La V-Collection nouvelle est arrivée, apportant deux refontes et trois nouveaux instruments au bundle d’Arturia. De quoi le rendre plus indispensable encore ?
Après le synthé original Pigments et un fameux pack de compresseurs, Arturia retourne à son produit phare, la V-Collection, dont le principe n’a pas changé : proposer un bundle de modélisations de claviers allant des pianos acoustiques aux synthétiseurs numériques en passant par les orgues, pianos électriques et autres vieux coucous analogiques qui ont fait les belles heures de la musique au cours des 70 dernières années… Et compléter le tout d’Analog Lab, une boîte à sons proposant près de 7000 patches issus des autres instruments, sorte de best of à l’interface et aux possibilités d’édition simplifiées pour les musiciens désireux de ne pas se casser la tête, notamment en situation Live.
Et c’est d’ailleurs en pensant à la scène qu’Arturia a doté l’Analog Lab 4 d’un nouveau mode Concert qui permet de préparer des listes de sons qui feront gagner un temps précieux une fois sur scène, d’autant qu’en cliquant sur le bouton Go on Stage, on accède à une fenêtre affichant en grand écran toutes les commandes nécessaires pour gérer au plus vite et au plus simple les différents patches et leur réglage. C’est très bien vu ! Bien sûr, le logiciel en profite aussi pour proposer encore plus de sons issus des quatre derniers instruments rejoignant la V-Collection, mais aussi de Pigment qui n’est hélas pas inclus dans le bundle. Disons qu’entre ces évolutions et ses qualités originelles (polyvalence, simplicité, qualité sonore), Analog Lab est plus que jamais LE « GoTo » instrument que les compositeurs et autres producteurs se doivent d’avoir dans leur arsenal, d’autant qu’il est proposé à un petit prix et que son interface pensée pour les claviers de contrôle de la marque en fait un redoutable outil de création si vous possédez un de ces derniers.
L’heure est toutefois venue de nous pencher sur les instruments mêmes de cette V-Collection 7, ce que vous pouvez faire avec nous en vidéo ou en lisant le texte qui suit :
To B3
Les changements dans ce dernier portent autant sur l’interface de l’instrument que sur la façon dont il sonne. Et ce n’est pas dommage vu que depuis le premier B3-V, le petit monde de l’orgue virtuel a connu bien des évolutions avec les sorties successives du Blue3 de GG Audio et du VB3 II de GSI (à modélisation), mais aussi et surtout du B-5 II d’Acousticsamples, combinant samples et modélisation et devenu le mètre étalon du marché en matière de B3 virtuel. Arturia se devait donc de revoir sa copie et c’est chose faite avec ce B3-V2 qui propose un son autrement plus abouti. Là où la première version cachait souvent les approximations de ses modèles derrière des effets et de la saturation, on récupère donc un instrument autrement plus fidèle à l’original, que ce soit au niveau du comportement des roues phoniques ou des attaques.
Voyez les différences entre B3-V et B3-V 2, d’abord avec toutes les tirettes baissées et en DI, ensuite en utilisant le preset Green Onions tel que le propose les développeurs dans les deux moutures :
- B3V1toutestirettesbaisseesDI00:14
- B3V2toutestirettesbaisseesDI00:14
- B3V1greenonions00:14
- B3V2greenonions00:14
Mais au-delà de ces détails de moteur, le soft en profite également pour se doter d’une nouvelle interface, autrement plus agréable et lisible pour éditer les effets ou s’aventurer du côté de la synthèse. On dispose ainsi d’un panneau dédié qui permet enfin de réellement voir ce que l’on fait et offre plus de souplesse dans le choix comme le chaînage des traitements puisqu’on dispose de quatre emplacements susceptibles de recevoir 12 pédales d’effet. L’éditeur a par ailleurs intégré une nouvelle réverbe à convolution et une nouvelle modélisation d’un Fender Twin, de sorte que le B3-V 2 est plus polyvalent que jamais et peut même s’aventurer assez loin de son registre originel :
Cette seconde mouture est donc vraiment la bienvenue, sachant qu’elle arrive avec une autre légende capable de produire des sons d’orgues comme de chœurs, de flûtes ou de violoncelles. Vous l’aurez peut-être reconnu : je veux bien sûr parler de l’ancêtre de tous les sampleurs.
