Casque récent (il a six ans maintenant), casque ouvert, en métal et (force est de la reconnaître) onéreux... Le DT-1990 Pro avait déjà été chroniqué dans nos pages, nous l'avons rappelé pour le faire passer par notre nouveau protocole de test.
C’était sous la plume de Red Led, en 2018, qu’il avait reçu un accueil un peu enthousiaste, mais un peu retenu quand même…
Alors, après avoir testé en ce début d’année un ensemble de casques « de référence » situé dans la tranche 100–150 euros (environ), nous commençons désormais une série complémentaire avec les casques de la tranche supérieure (200–300 euros, et plus). Ils correspondent eux aussi à des références souvent disponibles dans des studios professionnels, et ils concernent plus souvent les écoutes de mix ou de mastering, et non la prise… car ils sont presque tous ouverts !
Voilà pourquoi le DT-1990 Pro passe aujourd’hui par notre nouveau protocole de test. Façon de réactualiser nos jugements, dans une optique comparative, à l’aune de ce que nous avons testé depuis lors, et des nouveaux protocoles mis en place.
Spécifications
Le DT-1990 Pro est un casque de type circumauriculaire, ouvert, avec un transducteur dynamique. La taille du transducteur est de 45 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont les suivantes :
impédance : 250 ohms
réponse en fréquence : 5 Hz – 40 kHz
Le casque est fourni avec deux câbles : un câble torsadé de 5 m en pleine extension, et un câble droit de 3 mètres. Ils se terminent tous les deux par un connecteur jack TRS 3,5 mm, chacun avec son adaptateur vissable 6,35 mm, et ils se connectent au casque par un connecteur mini-XLR à trois contacts. C’est le genre de gage de solidité auquel on s’attend pour un casque dans cette tranche prix. On n’est pas déçu.
Les mousses sont également fournies en double. Elles sont couvertes d’un velours sombre, très doux au toucher et elles sont censées permettre deux types d’écoute différente : plus neutre (« équilibré ») ou plus loupe (« analytique »). Ce qui change : le nombre de trous à l’arrière de la mousse.
C’est connu, par le caractère poreux du tissu, elles se salissent en contact avec la peau au fil du temps, mais elles sont parfaitement lavables à l’eau tiède + lessive, suivi d’un bon séchage à l’air libre.
À la différence des revêtements en faux cuir, le velours aura moins tendance à tomber en miettes en vieillissant. Néanmoins, la matière à beau être confortable, elle reste très chaude à la longue.
L’arceau est couvert d’une mousse de confort, particulièrement épaisse, avec un revêtement en faux cuir assemblé en deux bourrelets. Là aussi, son confort est supérieur à ce qu’on trouve sur les 770/990. C’est très bien !
Elle est maintenue sur l’arceau grâce à un système classique de plaquette à vis (tête au format Torx). On regrette un peu le format ingénieux des modèles inférieurs, ou la mousse d’arceau tient en place grâce à des fermetures à pression, mais le confort gagné en vaut le coup.
Le casque est majoritairement en métal. Dans l’ensemble, toute la construction respire la robustesse et la qualité de finition. J’adore particulièrement la courbe douce, très élégante, des fourches, et le détail de la pièce qui les joint à l’oreillette :
C’est classe.
Démontable ?
Oui, bien sûr !
Pour les casques « DT », la procédure est toujours plus ou moins la même. D’abord, on retire les mousses (il suffit de tirer dessus) :
Ensuite, à l’aide d’un petit tournevis plat, on fait sauter l’anneau de maintien :
On arrive sur la plaque de maintien du transducteur. Pour la sortir, il suffit de renverser l’oreillette (et de taper un peu sur son fond si besoin). Elle tombe alors facilement hors de l’oreillette :
On le voit, sur ces modèles plus récents et plus haut de gamme, les connexions internes sont plus complexes que sur le DT770 par exemple. On le voit également, le mini-XLR est maintenu en place par un écrou intérieur, et peut donc facilement être remplacé ! Tous ces points de connexion sont également faciles à détacher : une fois cela fait, il suffit de déclipser le transducteur :
Attention, c’est l’étape très très délicate ! On sera tout particulièrement attentif aux deux minuscules fils de cuivre qui arrivent de la bobine du HP sur le petit circuit imprimé, et à la très délicate membrane du HP :
NB : toutes ces pièces, même si elles ne sont pas maintenues par des vis, ont un sens très précis de remontage : un picot à l’intérieur de la coque de l’oreillette vient s’insérer dans un creux présent sur chaque grande pièce. Il convient d’y prêter attention !
Pour finir, soulignons que de nombreuses pièces de rechange peuvent être commandées directement auprès du constructeur. C’est un très bon point.
Confort
On est dans le pur style Beyer : des grosses oreillettes qui prennent bien l’oreille, s’adaptent facilement à tous les types de tête, avec un arceau confortable, des mousses en velours douces… mais chaudes et le casque a tendance à être lourd à longueur d’écoute.
Isolation
Il s’agit d’un casque ouvert, donc rien à dire.
Transport
Comme d’habitude chez Beyerdynamic, le casque ne se plie pas du tout, et il est donc encombrant. Pas vraiment le genre d’objet qu’on transporte quotidiennement, même si on signalera au passage qu’il est fourni avec une mallette de transport solide et bien conçue (excellente ergonomie de rangement interne). On ne s’attend pas à moins dans cette gamme de prix, mais c’est toujours agréable d’avoir un casque correctement protégé.
