Pour cette nouvelle version du HD660S, Sennheiser fait une promesse simple : plus de graves, plus de profondeur. Et comme le grave, c'est la vie, on a eu envie d'aller voir dans le bas du spectre ce qui se tramait au juste...
…Parce qu’il y a cinq ans, dans ces mêmes colonnes, le jugement de Notre Exalté Souverain avait été mitigé : le 660 S est un bon casque, mais pas de quoi détrôner le HD650, classique des classiques. De fait, le HD650 est resté ce qu’il est, un casque de référence et un best-seller pour la marque. Mais voilà que Sennheiser, en ce début d’année 2023, nous sort une nouvelle mouture du 660 S, affublé d’un sobre « 2 », et d’une hausse de prix assez significative, argumentant autour d’une relecture du casque, et d’un ajout marquant dans le grave, réinventant de HD660S en un casque bénéficiant d’une grande profondeur.
Voyons voir ce que vaut ce changement, et si la différence justifie l’augmentation…
Spécifications
Le HD660S2 est un casque de type circumauriculaire, ouvert, avec un transducteur dynamique. La taille du transducteur est de 38 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont les suivantes :
impédance : 300 ohms
réponse en fréquence : 8 Hz – 41,5 kHz
La construction est du pur Sennheiser : arceau avec mousse double, mousse qui peut se retirer facilement pour se changer, grande grille en métal à l’arrière de l’écouter, coussinet en velours avec intérieur en mousse dense, mais souple.
Le réglage de la taille de l’arceau est assez dur, et l’on est vraiment obligé de forcer pour trouver la taille et la position adéquate pour notre tête.
Les câbles sont fournis en double, avec une petite différence : deux câbles de 1,8 m, avec pour l’un une fiche jack « classique », 6,35 mm TRS (avec un adaptateur vers 3,5 mm). L’autre est une fiche jack 4,4 mm (rare !) TRRRS (oui vous avez bien lu) qui permet de conserver une connexion « équilibrée », comme le dit le site du constructeur, traduction hasardeuse de « balanced », c’est-à-dire signal symétrisé. Si, en effet, votre source produit deux signaux (droite-gauche) symétrisés, vous pouvez raccorder votre casque par ce moyen (un transducteur étant de facto une bobine, il n’y pas de nécessité absolue de connecter une de ses bornes à la masse).
Pour ce qui est de l’autre extrémité, on est sur le format à deux « picots » caractéristique de la marque :
La connexion est solide, tout en gardant une marge au cas où le câble soit tiré d’un seul coup, mais l’on sait qu’il développe dans certains cas des petits faux contacts, et nécessite un nettoyage.
Démontable ?
Oui
Sur les Sennheiser, pas besoin de retirer les mousses, on peut juste ôter la grille arrière, simplement en faisant levier avec un petit outil :
Cela permet d’atteindre le transducteur par l’arrière :
À ce point du démontage, on n’aperçoit pas encore un seul câble. Pour cela, il faut retirer l’armature du transducteur : celui-ci peut tout simplement être retiré en le déclipsant aux 4 points indiqués ci-dessus.
Sur la photo ci-dessus, on voit le petit circuit imprimé, rattaché au transducteur, d’où partent deux câbles terminés par deux petits ressorts. Ces deux ressorts viennent chacun se loger dans deux petits compartiments. Ce sont eux qui assurent le contact entre les deux bornes terminant chaque extrémité du câble en Y et le HP (les petites bornes venant s’insérer entre les spires des ressorts). On imagine que le risque que ces ressorts s’oxydent avec le temps est significatif et, sans me montrer pessimiste, je ne serais pas surpris si ce système développe progressivement de faux contacts.
Le transducteur, quant à lui, est très léger, avec une membrane très fine et délicate :
Pour finir, comme toujours chez Sennheiser, il est possible de retirer la mousse de l’arceau et l’oreillette en faisait sauter cette petite plaquette qui se trouve juste entre les deux (un tournevis plat fera l’affaire) :
Confort
Très acceptable.