Hello Mello
Sa Majesté le Mellotron fait ainsi son entrée dans la V-Collection et on est ravi de voir Arturia s’y intéresser car on sentait bien qu’il y avait mieux à faire que ce qui existait déjà sur le marché, qu’il s’agisse du Sampletron d’Ik Multimedia ou de la référence M-Tron de GForce.
On retrouve ainsi la célèbre façade crème et son son le plus iconique nous accueille : les fameuses flûtes de Strawberry Fields Forever et Stairway to heaven. Un rapide tour des sons permet de s’assurer que le grain légendaire de l’instrument est bien au rendez-vous tandis qu’Arturia, fidèle à ses habitudes, a conservé certains détails qui font l’identité du Mellotron mais a aussi apporté des fonctions plus modernes qui permettent d’étendre son terrain de jeu. C’est ainsi que l’éditeur a conservé la limite à 8 secondes des sons non bouclés et reproduit les bruits de moteur et de rembobinage, sachant que le volume de ces derniers est réglable.
En entrant dans les propriétés avancées du clavier, on découvre d’ailleurs qu’il est possible de régler la saturation des bandes ainsi que leur pleurage, et même de piloter ce dernier avec l’aftertouch, tout comme le volume peut être associé à la vélocité. Les concessions à la modernité ne s’arrêtent pas là puisqu’outre une tessiture dépassant très largement celle de l’original, la possibilité de jouer les trois sons d’une bobine simultanément et une sympathique section d’effets, le logiciel vous permet d’importer vos propres sons pour les mellotroniser. La chose passe par un éditeur de samples basique mais qui permet tout de même le time stretching, le bouclage et la lecture inversée. Voyez ce que ça donne en partant d’une bête sonnerie de téléphone occupé que j’ai bouclée et généreusement cradée via le Flutter et la distorsion de bande du logiciel :
- PhoneSource00:10
- PhoneFlute00:11
Inutile de dire que le fun est au rendez-vous, même si Arturia n’égale pas le travail de numérisation réalisé pour le M-Tron Pro et qui comporte quantité de sons rares (y compris ceux du Chamberlin). À voir si l’éditeur aura à coeur de compléter son instrument.
Synthi close
D’une légende l’autre, on passera ensuite au Synthi-V qui émule un Synthi, l’une des déclinaisons du fameux VSC-3 d’EMS. Après le Bucchla et le Minimoog, Arturia s’attaque ainsi à une autre légende des synthés portables sortie à l’aube des années 70. Présenté dans une petite valise, le Synthi est un demi-modulaire qui doit autant son succès à ses possibilités sonores qu’à son ergonomie, la riche idée de ses concepteurs étant de l’équiper d’une matrice qui ne requiert aucun cordon, ainsi que d’un joystick développant l’expressivité du jeu, le tout pour un prix bien inférieur à la concurrence. Si d’aucuns le considéraient alors comme un jouet en raison de la trop grand instabilité de ses oscillateurs qui le rendait parfois difficilement jouable, le Synthi n’a pas eu trop de mal à séduire les musiciens puisqu’on le trouve sur quantité de disques de rock progressif (Pink Floyd, Yes, King Crimson, Jethro Tull) tout comme il fut utilisé par Led Zep ou les Who.
C’est donc un gros petit bout d’histoire que nous propose Arturia, d’autant que l’éditeur a eu à coeur de corriger son principal problème en offrant une quantisation débrayable des oscillos (pouvant ainsi respecter une gamme chromatique) et la possibilité de synchroniser les deux premiers oscillateurs. Portant la polyphonie de l’instrument à quatre voies et lui ajoutant un module Sample & Hold, Arturia a enfin eu la bonne idée d’intégrer des fonctions résolument plus modernes dans la bête : 5 enveloppes multipoints, un LFO et un séquenceur à 32 pas pourront ainsi, en plus des contrôleurs physiques (molettes, vélocité, aftertouch) et d’un pad XY, moduler à peu près n’importe quel paramètre. Et bien sûr, on dispose d’une petite section d’effets qui va bien (3 effets à choisir parmi 10 et utilisables en série ou parallèle).
