Fruit d’un mariage hautement improbable entre un Casio SK1 et le Wi-Fi, le premier-né de Kiviak Instruments, le Wofi, intrigue. Après avoir fait parler de lui internationalement, il est temps de découvrir ce qui se cache derrière sa surface en aluminium blanc et ses flancs en bois clair.
Après une campagne de financement participatif réussie sur Kickstarter et plusieurs mois d’attente, le Wofi est enfin là. Kiviak Instruments, filiale de Kiviak Technologies — une entreprise française basée à Avignon et spécialisée dans la conception et la gestion de plateformes Cloud — propose de revenir aux sources du sampling. L’objectif : le rendre à nouveau amusant et intuitif, tout en l’enrichissant de fonctionnalités modernes et innovantes. Parmi celles-ci, on trouve des possibilités de synthèse granulaire, une batterie rechargeable et un Cloud dédié à l’échantillonnage, sorte d’iCloud pensé spécifiquement pour les musiciens adeptes du sampling.
Surtout, l’instrument se veut simple et immédiat, incarnant le slogan « less is more ». Contrairement à de nombreux instruments électroniques actuels qui multiplient les fonctionnalités, le Wofi, monotimbral et avec un sample par patch, cherche à stimuler la créativité en offrant une interface claire, un accès direct à la plupart des paramètres et des fonctions intelligentes conçues pour aller à l’essentiel.
Voyons ce qu’il a dans le ventre et si ces promesses sont tenues.
Design et inspiration : entre tradition et modernité
À la livraison, le Wofi est solidement protégé dans un double carton, lui-même emballé dans un carton de transport. À l’intérieur, on trouve un câble USB, un câble d’alimentation (alimentation externe), une carte mémoire au format propriétaire, et un guide rapide plastifié, conçu comme un pense-bête. Le mode d’emploi complet, au format PDF, est quant à lui disponible sur le site de Kiviak.
Une fois déballé, le Wofi séduit par un design élégant. Sa coque en aluminium blanc et ses flancs en bois clair gravés du logo de Kiviak Instruments font bonne impression. Malheureusement, les plastiques utilisés pour les commandes, de qualité moindre, desservent un peu l’ensemble. Dommage.
Avec ses dimensions de 510 × 230 × 65 mm, le Wofi est relativement compact et affiche un poids idéal de 2,5 kg, ni trop léger, ni trop lourd.
Les commandes sur la façade sont rassemblées par module. Sur la partie supérieure, de gauche à droite, on trouve le module Player, qui permet de contrôler la lecture des samples, puis le module Enveloppe. Les quatre faders de cette section contrôlent l’unique enveloppe ADSR. Au centre se situe la section Manager, où trône un écran en couleur de taille convenable, garant d’un retour d’information clair et efficace. Cette section permet de gérer les patches, les samples, leur édition, les réglages système, ainsi que l’accès au cloud et à la carte mémoire. Notons la présence d’une touche Shift, qui donne accès à des fonctions secondaires heureusement cette touche n’est pas trop sollicitée. Sous l’écran, un touch strip assignable permet de contrôler une grande partie des paramètres de l’instrument.
Vient ensuite la partie Filtre, bien mise en évidence par un gros rotatif bleu de cutoff, suivie de la fameuse section Texturer. Un LFO vient ensuite border la partie droite. Comme le touch strip, il est assignable à une grande partie des paramètres.
Sur l’étage inférieur, un petit séquenceur de 16 pas (notes et paramètres) est équipé de 16 pads rétroéclairés, ainsi que d’un pad dédié au tap tempo, d’un encodeur pour le réglage du tempo, un autre pour les modes de lecture, puis, les commandes de transport.
Enfin, en dessous se trouve un mini-clavier à touches slim de deux octaves, sensible à la vélocité et à la pression mono. Il est encadré, à gauche, par les touches de transposition et la section Recorder, qui inclut un petit micro intégré, et, à droite, par la section Master, avec ses réglages de volume casque et de gain général, complétée par l’intégration d’un petit haut-parleur d’appoint.