Benchmark
Voici donc le nouveau protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion, réalisées dans notre atelier.
Ces mesures ont été réalisées avec les mousses « équilibrées ». Nous n’avons pas pu réaliser le test avec les mousses « analytiques » puisque la version que nous avons reçue était accompagnée de deux fois la même paire de mousses.
Réponse en fréquence :
On remarque :
- une réponse très égale de 20 Hz à 2 kHz. C’est « équilibré » jusque là, en effet.
- un petit creux à 3 kHz
- une accentuation à 4 kHz un important creux à 6 kHz
- puis une forte accentuation au dessus de 7 kHz, et ce pratiquement jusqu’à 20 kHz. C’est la signature Beyerdynamic, ça.
- accentuation/creux
On remarque que les transducteurs sont très bien appariés, comme toujours chez ce constructeur.
Distorsion :
La distorsion mesurée est inférieure à 0,2 % jusqu’à 100 Hz, en dessous elle monte progressivement jusqu’à 2 % à 20 Hz.
Avec tout cela on s’attend à :
- un profil « aéré », avec beaucoup de détail dans l’aigu
- des basses présentes, mais avec une précision moindre plus on descend vers 20 Hz.
- des hauts médiums en avant, mais sans plus.
Écoute
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il y a de l’aigu ! On le sait, c’est la signature Beyer, mais là où le 990 souligne le passage haut médium/aigu, celui-ci accentue vraiment l’aigu à proprement parler. Résultat, c’est très « aéré » comme on dit, on entend chaque articulation de la voix, mais l’équilibre des fréquences surprend : on est habitué sur ce morceau à entendre une voix où le « coffre » baryton prend plus de place. Toutefois, une fois qu’on s’habitue à cette particularité, on apprécie plus l’équilibre vraiment bluffant des fréquences sur tout le reste du spectre. La basse, parfois « pâteuse » sur ce morceau nous paraît très claire et équilibrée, et les dynamiques très fortes sont bien rendues, l’articulation de la voix est d’une précision remarquable et les queues de réverbe (voix et scie musicale) sont suivies jusqu’à extinction totale, et cela avec une grande justesse dans le panoramique (réverbe de la scie qui dure plus sur la gauche).
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Là aussi, ce n’est pas les détails qui manquent, les attaques étant très soulignées. Sur le grave, il n’y a rien à redire : ça descend très bas, et le casque suit le clavier-basse jusque sur les notes les plus graves sans broncher. La bosse au-dessus de 7 kHz n’affecte pas le côté « nasal » de la voix, ce qui est une bonne nouvelle pour ce genre de coloration vocale qui peut vite devenir fatigante si on la souligne trop.
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. La sibilance est un peu trop présente sur les consonances en « S » du deuxième couplet, mais c’est la contrepartie d’un casque qui rend la performance vocale très lisible et analysable. Le reste du spectre n’est pas en reste, et la résonance sub du kick durant le premier couplet est bien rendue.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Les cymbales sont à la limite de noyer certaines informations dans le médium (c’est un « défaut » de ce morceau) mais ça passe, et le casque rend très bien les différentes tessitures au sein du groupe de cuivre, sans pour autant virer à l’analytique trop froid. La réverbe sur la petite ligne solo du saxophone est très bien rendue et, je le signale parce que ce n’est pas toujours le cas, on perçoit assez bien le piano.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0 h 30 et 1 h 15 min. Là, on se régale : suivi des résonances, rendu de l’acoustique de la salle, des écarts dynamiques, de la grande palette de timbre. Si un peu de fatigue commence à se faire sentir (c’est souvent le cas avec les casques très riches dans l’aigu) on apprécie quand même les grandes qualités de ce DT-1990 Pro sur ce dernier choix musical.
Conclusion
En premier, nous tenons à le dire : le DT1990 Pro est un bon, voire un très bon casque. À ce prix, et venant de ce constructeur, on ne s’attend pas à moins.
Au point de vue de sa construction, il n’y a rien à dire : on voit rarement un tel mélange de solidité, de sérieux et d’élégance. Les accessoires fournis sont nombreux, utiles et fonctionnels (autant que nous avons pu en juger) et permettront à chacun de trouver son confort personnel et sa sonorité préférée. Quant à la signature sonore, mieux vaut en avoir une idée avant de se lancer dans l’achat : personnellement j’aime les casques avec des rendus assez linéaires. J’en veux pour preuve que je mets des notes généreuses à ce genre de casque — voici deux exemples — même si j’essaie généralement de ne pas trop laisser parler ma subjectivité. Ici, l’accentuation des aigus va parfois un tout petit peu trop loin à mon sens, mais je perçois comment — avec un peu d’EQ et surtout l’habitude de travailler avec ce casque — son rendu assez neutre sur le reste du spectre et le foisonnement de détail qu’offre l’accentuation au-dessus de 7 kHz peuvent en faire un excellent outil de travail pour du mix ou du mastering. Reste à souligner le point fort qu’ignorait le précédent test AF : non seulement le casque est démontable, mais les pièces de rechange existent, fournies par le constructeur, et permettront de garder l’appareil en vie plus longtemps. Pour cela, j’ajoute juste un point à la note précédemment émise par Red Led : le huit me semble amplement mérité. Sur le reste des points, nous tombons entièrement d’accord.