À la faveur de tout cela, le Synthi combine à la fois polyvalence et caractère, sans pour autant être un casse-tête à programmer comme c’est parfois le cas avec les modulaires :
- SynthiVlead00:06
- SynthiVsequence00:07
- SynthiVstrings00:07
- SynthiVbrass00:07
- SynthiVbass00:07
Casio Royal
Last but not least, le Casio CZ rejoint enfin le panthéon des synthés Arturia. Rare représentant de la synthèse à distorsion de phase qui est très proche de la synthèse FM, ce petit clavier doit son succès dans les années 80 à son prix très abordable comme à sa simplicité de programmation face au DX7. Et il le doit également à son son, car le CZ-101 comme son descendant le CZ-1 s’avèrent extrêmement polyvalents et capable de produire des sonorités qui n’ont pas à rougir face à ce qu’on trouve chez les concurrents, sur des synthés numériques comme analogiques.
Reposant sur deux générateurs sonores à table d’ondes (à choisir parmi les 8 du synthé original mais avec la possibilité de dessiner les vôtres), le CZ-V reprend toutes les principes du CZ dont la possibilité d’utiliser 8 couches sonores dans un patch et de les détuner pour obtenir un son plus épais façon analogique. On y retrouve aussi une matrice de 16×16 pour les modulations (sachant qu’on dispose de 24 sources et de 51 destinations possibles pour ces dernières), un arpégiateur et la même section de 2×2 effets (à choisir parmi 10) utilisables en série ou parallèle.
Voici du coup ce qu’on peut en sortir :
- CZVlead00:06
- CZVseq00:07
- CZVstrings00:06
- CZVbrass00:07
- CZVbass00:05
Et j’en profite pour vous glisser une petite compo vite faite et utilisant l’ensemble des nouveaux instruments :
Les nouveaux venus sont donc enthousiasmants, d’autant qu’Arturia complète le tout avec 800 nouveaux patches, accessibles dans Analog Lab 4, qui revisitent avec bonheur les joyaux de la collection.
Reste que, vous vous en doutez, on aura ça et là quelques reproches à adresser à cette V-Collection 7.
De la V8 dans les idées
Les reproches concernant le bundle n’ont pas grandement changé depuis la version 6, à commencer par la composition même de ce dernier. Si Analog Lab 4 propose des patches de Pigments, ce dernier n’a pas été inclus à la V-Collection et c’est dommage même si c’est explicable lorsqu’on considère que le V signifie Vintage. Pour autant, on s’explique plus mal l’absence de la boîte à rythmes Spark qui ne détonnerait pas au milieu de toutes ces légendes et rendrait la V-Collection autrement plus attractive et polyvalente. C’est d’autant plus dommage que cet excellent logiciel semble « prendre la poussière » sur un bout de page du site d’Arturia, comme s’il était à l’abandon, et qu’avec une refonte et trois nouveaux instruments, même avec les 800 patches, cette V7 est moins généreuse que les précédentes moutures.
Pour des raisons de copyrights qu’on imagine aisément, on regrettera encore que ce panorama de l’histoire de la synthèse fasse la totale impasse sur Korg, Kawai, E-MU ou encore Alesis et oublie quantité de références de légende chez Roland ou Yamaha. Ce n’est pas qu’on ne se réjouisse pas de l’arrivée du petit Casio CZ dans la bande, mais il y avait sans doute plus excitant et complémentaire à intégrer avant ce dernier. Plus rare aussi si l’on considère qu’on trouve déjà sur le marché des émulations de CZ, tout comme on trouve d’excellents B3, un très chouette VCS, des Mellotrons. Il ne s’agit pas de regretter qu’Arturia se mesure frontalement à la concurrence et tente de faire mieux qu’elle, mais il faut avouer qu’un Synclavier ou un Buchla, c’est un peu plus inédit et donc forcément plus excitant.