À l’exception des potentiomètres de gain d’enregistrement, de volume casque et de volume général, tous les rotatifs sont des encodeurs sans fin et cliquables. Ils sont agréables à manipuler et bénéficient d’un effet d’accélération : une rotation rapide entraîne un changement de valeur rapide, tandis qu’une rotation lente permet un ajustement précis. C’est très pratique, mais cela pourrait gagner en progressivité.
Le clic permet soit de valider une valeur, soit de réinitialiser le paramètre. Pratique.
L’ensemble de la connectique se trouve à l’arrière. On y trouve une sortie casque au format mini-jack, des entrées et sorties stéréo sur jack 6,3 mm (TRS/TS), un trio MIDI (de plus en plus rare, particulièrement dans cette catégorie), des prises CV, Gate (I/O) et Mod, garantissant une intégration au monde modulaire, ainsi que des prises Sync In et Out. S’y ajoutent le bouton d’alimentation, la prise USB et celle dédiée à l’alimentation.
Sur le côté droit se trouve l’emplacement pour la carte mémoire. Celle-ci, de type flash, peut contenir jusqu’à 100 Mo de données. Le choix d’un format propriétaire, bien que moins flexible, permet de garantir une meilleure optimisation de la lecture et de l’écriture des samples.
Sous l’appareil, un clapet dissimule la batterie rechargeable de type Li-ion, qui peut être facilement remplacée, bon point. Cette batterie offre une autonomie annoncée d’environ 4 heures, vérifiée lors de ce test.
Le test a été réalisé dans un premier temps avec le firmware 1.0.2, qui présentait encore quelques problèmes. Il a ensuite été poursuivi avec la version 1.0.3, où tout s’est déroulé sans encombre, cette dernière semblant avoir corrigé une grande partie des bugs de jeunesse.
Le Wofi : un héritage du Casio SK1
À l’allumage, après une courte animation du logo d’environ trois secondes, le Wofi est prêt à jouer. On remarque au passage que, pour un clavier de petite taille, celui du Wofi est très agréable à jouer, d’un niveau comparable, bien que différent, à celui des Reface de Yamaha. À l’utilisation, on ne peut s’empêcher de penser à certains produits Arturia.
La pression mono peut être assignée, avec une intensité réglable, au filtre, à la vélocité, au pitch ou encore au glitch. La polyphonie, qui atteint 10 voix, offre un confort suffisant pour un jeu polyphonique sans contraintes.
En parcourant les patches livrés avec l’instrument, on découvre des textures hybrides et séduisantes : des flûtes désuètes au grain légèrement crunchy, des basses typées analo, des pads vintage… Si le contenu fourni aurait pu être plus exhaustif et qualitatif, il y a déjà de quoi s’amuser, mais l’intérêt principal est ailleurs : enregistrer et manipuler ses propres sons.
- 00 – Synthpop EALA – Wofi01:36
- 01 – Bass Monday00:57
- 02 – Bass Relic00:19
- 03 – Bass Seq Replicant01:12
- 04 – Bass Seq Asheville 100:14
- 10 – Vowel00:33
- 12 – Strings Monday00:50
- 13 – Synth Monday00:44
- 14 – Plucksynth Monday00:28
- 15 – Impro Pad Wofi + Reverb01:36
- 16 – Voxpad01:32
- 18 – Glockenspiel00:38
- 19 – Key00:54
- 20 – Flute Strawberry00:46
- 21 – Machines 103:05
- 22 – Machines 202:46
- 24 – Filter Test01:30
- 25 – Xylo Texturer 101:59
- 26 – Xylo Texturer 2 Noisy taste01:29
- 27 – Noisy seq 101:40
- 28 – Loop tweak02:29
- 99 – Rougail Noisy00:12
Structurellement, le Wofi est davantage à considérer comme un synthétiseur où les oscillateurs sont remplacés par des fichiers audio, plutôt que comme un sampler au sens où on l’entend aujourd’hui. Par exemple, il n’est pas question ici de réaliser du multisampling. Bien que sa mémoire de 100 Mo (18 minutes d’enregistrement) permette de capturer des samples relativement longs, ce n’est pas son propos. Sa philosophie l’amène davantage vers l’enregistrement de samples courts, qui seront manipulés via les différents modules pour créer des textures uniques à forte personnalité.
