Présentée il y a quelques semaines, la deuxième génération Boutique fait renaître trois légendes Roland sous forme de mini-modules numériques. Au programme de ce test, la TR-09, modélisation de la célèbre TR-909...
La TR-909 date de 1983, au tout début du MIDI. C’est le fleuron des BAR Roland, comprenant 11 sons de percussions électroniques hybrides (fûts et claps analogiques, cymbales numériques) et un séquenceur à pas de 96 motifs et 8 séquences. On peut éditer certains sons avec quelques paramètres de synthèse basiques, pour en modifier le timbre ou l’accordage. La programmation des séquences se fait en temps réel ou en pas-à-pas, avec une grille maison maintes fois copiée. La TR-909 se synchronise et s’interfacer à pas mal de choses, magnétos à bandes, instruments analogiques ou MIDI… Mais tout comme la TB-303, c’est un échec commercial, les musiciens préférant les sons « réels » des BAR américaines (Linn, Oberheim et Sequential). Oubliée pendant une décennie, la TR-909 sort de la grotte dans le courant des années 90, sur la scène house/techno/dance : 4 coups de grosse caisse, 4 coups de hi-hat ouvert à contretemps, un compresseur qui pompe à mort… Elle devient dès lors très recherchée, au point d’atteindre une cote exorbitante désormais autour de 2 500 €, tout comme la TR-808. Entretemps, elle donne naissance à un tas de produits, allant du soft gratuit aux banques de samples, en passant par les clones DIY ou les BAR du commerce. Mais aujourd’hui, Roland reprend totalement la main avec la TR-09. Elle fait partie de la nouvelle trilogie Boutique, avec la TB-03 (modélisation de TB-303) et le VP-03 (modélisation de VP-330), qui seront également testés dans nos colonnes.
Mini Module
Fin 2016, la série Boutique comprend 7 modèles, qui partagent tous la même conception : un module ultra compact de moins de 1 kg, pouvant être monté dans une station d’accueil clavier ou boîtier (voir encadré). En dépit de sa petite taille, un Boutique n’a rien d’un gadget : l’avant, la façade et l’arrière sont constitués d’une tôle pliée très solide ; seuls le dessous et les côtés sont en plastique. Sur la TR-09, les commandes sont de bonne facture mais beaucoup plus serrées que sur la 909. Cela complique un peu le maniement des armes, sans toutefois être rédhibitoire, car la résistance des rotatifs et des boutons est bonne.
La TR-09 est livrée dans une station d’accueil sans clavier de couleur assortie à la machine (type DK-01). Sa taille est toutefois très réduite par rapport à la 909 (308 × 130 × 52 mm pour la petite TR-09 dans sa station contre 486 × 300 × 105 mm pour la grosse TR-909). Le design, les fonctionnalités et l’ergonomie restent quasi identiques à la grande sœur.
On retrouve donc deux rangées de potentiomètres (26 en tout) permettant de faire les réglages des sons de percussion présents : grosse caisse, caisse claire, trois toms séparés, bord de caisse, clap, hi-hat et cymbales. En dessous, un afficheur de 4 diodes et 7 segments permet de visualiser les numéros de motif, les réglages et le tempo. Outre les potentiomètres d’accent et de tempo, on retrouve une rangée de 14 mini-boutons lumineux carrés permettant de sélectionner les séquences, les motifs, les modes de programmation et quelques autres fonctions pratiques (transport, compresseur, menu…). En bas, une rangée de 17 boutons à diode permet de programmer les pas, sélectionner/jouer la percussion à programmer (certaines avec ou sans accent) et entrer l’accent global. Enfin sur la partie gauche, on trouve les commandes de transport simplifiées du séquenceur et quelques fonctions additionnelles héritées de la TR-909 : dernier pas, signature temporelle (Scale), Shuffle/Flam, effacement, sélection d’instrument, Shift. Les seules différences de fonctionnalités entre la TR d’hier et celle d’aujourd’hui sont minimes : disparition de la cartouche mémoire, de l’interface cassette (mémoires, synchro), de la gestion d’une piste MIDI externe ; apparition d’un compresseur et de fonctionnalités globales (MIDI, audio, USB…). La sortie Trigger (impulsion) est passée en façade ; au format mini-jack, elle permet de piloter une machine avec entrée Trigger (une TB-03 par exemple), suivant les pas programmés dans le séquenceur (ici, on ne consomme pas le son de bord de caisse). Pour ce qui est de l’ergonomie, elle est tout aussi engageante que celle d’une TR-909, vraiment toute simple d’utilisation.