Reste enfin à évoquer la question pécuinaires. Si le tarif de 500 euros pour 24 instruments de bonne qualité fait de la V-Collection 7 une très bonne affaire, le prix unitaire des instruments semble toujours un brin disproportionné : 200 euros, c’est à peu près le prix que coûte un vrai CZ 101 d’occasion… Bien sûr, le plug-in a des atouts que le matériel n’a pas, mais tout de même… Et au-delà de ce dernier, on se rend compte qu’entre le prix unitaire des plug-ins et celui auquel on les touche en achetant la V-Collection, on atteint quasiment un facteur 10. Certes, cela pousse à acheter le bundle, mais il y a peut-être une mesure à trouver dans tout cela, sachant qu’en dehors de très gros best sellers comme Omnisphere par exemple, les instruments virtuels atteignant les 200 euros sont rares dans la concurrence. La solution pourrait également venir de packs plus thématiques qui permettraient d’étaler la gamme : un sur les synthés numériques, un sur les modulaires, un orienté sound design, un autre avec les deux Moog, etc. Ou encore on pourrait imaginer des formules à la carte : 3 pour le prix de deux, ce genre de choses… Bref, Arturia, qui pratique déjà cela pour ses effets, a sans doute de quoi décliner son offre pour se rendre accessible au plus grand nombre.
Contrebalançant cela, l’éditeur pratique enfin une politique de mise à jour qui en ravit autant certains qu’elle en agace d’autres. Cette dernière est en effet facturée la même chose qu’on ait acheté toutes les précédentes versions du bundle ou seulement une ancienne d’entre elles. Il est clair du coup que passer pour 200 euros d’une V4 à une V7 est une excellente affaire (ce tarif n’est valable que pour le lancement, sachant que la mise à jour est ensuite facturé 300 euros), même si cela irrite un peu les fidèles qui font l’effort de mettre à jour à chaque fois. C’est toutefois une politique qui n’est pas propre à Arturia et que l’on retrouve chez quantité d’acteurs. Je me garderai bien de la juger vu qu’elle présente autant d’avantages que d’inconvénients, et que l’éditeur propose des tarifs différents suivant les produits déjà en votre possession, mais j’aime autant souligner ce détail pour éviter toute frustration ultérieure.
Quoi qu’il en soit, il y a suffisamment de très bonnes choses dans cette V7 et suffisamment de manques aussi pour qu’on attende de pied ferme la V8.
Conclusion
Vous l’aurez compris : si Arturia ne propose pas autant de nouveautés que dans les précédentes mises à jour de la V-Collection, il ne fait aucun doute que ces dernières sont de qualité et devrait satisfaire un large public : du B3 au CZ en passant par le Mellotron ou le Synthi, il y en a pour tous les goûts. Cela est d’autant plus vrai qu’Arturia a pris soin de rajouter des fonctionnalités et des traitements réellement intéressants dans chacun de ces instruments. Sans parler des effets ou des possibilités de modulation qui transfigurent déjà les instruments, le fait de pouvoir quantiser le pitch du Synthi ou de transformer n’importe quel fichier WAV en banque de Mellotron ouvre des perspectives créatives réjouissantes. Tirant parti de tout cela, le petit Analog Lab 4 est du coup toujours aussi sexy et constitue un excellent résumé du bundle pour ceux qui ont besoin de sons de qualité en quantité sans vouloir s’encombrer de 23 plug-ins. Et c’est d’autant plus vrai que les Sound Designers d’Arturia assortissent cette V-Collection 7 de 800 nouveaux presets réunis sous le nom de Synthopedia.
Bref, cette V7 ne déçoit vraiment pas pour son prix de 500 euros au point de mériter un Award Qualite/Prix et une très bonne note, même si on voudrait vraiment y voir figurer Spark voire Pigments (voire les excellents effets sortis par l’éditeur récemment). Quant à savoir si la mise à jour vaut le coup pour les anciens utilisateurs, toute la question est de savoir si vous partez d’une V6 ou d’une version antérieure, et quels sont les plug-ins dont vous disposez déjà à l’heure actuelle. Contrairement au Buchla qui n’avait pas de concurrent, les trois petits nouveaux proposés par Arturia disposent déjà en effet de rivaux sur le marché, et s’il est indubitable que les produits grenoblois ont des originalités à faire valoir, c’est aussi le cas de la concurrence dont certains possèdent peut-être déjà les produits. Chacun devra donc voir MIDI à son gate, faisant sa propre note en fonction de cela. Il nous tarde déjà en tout cas de découvrir à quelles légendes s’attaquera Arturia pour sa V8.