quelques instants de créer des rythmiques sympathiques et de les enchaîner sans interruption. Faute d’automation des commandes et de mode Song, elle conserve toutefois une orientation performance scénique plutôt que studio. Sa facture analogique limite quant à elle le nombre d’instruments disponibles. Pour ce qui est du son, il sort certes des standards habituels, mais il faut à notre sens lui adjoindre des traitements externes pour le rehausser. Au final, une machine pour se faire plaisir sans se ruiner, que ce soit pour débuter ou compléter sa palette sonore…
Télécharger les extraits sonores (format FLAC)