Les coussinets recouverts de velours sont agréables, l’arceau est très léger et se fait oublier, mais le casque a juste tendance à serrer un peu. Seul reproche donc, et l’on imagine aisément que le casque doit progressivement s’assouplir à l’usage.
Isolation
Inexistante, c’est un casque ouvert.
Transport
Le casque ne se plie pas, mais à 260 gr, on ne risque pas trop de souffrir de le porter dans un sac. Il est seulement livré avec une pochette en tissu satiné, dans cette gamme de prix on peut, il me semble, exiger une mallette.
Benchmark
Voici donc le nouveau protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion, réalisées dans notre atelier.
Réponse en fréquence :
On remarque :
- Un plateau relativement droit entre 100 Hz et 3 kHz
- Une baisse progressive sous 100 Hz
- Un creux important à 6 kHz
- Une accentuation de 8 à 18 kHz
Distorsion :
La distorsion mesurée est inférieure à 0,2 % de 200 Hz à 20 kHz, c’est très bien, avec surtout l’ajout de 2e harmonique, et de 3e et 4e harmoniques qui s’effacent à des niveaux bien inférieurs (totalement imperceptible, donc). Sous 100 Hz la 2e harmonique est un peu plus présente, montant jusqu’à 3 % à 20 Hz.
Écoute
Richard Hawley — Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. C’est très linéaire, et à part un caractère un peu « plat » de la voix, caractérisé par un manque léger d’articulation, une trop grande présence des médiums vis-à-vis des hauts médiums, on est quand même plaisamment impressionné par l’étendue couverte sans difficulté par le casque. L’image stéréo est excellente, les aigus sont précis et les queues de réverbe sont faciles à suivre.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Ça marche bien et le casque ne manque pas de profondeur, tout en ne jouant pas l’amplification des basses de façon lourde. Sur les notes les plus graves, on ne retrouve pas l’impression de sub que l’on connaît, montrant donc une limite du casque dans le grave. Les médiums sont très bien rendus, et le creux dans les hauts médiums rend la voix moins nasale, ce qui est plutôt agréable à l’écoute.
Massive Attack — Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Les médiums sont bien présents, avec un piano très en avant, avec un timbre très riche en harmoniques. Pas de sibilance sur la voix, l’écoute n’est jamais agressive. La basse passe bien, mais là aussi la résonance sub sur le premier couplet est presque absente. Le casque a donc un rendu très correct des basses, mais un léger manque de profondeur, d’assise dans le grave. L’image stéréo est très bonne, et les détails de la coda du morceau sont très bien rendus.
Charlie Mingus — Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Sur le coup, le manque de grave très profond joue en faveur du morceau : les médiums très présents rendent bien la masse des cuivres, et les aigus par-dessus rajoute ce qu’il faut de précision sans que les cymbales, par exemple, ne deviennent trop présentes. La contrebasse et le trombone basse sont assez faciles à suivre, en retrait, mais clairs, n’étant pas mis en avant de façon artificielle.
Edgar Varèse — Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0 h 30 et 1 h 15 min. Ici, le creux dans les hauts médiums n’est pas sans effet sur l’impression d’ensemble : certaines percussions très présentes, la caisse claire au premier chef, nous semblent manquer de présence et d’attaque, alors que des instruments plus aigus (cymbales par exemple) sont mis plus en avant. En revanche, tout ce qui est dans le médium (gong, grosse caisse, timbales) est très bien rendu.
Conclusion
Un peu comme Red Led l’avait été, nous ne sommes aujourd’hui toujours pas impressionnés par ce casque. On peut résumer cela de façon assez simple : il excelle dans ce qu’il fait bien (linéarité et précision des médiums, précision de l’aigu, bonne présence du grave), mais avec des défauts patents (manque de grave très profond, haut-médiums trop en recul) et un manque d’accessoire évident (une mallette, à ce prix-là !) qui nous donnent l’impression que cette relecture du 660 S n’est pas complètement aboutie, et qu’elle ne justifie pas un prix particulièrement élevé.