L’enregistrement s’effectue à partir du module Recorder. On peut choisir la source, Mic pour le micro interne ou Line pour enregistrer un micro dynamique ou un synthétiseur, par exemple. Après un premier appui sur la touche Rec, l’écran affiche un vumètre, utile pour régler le gain et éviter l’écrêtage. Il est possible de choisir une note de référence, de préécouter la source, ou encore de lancer l’enregistrement avec un synthétiseur externe. Un second appui sur la touche Rec lance l’enregistrement, tandis qu’un troisième l’arrête.
L’échantillonnage s’effectue en 48 kHz et 16 bits. Une fois réalisé, il est possible de l’éditer, notamment en définissant les points de départ et de fin, ainsi que les points de bouclage. L’affichage de la forme d’onde sur l’écran, avec une fonction de zoom précis, facilite grandement ces opérations. Il est également possible de normaliser le sample ou d’appliquer des fade in et fade out. Dans ce cas, les encodeurs de la section Texturer sont mis à contribution pour un accès direct.
À noter que l’édition des samples peut également être effectuée sur mywo.fi, grâce à une communication bidirectionnelle. Il est ainsi possible d’ajouter des effets, tels que la compression et le timestretching. Nous y reviendrons.
Bien sûr, que ce soit via mywo.fi, l’application Wofi Manager, ou encore la carte mémoire propriétaire, il est également possible d’importer et d’exporter ses samples au format wav.
Des capacités hybrides : sampling et synthèse
Il est ensuite temps de passer à la synthèse et aux traitements pour personnaliser les échantillons. On commence par la section Player, qui permet non seulement de régler le pitch et de choisir l’ordre de lecture des samples (à l’endroit, à l’envers, en boucle ou en ping-pong, ce dernier étant baptisé « Boom », pourquoi pas), mais aussi, via l’encodeur Machine, de sélectionner parmi 12 types de rendu.
En plus d’un mode « clean », chaque type émule soit un sampleur vintage existant, soit des créations originales. Parmi les reproductions de modèles vintages, on retrouve l’Akai S900/950, l’EMU SP-1200, le Yamaha VSS-30, et bien sûr, le Casio SK-1. Ces styles incluent divers algorithmes exploitant différents modes d’interpolation, tels que sample & hold, linear, et Whittaker-Shannon. De plus, chaque type est caractérisé par sa propre fréquence d’échantillonnage et sa résolution spécifiques.
Chaque type possède une personnalité bien distincte, et les textures ainsi obtenues sont riches en caractère. Elles peuvent être granuleuses et agressives, ou, au contraire, douces et désuètes. Cette section est enrichie par un time-stretch et un effet de glitch qui ajoutent divers artefacts numériques typiquement Lo-Fi : du noise, de la distorsion…
Le sample ainsi traité passe ensuite par un filtre résonant numérique passe-bas, commutable en 12 dB ou 24 dB. Dans les deux modes, il apporte une couleur intéressante, permettant aussi bien de tailler dans le gras que d’adoucir subtilement un signal un peu trop riche. Les pas de quantification sont légèrement audibles, mais parfaitement raccords avec la philosophie du Wo-Fi.
Vient ensuite le module Texturer, un effet basé sur la synthèse granulaire. Grâce à ses cinq paramètres (Chaos, Density, Size, Depth et Mono/Stereo, c’est assez explicite), il est possible de créer des ambiances variées, comme par exemple, de courtes réverbérations, des effets shimmer, des harmonisations démultipliées.