Un petit tour rapide sur le panneau arrière permet de découvrir le reste de la connectique : interrupteur secteur, port USB type micro B (alimentation, MIDI et audio), mini-potentiomètre de volume, sortie casque stéréo, sortie ligne stéréo, entrée ligne stéréo et entrée/sortie MIDI au format DIN. La connectique audio est au format mini-jack. Le manque de sorties audio individuelles sur les percussions peut décevoir, mais on pourra contourner le problème en partie via USB (nous en reparlerons plus tard). En dessous du module, on trouve un petit HP (dont nous reparlerons aussi) et une trappe pour insérer les 4 piles AA-LR6 fournies (à défaut d’un cordon micro USB/alimentation secteur non fourni). Avec son petit HP, ses boutons de pas et ses piles, le module est totalement autonome, du moins pendant les 6 heures annoncées par le constructeur.
ACB toujours
Nous avons testé l’OS 1.04. La TR-09 utilise une technologie de modélisation analogique ACB pour simuler le comportement de chaque composant de la TR-909, que ce soit pour les réglages des 11 percussions, la réponse aux accents ou le comportement du séquenceur. On retrouve immédiatement la pêche et la rondeur de la TR-909. La modélisation est réalisée avec une grande précision. Par exemple, sur les percussions « analogiques » modélisées, on entend de petites variations ou inconsistances dans le timbre lorsqu’on joue plusieurs fois de suite le même son. L’accent agit sur le volume, le timbre ou l’attaque, comme sur la machine d’origine.
Les plages de réglage des différents instruments sont elles aussi très fidèles, les concepteurs ont vraiment mis beaucoup de soin à répliquer l’ancêtre dans les moindres détails. Nouveauté intéressante, un compresseur permet de faire émerger la grosse caisse et la caisse claire d’un mix trop surchargé. En poussant la compression à fond, elles deviennent bien pesantes. Pas étonnant que le petit HP intégré soit incapable de reproduire le punch, les basses et globalement l’étendue du spectre sonore de la TR-09. Surtout, il ne faut pas hésiter à chausser un casque ou à raccorder la TR-09 à une sono digne de ce nom. Gare aux gamelles mal vissées !
Petite sœur
La TR-09 modélise tous les sons (et leurs variations) de la TR-909. Rappelons-le, cette dernière embarquait des percussions analogiques ou échantillonnées sur 6 bits/18 kHz (hi-hat, cymbales). Ici, tout est numérique.
Les 11 percussions possèdent un réglage direct de niveau en façade. Les sons de grosse caisse, caisse claire, toms et hi-hat sont déclinés en versions accentuées et non accentuées (cela touche essentiellement leur volume et leur impact). Pour les grosses caisses, on peut modifier, depuis la façade, l’accordage, l’attaque et le déclin : pour les caisses claires, on peut régler l’accordage, la tonalité et le timbre ; pour les toms bas-moyen-haut, on peut séparément régler l’accordage et le déclin ; pour le hi-hat, on peut jouer sur les déclins ouvert/fermé ; enfin, on peut accorder séparément la cymbale crash et la cymbale ride.
Via le menu, on accède à des réglages supplémentaires pour tous les instruments : gain, accordage, déclin et panoramique. C’est mieux que sur la TR-909. On peut aussi couper/isoler chaque son de percussion ; ceci se fait via une combinaison de touches, pas toujours facile dans un live.
Avec la TR-909, plus le temps passe, plus on aime les sons compressés, le pompage à outrance… il n’est donc pas étonnant de trouver un compresseur intégré dans la TR-09. Ici, on peut compresser la grosse caisse et la caisse claire séparément (sans effet Side Chain) ; on n’accède toutefois pas aux paramètres de compression à proprement parler. En tout cas, ce compresseur permet à la petite boîte de peser dans un mix en toute circonstance… Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes si on pouvait mémoriser les réglages des percussions ; gros hic, Il n’y a pas de mémoires de programmes pour cela, ce qui est une grande déception. Nous verrons plus tard que la TR-09 répond (et transmet) aux CC MIDI, ce qui permet de contourner en partie le problème avec un équipement externe.
- 01 Pat1 00:39
- 02 Pat2 00:38
- 03 Pat3 00:18
- 04 Pat4 00:42
- 05 BD 00:54
- 06 SD 01:03
- 07 HH 00:33
- 08 TT 00:36
- TR 09 1audio 08 TT2 01:15
- 09 RS 00:37
- 10 CL 00:57
- 11 CR 00:13
- 12 RI 00:13
Séquenceur à grille
Comme son aînée, la TR-09 dispose de 96 motifs en mémoire (2 banques x 3 groupes x 16 motifs) que l’on peut arranger en séquences (baptisées « Track »). On les sélectionne en lecture grâce aux touches idoines en façade ; en appuyant en même temps sur la touche Shift, on passe en enregistrement ; super simple ! Revenons un moment en lecture : on peut bien sûr lancer, arrêter, redémarrer un motif, mettre en peu de Shuffle pour secouer le rythme, et enchaîner provisoirement plusieurs motifs consécutifs d’un même groupe (2 à 16).