Côté modulation, une seule enveloppe ADSR est assignable à la section amplification, au filtre, ou aux deux simultanément. Si la course généreuse des faders est appréciable, on peut regretter qu’une seconde enveloppe n’ait pas été intégrée, cela n’aurait pas compromis la simplicité d’utilisation.
Quant au LFO, il est assignable à une grande partie des paramètres grâce au bouton Learn. Il dispose des formes d’ondes triangle, carré et dent de scie ascendante. Sa vitesse peut être synchronisée au tempo interne ou via des sources externes (CV/Gate, MIDI).
Un petit séquenceur pas à pas de 16 pas, seulement, capable de gérer les notes et les paramètres, est également proposé. Les notes et les valeurs peuvent être saisies en temps réel pendant le jeu ou en mode pas à pas en utilisant les 16 pads rétroéclairés. L’écran peut afficher deux modes de présentation : soit sous forme de cellules affichant les notes, soit sous un affichage de type piano roll. Bien que ce séquenceur reste assez basique et ne propose pas de mode « song », le Wofi propose un ingénieux mode Révisions. Celui-ci permet de gérer différentes versions d’un patch et prend tout son sens lors des performances et du jeu en direct.
Chaque révision stocke l’état complet de tous les paramètres. Il est possible d’enregistrer et de naviguer entre elles en se servant des 16 pads (shift + knob Chaos pour accéder aux versions au-delà de la 16e)
L’ensemble est très intuitif et c’est un bonheur que de faire évoluer les séquences à la volée. Ceux qui aiment performer vont s’en donner à cœur joie.
Connectivité et cloud : une approche innovante
Penchons-nous maintenant sur l’une des originalités du Wofi. Kiviak Instruments propose aux utilisateurs de stocker et de partager leurs patches et samples sur un cloud. L’objectif est de créer une petite communauté où, à l’instar d’un réseau social, il est possible de se constituer des groupes d’amis. Ainsi, tous les possesseurs d’un Wofi peuvent bénéficier des enregistrements et des talents de sound designers des autres utilisateurs. Cela se fait via le site mywo.fi, qui permet une connexion bidirectionnelle avec le Wofi.
Le site propose également un petit éditeur audio pour réaliser quelques opérations basiques et ajouter des effets — au nombre de trois pour l’instant (compression, time stretch et normalisation). Mais là où le Wofi se démarque vraiment, c’est qu’il est équipé de son propre wifi, que l’on peut activer ou désactiver à volonté. On perçoit clairement ici l’expertise de Kiviak dans ce domaine. Le chargement des samples et patches provenant du cloud peut se faire directement depuis l’instrument, sans avoir besoin d’un ordinateur. Les galères de certains services cloud sont vite oubliées. Malgré tout, tout ceci reste optionnel. Ceux qui préfèrent ne pas passer par le Cloud peuvent toujours échanger des fichiers avec un ordinateur via l’application Wofi Manager. Les mises à jour du firmware peuvent, elles aussi, s’effectuer de ces différentes façons.
FAQ
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Quelles sont les spécifications principales du Wofi ? Le Wofi combine des échantillons audio rétro et des fonctionnalités modernes telles que la connectivité Wi-Fi, des effets intégrés et un design intuitif.
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À qui s’adresse le Wofi de Kiviak Instruments ? Le Wofi convient aussi bien aux musiciens nostalgiques qu’aux amateurs de sons expérimentaux cherchant un appareil unique.
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Peut-on créer ses propres sons avec le Wofi ? Oui, le Wofi permet l’enregistrement, l’édition et la manipulation de vos propres échantillons audio.
Caractéristiques techniques
- Type d’instrument : Synthé et sampler numérique et créatif.
- Design : Boîtier en aluminium blanc, flancs en bois clair.
- Connectivité : Wi-Fi intégré pour échanger des sons.
- Effets : Texturer, un effet granulaire protéiforme.
- Écran : Interface intuitive avec affichage OLED.
- Alimentation : Fonctionne sur batterie rechargeable.
Fiche technique complète disponible sur Audiofanzine