La TR-09 permet d’enregistrer les motifs en temps réel ou en pas-à-pas. On peut partir d’un motif existant ou de zéro (après effacement). Au préalable, on pourra copier le motif en cours dans un autre emplacement mémoire. En mode pas à pas, on choisit la division temporelle (doubles-croches, triples-croches, triolets de doubles-croches, triolets de croches), puis l’instrument à programmer à l’aide des 16 boutons de pas. On entre la grille en appuyant sur les pas où l’on souhaite entendre l’instrument. Pour les percussions à accent, on appuie deux fois pour passer de la version non accentuée à la version accentuée (l’intensité de la diode des boutons de pas passe de moyenne à forte). Pour entrer des motifs à 32 pas, il suffit de maintenir la touche Shift à chaque entrée, cela place les sons entre deux pas. Il reste ensuite à entrer le dernier pas (si on veut couper avant la fin), le Shuffle, l’accent global à chaque pas (toutes les percussions du pas seront accentuées) et le Flam. Ce dernier ne fonctionne que sur la grosse caisse, la caisse claire et les trois toms. Sur chaque pas, il offre 8 niveaux de battement (intervalle temporel entre les deux coups rapprochés).
L’enregistrement en temps réel se fait en boucle, avec ou sans métronome, suivant la quantification de la grille sélectionnée. Chaque bouton de la ligne inférieure représente l’une des percussions ; on peut effacer une percussion en temps réel, en maintenant le bouton « Clear » et le bouton de la percussion, au moment où on souhaite qu’elle soit effacée du motif. Là encore, c’est très simple.
Les motifs peuvent ensuite être assemblés en 8 séquences divisées en 2 banques de 4. Une séquence ne peut utiliser que les motifs de la même banque (48 par banque, ce qui reste acceptable). Pour créer une séquence, on enchaîne des motifs les uns après les autres (avec une limitation de 1 000 par séquence, très confortable) ; on peut insérer/supprimer des pas de motifs en se baladant dans les pas programmés. En lecture, on peut ajouter du Shuffle et boucler la séquence si on le souhaite. Les notes séquencées sont transmises via MIDI/USB, suivant une table d’allocation fixe.
MIDI et audio
La TR-909 fut l’une des première BAR MIDI. Les fonctionnalités étaient limitées et la synchro pas toujours fiable. On pouvait même basculer la machine en mode « Externe », où le séquenceur pilotait un instrument MIDI sur 16 pistes. Avec la TR-09, c’est bien plus simple. Les modules Boutique ont bien évolué sur le plan du MIDI. Les premiers modèles n’émettaient au départ que des Sysex, ce qui était bien pour cascader plusieurs fois le même modèle, mais moins pratique pour qui voulait les automatiser. Tout cela a été amélioré par la suite, avec la gestion des CC. En plus des notes assignées de manière fixe au clavier MIDI (1 par instrument en émission et 2 en réception), la TR-09 émet et reçoit une quarantaine de CC MIDI (via les prises DIN ou USB) correspondant aux réglages des percussions, au Shuffle, à l’accentuation, au transport du séquenceur et aux valeurs de compression de la grosse caisse et de la caisse claire. Les réglages de panoramique des instruments ne sont pas gérés, flûte !
La prise USB permet aussi d’effectuer des Backup/Restore de la mémoire du séquenceur. Côté audio, la TR-09 agit comme interface audio USB 24 bit/96 kHz multicanal à 10 sorties/2 entrées. Chaque percussion peut être assignée au bus master stéréo ou à l’un des 4 bus individuels disponibles. On récupère ainsi les 5 bus USB stéréo, sans oublier l’entrée audio analogique stéréo convertie en numérique, dans sa STAN préférée : voilà comment contourner l’absence de sorties analogiques séparées. Les panoramiques sont uniquement pris en compte sur le bus master, pas sur les canaux USB individuels. Réciproquement, les sons sortant de la STAN via USB en stéréo sont ensuite convertis et envoyés à la sortie audio analogique du module. Tout ceci nécessite au préalable d’installer le driver PC/Mac fourni par Roland.
Conclusion
Au final, la TR-09 brille par un son et une ergonomie très proches de son modèle, avec un souci indéniable d’en reproduire le comportement, le grain, les réglages, les accents et les modes de programmation du séquenceur. Elle y ajoute un compresseur bienvenu et diverses interfaces numériques (MIDI, audio multicanal et mémoires des séquences). Sans oublier le petit HP hélas incapable de reproduire l’ensemble du spectre audio de la machine. Les dimensions étant toutefois beaucoup plus réduites que l’originelle, on perd la précision dans les réglages manuels et les sorties audio analogiques individuelles. Le passage au tout numérique ne prend pas en compte la mémorisation des réglages des percussions, ce qui est une déception, certes contournable via les CC MIDI. Pour ceux qui veulent retrouver l’expérience intégrale de la TR-909, le son et la programmation typique, sans se ruiner inutilement, la TR-09 est aujourd’hui un choix à examiner de très près.